• Moyen-Orient:

    et si la sociologie orientale des révoltes sonnait le glas des relations orient/occident?

     

    Et si l'Occident était en passe de s'humilier sur fond de crise syrienne? Et si nos pays, hier gendarmes de l'Orient, devenaient la risée des pays arabes et perdaient toute crédibilité auprès de ces derniers? 

    C'est en tous cas ce que semble redouter Aurélien Pialou dans son article du Monde paru mi-décembre. En fait, les révoltes auraient mis en avant une faille monstrueuse de la diplomatie occidentale: son incapacité à prendre des décisions et à trancher en faveur d'aides ou de prise de parti précises. 

    En s'attardant sur le cas de la crise syrienne, on va voir que au-délà des facades larmoyantes de que nous lisons chaque jour dans les médias, les indécisions européennes coutent des vies, décrédibilisent les puissances occidentales et sont facteur d'incompréhensions socio-idéologiques. 

    Si l'on regarde de près les contestations arabes des trois années qui viennent de s'écouler, révoltes que nous avons appelé Printemps Arabes, l'édification des luttes armées a été progressive et le résultat actuel dans un pays comme la Syrie est le reflet des tendances de fond dessinant les mondes arabes actuellement. 

    Alors justement, comment ces révolutions sont-elles nées? Au-délà de la rupture de la faille politique entre gouvernés et gouvernant et des régimes autoritaires en vigueur lors de la montée des contestations, l'édification et la construction des luttes armées est assez rationnelle. Il a fallu ce que l'on appelle "un processus réactif" c'est-à-dire un élément qui soulève une ferveur populaire car il touche l'émotionnel de chacun. En Syrie, cela a commencé avec la rumeur des tortures d'enfants. Puis aux mouvements de contestations pacifiques s'est rajouté le bombardement de Homs. C'est l'élément déclencheur du mouvement armée. Le processus a été très progressif: peu à peu les révolutionnaires ont saisi le jeu que menait le régime en face. Celui qui refusait publiquement le régime, par les réseaux sociaux, par des actes visibles avait fait son choix; un choix sur lequel il ne lui était plus possible de revenir. Nous le savons tous, les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur surtout durant les deux premières années de la contestation syrienne et les services secrets connus pour le professionnalisme ont pu ficher les opposants peu à peu sans problème. Beaucoup ont été pris au piège et sont aujourd'hui pris au piège entre islamistes et régime. 

    L'enchainement a donc été rapide et rationnel. Des unités armées se sont constituées et ces processus sociaux de résistance ont organisé peu à peu  le territoire syrien. Chaque clan avait son territoire. Au départ, chacun travaillait main dans la main avec son voisin...mais ça c'est du passé. 

     

    Et puis, il y a eu les Occidentaux... En effet, parallèlement aux mouvements de rue, les diplomates occidentaux observaient l'évolution avec beaucoup d'attention. La révolution syrienne a, on peut le dire, apporter une révolution diplomatique européenne. Le bourbier était pourtant flairable de loin...mais très rapidement, devant les répressions assez impitoyables sur les civils, l'émotionnel a pris le dessus dans les chancelleries occidentales et les mots ont été très durs, sévères et malheureusement, eux non plus ne proposaient aucun retour en arrière possible. Attaqué de toutes parts, sans réellement maitriser les situations des premiers mois, le président Assad s'est vite replié sur lui-même et il devenu intraitable, il était impossible de discuter avec lui alors même qu'il était le seul "représentatif" car le seul à avoir une emprise sur le pays et à avoir les clefs du conflit dans sa poche... L'Occident avait son choix.

    Mais le paradoxe n'est pas là. Le paradoxe il est dans l'attitude rapidement adoptée vis-à-vis des rebelles. Aux soutiens émotionnels et réactifs ont succédé les palabres incessantes, les bouches se sont assez vite tues et les paroles se sont mitigées. 

    En fait, le problème était double pour les chancelleries européennes et américaines. D'abord, c'était un soucis de "représentativité". Il est clairement difficile voit impossible d'aider et de fournir un soutien ciblé à une opposition composée de groupuscules et ne présentant aucune unité. Aucun leader n'est réellement identifiable, excepté peut-être le chef du CNS qui n'est pas sur le territoire syrien et qui n'a réellement aucune aura sur son infanterie de première ligne. Le deuxième problème vient des héritages diplomatiques historiques: les relations entretenues entre les diplomaties européennes et des dirigeants sécuritaires arabes ont toujours été assez bonnes dans le passé: Sarkozy recevant Kadhafi à l'Elysée restant l'image la plus célèbre. Les attentats du 11 septembre, la Syrie de la famille Assad s'est toujours montrée très coopérante pour lutter contre la propagation du terrorisme islamiste. Grâce au génie de ses services secrets, le pays a souvent marché sur la crête en soutenant doucement des mouvements islamistes puis en assurant les arrêter. Ce système, faisant la Syrie un pays en recherche de solutions pour lutter contre le terrorisme lui a valu une reconnaissance officielle de plusieurs pays. 

     

    De fait, les sympathies créées, il est difficile d'adopter une ligne stable et convaincue face aux révoltes sans prendre un parti peut-être moralement condamnable car trop exhaustif. Et voilà justement nos pays divisés par les bons sentiments, les amitiés et les sentiments de compassion. C'est ce qui explique l'incapacité flagrante des présidents occidentaux à prendre une décision ferme sans devoir reculer, pédaler dans le vide et faire des déclarations floues. 

    Dans un premier temps, le soutien verbal a été de mise. Cela n'est pas spécifique à la Syrie, on a pu l'observer en Libye, en Egypte ou en Tunisie. Mais comme souligné précédemment, difficile de soutenir une organisation qui n'est pas représentative d'elle-même. Alors il a fallu donner une idée de représentativité à l'opposition sans avoir la moindre d'idée de ce qu'est l'idéal de représentativité d'une opposition civile. 

    Toujours est-il que les soutiens n'ont jamais été vraiment crédibles car ils n'ont jamais été concrets. On a exigé un mouvement de transition représenté par un gouvernement provisoire...mais sans le moindre "coup de main". Un pays au plus profond de la crise et guerre civile, dont plus de la moitié du territoire est aux mains de cellules djihâdistes doit désormais répondre à une injonction européenne: entendez-vous avec votre président pour un gouvernement de transition. Pas évident, nous sommes d'accord!

    Comme la géopolitique c'est aussi préparer "l'après", et que cet "après" effraie facilement les populations orientales mais aussi occidentales, les chancelleries européennes ont aussi fourni de précis critères tout cela dans une ébauche de constitution. Comment cela? Il faut équilibrer les poids sociaux des différentes minorités pour éviter des règlements de comptes à venir. Alors cela part d'un principe louable lorsqu'on sait la mosaïque ethnique que représente la Syrie actuellement et ce que risquent de subir les minorités alaouites si le pays tombait entièrement aux mains des sunnites. Mais encore une fois, sans aide manifeste la tâche est ardue, alors même que les rebelles se battent même entre eux. 

    Dans cet éparpillement diplomatique, cela fait longtemps que les vraies redevendication du peuple syrien, victime actuellement des exactions djihâdistes autant que des dommages collatéraux et de la brutalité des milices pro al-Assad, se sont perdues. Ces revendications elles concernaient la justice, la qualité de vie, la sécurité... Il faut dire aussi que les revendications relatives à la qualité de vie du peuple n'ont jamais vraiment beaucoup intéressé les diplomates occidentaux. Ils se préfèrent à traiter de notions telles que "acteurs pertinants", "partenaires de dialogue"... Cela est plus édifiant et à long terme logiquement plus utile. 

     

    D'aucuns se plaisent à condamner les agissements "immoraux" qui consistent en un rapprochement entre diplomates européens et hommes de Damas. Il faut dire que les Occidentaux ont pour le moins changer leur fusil d'épaule ces derniers jours. En affirmant que le président al-Assad devait jouer un rôle dans la transition et que les alaouites devaient conserver le pouvoir militaire, les diplomaties occidentales ont pris un sérieux parti et annoncent par la même, les couleurs pour les discussions à venir le 22 janvier à Genève. Le rapprochement Russie-Etats-Unis et leur travail commun dans la recherche d'une transition dans les meilleures conditions est un ciel d'azur pour le président al-Assad. 

    Il reste néanmoins à espérer que Genève 2.0 ait lieu et que les rébellions islamistes qui pullulent soient écrasées par les troupes et milices pour laisser place au Conseil modéré du CNS. 

     

    Questions d'Orient/ Le 22 décembre 2013


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  • Syrie:

    le Kremlin accuse Assad de faire monter la pression par des déclarations ambigües

     

    Si cela s'avère réel, ça n'est pas très malin de la part du président syrien. Son allié traditionnel, Moscou accusait hier le président al-Assad de provoquer volontairement l'opposition syrienne en déclarant tout bonnement sa possible candidature aux éléctions présidentielles de 2014 dans le pays. 

    Le Kremlin a fait remarquer que ce type de déclaration ne faisait qu'exacerber les tensions entre les deux camps alors même que nous nous situons à un mois de la conférence de paix de Genève 2 et que l'opposition a placé comme conditions sine qua non l'assurance du départ du président syrien pour entamer les négociations. "De tels propos ne font que faire monter la tension et ne calment guère la situation", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov dans une interview à l'agence Interfax, paroles rapportées dans le quotidien libanais francophone l'Orient-Le-Jour. 

    Mais le régime garde la tête froide et a encore affirmé que nul ne pouvait empêcher le président Assad d'être candidat voir reconduit à l'éléction présidentielle. Très démocratiquement, le ministre des Affaires étrangères syrien a déclaré: "Nous voulons qu'à la fin (des discussions), les urnes décident qui dirigera le pays". Ce dernier n'a pas non plus manqué de jouer sur les mots et a fait un clin d'oeil fourbe au président Hollande: "le président Assad jouit d'une très grande majorité, contrairement au président (français) François Hollande qui n'a que 15 % d'opinions favorables dans son pays". Fayçal Moqdad a rajouté que "Personne n'a la droit d'interférer et de dire s'il doit être candidat ou pas. C'est une décision qui doit être prise par le président lui-même avec le soutien du peuple syrien". 

    Et comme prévu, ça coince. Il fallait s'en douter, les rebelles ont opposé un refus catégorique à ce projet. Après, il y a les deux camps chez les rebelles: modérés et islamistes. Al-Nostra, front islamiste rattaché à Al-Qaïda a déjà refusé tous les résultats qui pourraient émerger de la conférence de Genève 2. Dans la première interview qu'a accordé le groupe dorénavant indépendant, son chef Abou Mohammad al-Joulani a déclaré à al-Jazira que: "Les participants ne représentent pas les gens qui se sont sacrifiés et ont versé leur sang" pour lutter contre le régime Assad. 

    Un mois avant Genève 2 l'opposition n'a jamais été autant divisée. Le minorité kurde a fait savoir qu'elle souhaitait disposer d'une délégation indépendante de celle de l'opposition et du régime. 

     

    Parallèlement à ces déclarations, l'émissaire international, Lakhdar Brahimi a fait une intervention pour dénoncer les enlèvements de quatre militants de l'opposition. Il a exigé leur libération. Que qui s'agit-il? Les noms de Raza Zeitouneh, Waël Hamada, Samira Khalid et Nazed al-Hamadi ont été mentionnés par les Comités Locaux de Coordination (LCC) et rapportés par l'Orient-Le-Jour. Ces hommes auraient enlevé près de Damas le 10 décembre par des inconnus dans un secteur rebelle. Ces enlèvements font suite à celui de Rajaa Nasser, un opposant appartenant au parti d'opposition modéré et toléré par le régime du CCCND (Comité de Coordination pour le Changement National et Démocratique). 

     

    A Alep, dans les banlieues de la ville et les villages voisins, l'armée de l'air syrienne a continué à pilonner les zones rebelles. Cela fait maintenant cinq jours que le régime et les avions militaires bombardent en larguant des barils de TNT faisant plus de 160 morts, tandis que Médecins sans frontières déclarait que ce serait plus 189 morts. "Après quatre jours de largage de barils d'explosifs sur Alep, le régime (...) a frappé Tall Alam", un village au sud-est de la deuxième ville du pays, a indiqué sur Facebook le "centre médiatique d'Alep", un réseau de militants. D'autres groupes de réseaux sociaux (Shahba Press) ont ausi déclaré avoir subi des raids aériens à Daret Ezza, Marea, Minbej et Anadane, des villages et localités au nord d'Alep et tenus fermement depuis plus d'un an par l'opposition.

    "Il sera difficile, voire impossible, que l'armée avance dans les quartiers rebelles d'Alep, mais je pense que le régime tente de monter la population contre les rebelles", a déclaré Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

    13 soldats syriens ont été tués hier dans des combats avec des jihadistes dans la ville de Deir ez-Zor, à l'est du pays selon OSDH.

     

    Questions d'Orient Le 20 décembre 2013


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  • Syrie: 

    les atrocités djihâdistes reconnues par Amnesty International

     

    Enlèvements, tortures, exécutions par décapitations, fouets, isolements dans des conditions sanitaires terribles. Voilà que Amnesty International, qui n'avait encore jamais déclaré quoique ce soit sur les atrocités syriennes qui sont aussi le fait des groupes djihâdistes, accuse ouvertement les groupuscules en forte augmentation actuellement. C'est EIIL que l'ONG vise particulièrement. Etat Islamisque en Irak et au Levant est un groupe islamiste parmi les plus puissants actuellement en lutte contre le régime de Damais...mais aussi contre ASL (Armée Syrienne Libre) ou encore contre les citoyens syriens qui fument...

    D'autant que ce ne sont pas les vidéos à l'appui qui manque pour prouver la nature de la plupart de ces groupes islamistes, qui ont récemment pris leur indépendance vis-à-vis le l'Etat-major du CNS et de l'ASL. 

    Les exactions auraient lieu dans sept prisons secrètes sur le territoire syrien encore contrôlé par l'opposition islamiste. L'ONG a aussi révélé que parmi les prisonniers se trouvaient des enfants de huit ans voir moins. Ces derniers, comme tous les mineurs seraient soumis au fouet et à des conditions "cruelles et inhumaines". 

    Les scènes décrites par des prisonniers sont incroyables. On parle d'un juge (on pourrait dire bourreau je pense) jugeant avec une ceinture d'explosif à la taille dans un cadre de "procès grotesquement inique". Les peines seraient déclamées en quelques minutes. 

    Parce que bien sûr ce n'est pas tout d'emprisonner. Les terroristes bafouent aussi les règles de la justice en créant localement leur idéal (qu'ils veulent imposer à tout le pays par la suite): le tribunal islamiste régit par la charia, la loi islamiste. La solution est simple: on tranche la tête ou un décapte le dos à coup de fouet (ou de cables d'après des prisonniers). 

    Alors qui sont les victimes? L'ONG l'a clairement fait comprendre en accusant EIIL "de piétiner impitoyablement les droits des habitants locaux". Les victimes sont de tout type: des meurtriers, des gens qui auraient fumé, des gens qui auraient eu des relations sexuelles or mariage ou...encore mieux qui seraient en lutte contre le régime mais dans d'autres organisations. Des dizaines de militants, de journalistes citoyens ou de journalistes étrangers ont aussi disparu ces derniers mois dans les grandes villes syriennes."Après avoir souffert des années de la brutalité du régime [du président Bachar al-Assad], les habitants de Raqqa et d'Alep souffrent maintenant de la tyrannie imposée par l'EIIL". Ce sont les paroles de Philip Luther, le responsable d'Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord rapportées dans France 24 ce jeudi 19 décembre. 

    Amnesty a aussi demandé à la Turquie et aux pays du Golfe de contrôler leurs livraisons d'armes et d'éviter que ces dernières parviennent dans les mains des djihâdistes ce qui était arrivé durant la crise libyenne...même si on peut se demander si les mauvaises livraisons aux mauvaises adresses n'étaient pas volontaires...petite erreur de courier. Peut-être rien à moyen terme mais à long terme?? 

     

    Questions d'Orient/ Le 19 décembre 2013


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  • Syrie:

    relents gépolitiques gaziers autour de la crise

     

    Et si la crise en Syrie était en fait un problème de géopolitique énergétique? C'est ce qu'affirme l'expert en énergie Sami Nader au quotidien libanais francophone L'Orient-le-Jour.   

    Il affirme en effet que le conflit pourrait s'avérer avoir un fond de conflit sur l'exportations de gaz de l'Orient ver l'Occident. Cela transcendrait les explications confessionnelles (qui sans nul doute sont les raisons des combats aux échelles locales) et la guerre entre sunnites et chiites. 

    Quels seraient alors les pays concernés? Il s'agirait de la Syrie, de l'Arabie Saoudite, du Qatar, de la Russie et...de la Turquie qui, même si le pays ne dit rien, ne joue pas moins un rôle prépondérant dans le soutien à l'opposition et aux islamistes. 

    Bien sûr ces raisons semblent moins évidentes et moins claires que celles fournies par les médias, les blogs ou les politologues dans le monde mais cela pourrait expliquer l'engagement acharné des russes aux cotés d'al-Assad et le soutien financier et en armement qu'accordent la Turquie et l'Arabie Saoudite à l'ASL. 

     

    Replacons les évènements dans le contexte. Un quart du gaz importé en Europe provient de Russie. Le pays de Poutine possède donc une suprématie totale en la matière, suprématie qu'elle n'a pas envie de laisser couler aux mains d'autres pays orientaux; car lorsqu'il s'agit d'énergie, tout le monde est prêt à tout.

    Considérant ce monopole, considérons en parallèle les deux projets en cours dans l'Europe orientale, prévoyant tous deux la construction de gazoducs vers l'Europe. 

    -> Il y a d'abord le projet Southtream, projet paneuropéen qui devrait émerger en 2015. Ce dernier est très favorable à la Russie puisqu'il prévoit de relier l'Europe occidentale tout en évitant les pays turcs et l'Azerbaïdjan mais aussi les anciennes républiques soviétiques. 

    -> Et puis il y a Nabucco. C'est un projet qui a conquit à sa cause les Etats-Unis et l'Union Européenne. Il est prévu pour 2017 et n'est pas favorable du temps à la Russie puisqu'il prévoit un gazoduc pour diversifier les sources énergétiques ce qui permettrait dans le même temps de réduire la dépendance à la Russie de pays comme la Hongrie. Le pays dépend à 80% du gaz russe. 

    Et en parallèle, il y a un projet sur lequel la Turquie et le Qatar oeuvreraient ensemble depuis quelques années. Ce projet de gazoduc viserait à rallier Nabucco mais en passant par l'Arabie Saoudite, la Syrie pour finir sa course en Turquie tout en prenant sa source au Qatar. Tout cela semble une initiative purement orientale mais un intru bouscule les objectifs: le régime syrien. Depuis 2009, le président al-Assad refuse de signer ce projet en prétexant une possible rupture des relations diplomatiques et économiques avec le Kremlin, un solide allié de Damas. 

    D'après Nader, cela pourrait être une des motivations de la Turquie et du Qatar au soutien actif de la rébellion. D'autant qu'avec ce projet greffé sur Nabucco la Russie perdrait son rôle de grand N°1 et la diversification des sources provoquerait une baisse générale et logique des prix du gaz. 

    En 2012, Al-Assad a continué à faire des siennes en donnant son accord pour un projet énergétique d'ampleur: un gazoduc devant relié Irak et Iran et desservir sur son passage la Syrie, et le Liban. Cela a d'ailleurs agacé la Russie. Explications de M. Nader: "Jamais les Russes ne pourront accepter une Syrie ayant une frontière (gazière) directe avec l'Irak" L'expert a aussi affirmé que ce projet était au cœur des discussions entre le responsable saoudien Bandar ben Sultan et des responsables russes depuis quelques mois.

    Les volontés d'hégémonie en matière de gaz russe ont été aussi mises en avant suite à la découverte maritime de gaz naturel dans le bassin est de la Méditerranée, souligne Sami Nader, Cela pourrait aussi expliquer le conflit historique Israël-Hezbollah pour ce qui est de la définition des eaux territoriales de chacun des pays Irsaël et Liban. Cela explique la position médiane et d'interlocteur commun que tend à prendre la Turquie depuis des années. 


    En grand diplomate, M. Nader préconise des solutions « diplomatiques et transparentes », sinon c'est toute la région qui risquerait d'être entraînée dans des guerres de façade sans précédent. En faisant un habile parallèle avec la CECA (Communauté Européenne du Charbon et d'Acier) qui avait sauvé l'Europe de conflits sectaires et intéressés, Nader suggère que les pourparlers soient axés sur les problèmes énergétiques de gaz alors même que la communauté internationale se prépare à la grande conférence de paix de Genève 2 en janvier 2014. 

     

    Il est difficile de savoir quelle solution pourrait être la meilleure mais même si des conflits à l'échelle internationale tel que celui sur le gaz pourraient avoir entraînés des soutiens et alliances diverses il est clair que le facteur idéologique ne sera pas résolu ainsi que maintenant que chiites et sunnites ont trouvé le terrain d'affrontement et se tapent perpétuellement dessus ce n'est pas un traité géopolitico-gazier qui, de toute façon ne les concernent en rien (voir pire: favorisera l'Occident), qui calmera les ardeurs. 

     

    Questions d'Orient/ Le 19 décembre 2013


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  • Syrie:

    l'appareil militaire et sécuritaire doit rester aux alaouites

     

    Vous êtes prévenus, la transition à Genève en janvier ne pourra s'envisager sans le président Assad.

    C'est le message et la ligne rouge clairement défini par Washington et les puissances européennes ces derniers jours à propos des négociations qui pourraient réunir les deux camps en janvier. Quel paradoxe quelques mois après l'armement des avions pour aller frapper les troupes du président alaouite! En réalité, il semblerait que l'Occident ayant pris une sérieuse décharge après la prise d'une zone de caches d'armes de l'ASL mais aussi de matériel occidental au nord de la Syrie par le Front Islamiste, la semaine dernière. 

    Le message a été transmis aux membres du CNS (Conseil National Syrien) mardi lors d'une conférence à Londres avec les Amis de la Syrie. Cette organisation informelle regroupe les puissances occidentales, arabes mais aussi la Turquie, acteur prenant une place considérable dans le transfert et le transit de combattants islamistes vers la Syrie. 

    Cela n'a pas été sans réveillé les ardeurs des membres du CNS. "Nos amis occidentaux ont clairement dit à Londres qu'on ne pouvait pas laisser Assad partir maintenant parce qu'ils pensent que cela déboucherait sur du chaos et une prise de contrôle par les activistes islamistes", a déclaré à l'Agence Reuters un membre du CNS, proche de responsables saoudiens. L'idée que le régime réorganise une éléction présidentielle à la fin du mandat officiel d'al-Assad à l'horizon 2014 anime quelques ardeurs patriotiques qui ne manquent pas de rappeler quelques épisodes flous du conflit: "Certains ne semblent même pas se soucier du fait qu'il puisse se représenter l'année prochaine, en oubliant qu'il a gazé son propre peuple." D'autant que si la situation d'une éléction se présentait, il n'est pas exclu que le président al-Assad soit reconduit tout à fait légitimement grâce à l'addition des minorités qui pèsent lourd: coptes, alaouites, commerçants, syriens désemparés par la montée d'islamistes ou tout simplement fidèles d'Al-Assad. 

    Le message envoyé par les puissances occidentales et notamment par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis traduit clairement un changement de perspective dans la gérance géopolitique du conflit. L'évincement diplomatique ou militaire du président a été rapidement relégué au second rang et les présidents occidentaux semblent avoir punaisés un post it: il faut entamer une chasse aux groupes islamistes auxquels nous avons laissé la voie (et la voix) libre en choisissant de ne pas intervenir. 

    Ces décisions divisent profondément la communauté internationale affectée par la crise syrienne. Cela pourrait conduire à un rapprochement avec la Russie mais laisse les Turcs et les Saoudiens fâchés. Voilà 43 ans que l'Arabie Saoudite sunnite doit supporter ce neutron alaouite installé dans la ville par excellence des sunnites après l'historique passage des Omeyyades de Damas. En revanche, les islamistes et la propagation de ces groupes au Proche-Orient ne semble pas réellement être un grand problème pour la monarchie wahhabite et Istanbul. L'Arabie Saoudite voit aussi d'un très mauvais oeil le rapprochement entre Washington et l'Iran, le grand ennemi chiite malgré les dernières propositions d'ouverture du premier ministre Zarif au CCG. 

    Ce mécontentement, l'Arabie n'a pas hésité à le manifester ouvertement: aux Amis de la Syrie elle n'a envoyé qu'un diplomate de second rang et mardi via le par le New York Times, l'ambassadeur saoudien à Londres Mohammed ben Nawaf ben Abdel Aziz al-Saoud, apostrophe ses "amis et partenaires occidentaux". Sans passer par des chemins dérivés il écrit que les relations du royaume wahhabite avec ses partenaires "ont été mises à l'épreuve principalement en raison de différends sur l'Iran et la Syrie".

    Ryad n'hésite plus à revendiquer son statut de "cavalier seul","n'a d'autre choix que d'agir avec davantage de détermination dans les affaires internationales", "avec ou sans le soutien de nos partenaires occidentaux". Et l'ambassadeur de rajouter devant l'argument de l'augmentation de l'influence djihâdite qu'il est "trop facile pour certains d'utiliser la menace des actes terroristes d'el-Qaëda comme excuse à l'hésitation et à l'inaction."

    Aziz al-Saoud a aussi assuré du soutien de l'Arabie Saoudite à l'ASL, chose que ne remettent toutefois pas en question les Etats-Unis puisque la semaine dernière encore, John Kerry, secrétaire d'Etat avait assuré du même soutien. Ne confondons pas ASL et rébellion syrienne...

    "Le moyen de prévenir l'avènement de l'extrémisme en Syrie est de soutenir les hérauts de la modération: financièrement, matériellement et, oui, militairement si nécessaire", juge le diplomate saoudien. 

     

    Concernant des mesures de rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie, elles semblent en fait plus avancées que ce que l'on pourrait croire. Selon un membre de l'opposition qui a des contacts aux Etats-Unis, les deux pays pourraient être en train d'engager un travail diplomatique visant à définir à définir un cadre pour la transition étatique. 

    Les déclarations restent les mêmes: les alaouites doivent garder le contrôle de l'armée. Cela permettrait sûrement d'éviter nombre de vengeances contre les familles chiites mais aussi la création d'un corps d'union contre la menace réelle: al-Qaïda. Pour cela, les deux pays pourraient envisager l'intégration directe au corps d'armée syrien, des certaines milices rebelles actuelles parmis les plus modérées. Il faut rappeler que nombres de milices des premiers jours sont en lutte acharnée contre d'autres milices djihâdistes...l'objectif premier se perd de vue. "Même si Assad est mis de côté et qu'un sunnite est placé à la tête d'une autorité de transition, ce dernier n'aura aucun pouvoir car ni Washington ni Moscou ne semblent vouloir la fin du contrôle alaouite sur l'armée et l'appareil de sécurité", dit ce syrien, résistant des premières heures. 

     

    Aurait-on trouvé la solution? Pas sur qu'elle soit acceptée de tous les syriens. D'autant qu'il faudrait aussi trouver l'homme de l'après, l'homme qui hériterait du poste de président pour le gouvernement de transition. Les USA et la Russie auraient aussi commencer à examiner des listes de potentiels successeurs. 

    Afak Ahmad, un ancien officier des services secrets syriens ayant rompu en 2011, estime que Moscou pose cette condition de la présence alaouite comme une condition sine qua non.

    Il a déclaré que "La Russie ne s'accroche pas à Assad mais la ligne rouge pour Moscou, c'est la préservation de l'armée syrienne". "Elle juge que, avec une expérience de 50 ans au sein de l'armée et de l'appareil de sécurité, les alaouites sont les mieux placés pour combattre les activistes islamistes."."La solution politique doit être progressive et impliquer une direction collégiale", poursuit-il. "Si les alaouites ont la garantie qu'il n'y aura pas de représailles contre leurs vies et leurs biens, ils accepteront qu'Assad et le premier cercle de ses collaborateurs s'en aillent."

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    Il semble néanmoins certain que les discussions qui se rapprochent et qui auront probablement lieu à Genève à partir du 22 janvier 2014, seront centrées sur le rôle à venir de la minorité alaouite. Un diplomate aurait suggéré au CNS d'adopter une attitude plus "créative" sans forcément revenir sur le fait que le conseil exige le départ d'al-Assad. Mais il n'a pas manqué encore de rappeler la ligne de conduite au CNS: "Si l'opposition rejette un tel accord, elle perdra la plupart des pays occidentaux et n'aura plus que l'Arabie saoudite, la Libye et la Turquie à ses côtés". 

    Autant dire qu'avec toutes ces déclarations ces jours, le CNS se retrouve face à un sérieux dilemme, sous la pression et sûrement contraint de revoir ses plans.

     

    Questions d'Orient Le 18 décembre 2013


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