• Syrie:

    Ces jeunes qui veulent vivre le djihâd

     

    Ils se nomment Sammy, Sean, Ismaïl ou Zacharia, ils ont entre 16 et 23 ans et ils sont actuellement dans les décombres des villes syriennes, aux côtés de rebelles et accomplissent leur idéal: le djihâd armé contre "les mécréants". 

    Abdelwahad a perdu ses deux fils, Zacharia 23 ans et Ismaïl 16 ans partis l'un après l'autre se battre en Syrie. Alors ce père de famille belge, loin d'être affilié à des réseaux malseins raconte leur départ. Le plus grand était un garçon sérieux, loin d'être un djihâdiste ou un extrémiste...jusqu'à fréquenter une mosquée où il s'est passé quelque chose... Il semblerait que ce soit le réseau Sharia4Belgium affilié à al-Qaïda qui ait embrigadé son fils. Toujours est-il que le jeune homme a souhaité faire un retrait religieux à Vilvorde durant six jours. A son retour, il voulait mourir en martyr et partir en Syrie. En décembre 2012, sa mère met la main sur un billet d'avion pour la Turquie...un aller simple. Alors dans la famille on le prend en charge et on tente de le raisonner. Son père l'emmenera aussi voir l'imam de la mosquée de Bruxelles qui lui dit que la guerre sainte ne lui apportera rien... Alors ce Zacharia, encore fragile hésite. Le 17 janvier, il part à l'école comme à son habitude. Le soir à 23 heures il appelera Ismaïl, son frère depuis la Turquie. La famille s'engage alors dans une course contre la montre et remonte sa trace jusqu'à Istanbul grâce à l'aide des autorités et le manque de trois jours; il est déjà passé en territoire syrien avec trois autres jeunes belges. La situation est irréelle. Son père ne comprend où il a trouvé l'argent nécessaire...peut-être une filiale directement implantée en Belgique; c'est en tous cas ce dont est persuadé ce dernier. 

    La famille reste malgré tout en contact avec lui grâce aux sms et les nouvelles ne sont pas bonnes...le jeune homme affirme avoir commencé une formation militaire gérée par al-Nostra, la principale organisation rebelle syrienne ayant prêté serment à al-Qaïda. Le 8 mars il réussit même à appeler son père; ses paroles ont de quoi glacer le sang: "Il m'a dit qu'il cherchait le martyre, et qu'il voulait instaurer un califat en luttant contre les mécréants". Son frère Ismaïl, quant à lui très isolé depuis le départ de son frère disparaît le 4 avril de cette année avec Bilal, 15 ans. Il appelera sa famille pour les prévenir qu'ils ont gagné la Syrie pour faire le djihâd...sans jamais avoir été inquiétés par les autorités douanières. 

    Sammy est un cas qui différe par son passé: c'est un jeune homme d'une vingtaine d'année en échec scolaire et social ne parvenant pas à se faire une place dans la société qui l'entoure. Il sera bénévole un temps aux Restos du Tawhid qui distribue des repas aux sans-abris. C'est probablement de là qu'il est embrigadé par une cellule djihâdiste. Les restos du Tawhid sont gérés par Jean-Louis Denis, un wallon soupçonné de faire partie de Sharia4Belgium. Sa mère, Chantal (nom modifié) est désespérée, elle ne peut saisir ce qui a poussé son fils à une telle action. Elle a le sentiment d'une trahison. Et son fils est aussi parti avec Sean, 23 ans. Lui ne reviendra jamais en France. Son corps gît dorénavant dans les ruines d'une maison syrienne. C'est Sammy qui a prévenu la mère de Sean. Il lui a dit qu'il l'avait enterré sur place comme le veut la coutume musulmane. 

    Si les objectifs étaient les mêmes entres les frères Abdelwahad et Sammy et Sean, les profils étaient différents. Les deux frères n'avaient aucun passé de délinquent, étaient en parfaite réussite scolaire. Les deux autres hommes étaient en chute libre: chômage, impression d'abandon... Peut-être cela explique-t-il cet engagement. La mère de Sammy voudrait croire que son fils a emprunté une telle voie car il semblait être enfin reconnu, avoir une place et jouer un rôle...elle aurait préféré bien entendu que ce soit autre part. 

     

    Mais ces jeunes ne sont pas des cas isolés et c'est bien là le problème. Le phénomène est "particulièrement préoccupant" selon M. Valls et son homologue belge. Les deux ministres étaient en effet réunis le 5 décembre dernier pour discuter autour de ce problème. Selon les estimations, il y aurait entre 1500 et 2000 jeunes français et belges qui seraient partis mener le djihâd en terre syrienne contre 600 en juin dernier. La question est: et s'il y avait retour de ces 2000 djihâdistes partis attirés par al-Qaïda dans les pays français et belges... C'est aussi ce qui fait peur à la Russie concernant le cas tchétchène. 

    « Lorsque le conflit a éclaté en Syrie, il était difficile d'agir car il s'agissait d'aller combattre un régime condamné par tous, ce qui rendait les incriminations difficiles », a rappelé Manuel Valls. Aujourd'hui, la situation a changé, souligne-t-il : « La plupart des individus ont fait état de leur volonté de combattre dans les organisations proches d'Al-Qaida. »

    Mais "il n'y a pas de retours massifs" de ces combattants étrangers, a nuancé Joëlle Milquet. "Aujourd'hui nous ne constatons pas de menace directe ou avérée contre nos pays, nos intérêts ou nos ressortissants", a pour sa part reconnu Manuel Valls. "Nous ne devons pas pour autant baisser les bras, car les groupes djihadistes se sont renforcés, et nos ressortissants deviennent dangereux", a-t-il toutefois averti.

    Trois réunions interministérielles ont été organisées ces jours auxquelles ont assisté les ministres de l'intérieur britannique, allemand, néerlandais, italien, espagnol, suédois et danois. Ces réunions avaient toutes pour sujet les profils de ces jeunes hommes que les conjonctures économiques, sociales, politiques, culturelles, idéologiques conduisent à envier le martyre.

    "Il s'agit d'hommes plutôt jeunes, d'origine très modeste, et pour la plupart convertis à un islam radical. Ils ont un passé de délinquance, ont été impliqués dans le trafic de drogue et parfois dans des actes de grand banditisme", voilà le profil de ces recrues selon M. Valls. 

    "Nous devons neutraliser le cyberespace et, sur ce point, les Américains posent un problème à cause de leur premier amendement qui défend la liberté d'expression" a indiqué le ministre français. Il semblerait en effet, que beaucoup de cellules de recrutement passent par le moyen internet pour propager leur idéologie prônant la guerre sainte. Mais les Européens doivent aussi se mobiliser contre les filières qui utilisent des voies d'acheminement physique des combattants qui sont moins surveillés ou traversant des pays laxistes: Turquie, Balkans, Maroc. Ces branches seraient capables d'envoyer une dizaine de personnes par semaine en Syrie. 

    La présence des combattants occidentaux a été confirmée par une vidéo qui a circulé il y a deux mois environ. Cette vidéo montre la décapitation d'un homme par des rebelles; des rebelles qui parlent...un français parfait parfois entrecoupé de paroles en flamands ou avec un sérieux accent belge. 

     

    Vidéo: une bande son uniquement où l'on entend des voix françaises et belges

     

     

    Des Belges ont décapité un homme:

    Attention images choquantes

     

     

    Questions d'Orient/ Le 10 décembre 2013


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  • Arabie Saoudite

    Et si le pays était en train de se couper de ses alliés du Golfe ? 

     

    L'Arabie Saoudite, grand pays sunnite et soutien de la rébellion syrienne serait-elle en train de s'isoler suite à un jeu d'accords plus ou moins réussi? 

    Il se trouve que ces jours les médias israéliens semblaient annoncer un accord entre Israël et la dynastie wahhabite d'Arabie. On peut dire que cela est assez orginial mais finalement lorsqu'on regarde les conjonctures politiques du Moyen-Orient actuelles, on peut se rendre compte assez facilement que les deux puissances ont assez de raisons de trouver une alliance face à des frustrations communes. C'est néanmoins une première historique: l'émir wahhabite Walid ben Talal, membre de la famille royale a déclaré à CNN que l'Iran est dorénavant l'ennemi "numéro 1" des Arabes, plus même que ne le serait Israël. 

    Côté israélien, les commentateurs s'élancent affirmant qu'il s'agit là d'une occasion unique pour parvenir à une nouvelle équation politique et géopolitique régionale. Cette dernière serait alors basée sur une coopération effective qui pourrait lutter contre les rapprochements irano-américains et russo-américains qui sont en cours autour de la question du nucléaire.

     

    Des frustations communes? Mais lesquelles? Il faut dire qu'en ce qui concerne la géopolitique moyen-orientale actuellement, l'actualité est plutôt riche et propice aux retournements et aux alliances incongrues.  

    Mardi dernier un chef du Hezbollah, Sayyid Hassan Laqqis a été assassiné dans une opération montée et menée avec des mains de maître. Le chef du mouvement chiite, grand opposant à Israël avait logiquement et spontanément pointé du doigt son ennemi légendaire qui avait formellement démenti accusant des milices sunnites syriennes rebelles. Mais d'après le Hezbollah, l'assassinat aurait été profitable en de nombreux points au pays hébreu. Laqqis se serait trouvé sur une liste citée dans la publication américaine Foreign Policy. Il était donc une cible de premier choix. Voilà en ce qui concerne Israël. 

    Maintenant, quel pourrait être le rôle de l'Arabie Saoudite là-dedans? Hé bien voilà que la monarchie wahhabite et plus généralement le pays était accusé d'être aux fondements de l'attentat contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth et des deux voitures piégées des banlieues sud. Accusé par? Par un certain Nasrallah, quelques minutes avant l'assassinat de Laqqis. Et pourtant des sources du Hezbollah connaissant bien Nasrallah affirmait son attitude toujours très prudent et ne voulant pas risquer un conflit qui serait dévastateur entre sunnites et chiites. On pourrait donc supposer que pour de telles accusations aussi directes il aurait eu de sérieuses preuves. 

    Alors voilà les deux pays, hébreu puis saoudien accusés et reliés par des frustrations communes dans des affaires de terrorismes qu'ils prétendent combattre, tout cela sur toile de conflit syrien et de négociations sur le nucléaire iranien. 

    Pour les membres du Hezbollah, si une telle alliance a lieu, c'est surtout parce que certains saoudiens voient Israël comme la seule puissance actuellement, capable d'attaquer les installations nucléaires iraniennes. Mais dans tous les cas, les partisans de cette doctrine soutiennent que cet accord ne sera que nocif aux wahhabites. Une telle attaque semble poutant en total décalage avec la conjoncture géopolitique actuelle, les négociations post-Genève ayant commencé cette semaine. Et le rapport hiérarchique est clair: c'est Israël qui travaille chez les Etats-Unis et non pas l'inverse. Ce qui fait donc qu'Israël n'envisagera absolument rien sans l'accord américain et aucun accord  ne sera donné lorsque tous les pays travaillent à la réconciliation et qu'un accord provisoire a été trouvé. D'autant que pour les israéliens, le véritable ennemi reste la Palestine, dangereux par la résistance et par la démographie en constante augmentation. 

     

    Mais il semblerait qu'avec un tel accord, la monarchie pétrolière wahhabite se soit coupée d'un certain nombre de soutiens importants. En effet, aucun autre pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) n'adhèrent à une telle politique hostile au rapprochement irano-américain. Le Qatar et Koweit ont accueilli il y a peu le ministère des Affaires Etrangères iranien. Oman et les Émirats Arabes Unis s'étaient, quant à eux, déplacés en terre iranienne. 

    L'Arabie Saoudite serait donc en train de perdre l'Irak, une partie de la Syrie, du Liban, de la Jordanie (qui semble faire "son trou" au Conseil de Sécurité), les membres du CCG, et surtout la Palestine qui était une grande cause de l'unité et de fédération des arabes. 

    Alors voilà la monarchie pétrolière, pays parmi les plus puissants et les plus influents du CCG, esseulée avec pour compenser ses pertes territoriales ou idéologiques le pays hébreu. 

     

    Questions d'Orient/ Le 09 décembre 2013


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  • Syrie:

    entre les doutes de Fabius et la réalité du terrain 

     

    Alors que dans un contexte d'hyper-tensions au Liban et d'avancée de l'armée syrienne dans la région de Qalamoun, Laurent Fabius, chef de la diplomatie française exprime ses craintes quant aux débouchés de la conférence de Genève 2. Cette conférence est un espoir de paix en Syrie. Elle doit réunir les membres de l'opposition syrienne, probablement une déléguation du régime al-Assad et les puissances occidentales. 

    Mais pour le chef des affaires étrangères françaises, les espoirs sont des rêves et les résultats risquent d'être bien longs à venir. Ah bien sûr, qu'espérait-on? On ne peut pas tout avoir non plus. "Je crois qu'elle aura lieu mais il ne faut pas simplement qu'elle soit une conversation, il faut qu'elle débouche et (...) c'est très difficile d'imaginer un débouché positif rapide" a déclaré monsieur Fabius sur France Inter. "La conférence de Genève, je dois le dire, ce n'est pas une surprise, se présente dans des conditions quand même très difficiles". 

    Pour les diplomaties internationales, il faut rappeler que l'objectif premier est surtout de parvenir à un accord entre l'opposition et le régime pour mettre en place un gouvernement de transition en Syrie. 

    Mais ce qui semble plus difficile, c'est la décision de qui devra se trouver à Genève le 22 janvier...et ça ce n'est pas gagné. Le chef de l'opposition syrienne, Ahmad Jarba qui a accordé un entretien ces jours, maintient une position intermédiaire: M. Assad ne doit jouer aucun rôle dans la transition gouvernementale du pays. A cela, bien entendu, le régime renvoie la balle: ce doit être le président Assad qui doit conduire cette période de transition... Et M. Fabius de rajouter: "Après 125.000 morts et dans la situation désastreuse où est la Syrie -et M. Bachar el-Assad est le principal responsable-, personne de sensé ne peut imaginer que la conséquence de tout cela, c'est de reconduire Bachar el-Assad". 

    Jarba, quant à lui veut aussi se rendre en terre iranienne. C'est en tous cas qu'il a annoncé lors d'une interview à Kuna, une agence koweitienne. Pourtant aucune date n'a encore été fixé et il est difficile de savoir s'il envisage un déplacement avant la conférence Genève ou après. D'autant plus qu'il est encore incertain que l'opposition soit présente lors de cette conférence, la décision devant être prise mi-décembre à Istanbul sans compter la consultation des forces présentes sur le terrain qui est obligatoire pour Jarba. Ces forces n'admettent aucune possiblité de compromis.  

    Dans le même mouvement, le ministre des Affaires étrangères a estimé "légitime" la requête de la Coalition Internationate (qui dépend de l'opposition) et qui demande (prématurement semble-t-il) que l'accord final prévoit un retrait direct et indirect des troupes iraniennes sur sol syrien. Le pays voisin, profondément chiite et rallié au régime de Damas, soutient activement le Hezbollah libanais et entretient des troupes sur les territoires syriens. 

     

    Toutes ces pourparlers interviennent alors que la situation en terre syrienne s'aggrave notamment en termes humanitaires. Les patrons des organisations ONICEF, OMS ont lancé un appel pour encourager la protection des lieux sanitaires, des personnels de santé et des installations hospitalières. 60% des hôpitaux publics sont aujourd'hui hors service ou bien très endommagés suite aux combats. 

    Pour ce qui est des mouvements militaires, l'attention est bien entendue portée sur la région de Qalamoun, au sud-ouest du pays, région frontalière du Liban ce qui en fait une zone de première importance. C'est d'ailleurs dans ces zones montagneuses de Qalamoun et de Ersal que les djihâdistes sunnites tiennent des positions (véritables foyers islamistes), entrent et sortent du Liban et sèment la pagaille idéologique dans les villes chiites de ce même pays. Mais l'armée du régime progresse visiblement rapidement autour de la ville de Nabak, une des dernières localités encore tenue par l'opposition. 

    Dans ce massif s'affrontent l'armée régulière, les milices du Hezbollah et une milice pro-régime. Les foyers de résistance sont organisés autour du front al-Nostra et de l'EIIL (Etat Islamiste d'Irak et du Levant), deux mouvances ralliées à al-Qaïda. Si le régime parvenait à récupérer intégralement cette région, il parviendrait à établir une continuité territoriale entre les provinces de Damas et Homs, située plus au Nord. 

         

    Dans la foulée de cette offensive, il apparaîtrait que le régime ait exécuté "cinq civils dont deux enfants", informations rapportées par l'OSDH (Observatoire Syrien des Droits de l'Homme). Des photos des deux enfants ont été postées sur les réseaux sociaux par les rebelles qui avaient transporté les corps dans le village de Yabroud. 

    Dans le camp adverse, le Hezbollah confirme la mort d'un des grands commandant, Ali Bazzi. Celui-ci aurait perdu la vie dans des combats. "Ali Hussein Bazzi est mort en martyr alors qu'il faisait son devoir sacré de djihâdiste" a déclaré un journal local de la ville de Bint Jbeil. Les répercussions de l'engagement du Hezbollah libanais sont proches de faire sombrer le pays voisin de la Syrie dans une nouvelle crise confessionnelle débouchant sur des massacres. 

     

    Questions d'Orient/ Le 09 décembre 2013


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  • Iran:

    les négociations post-Genève sont en marche et les inspections vont commencer

    L'usine de production d'eau lourde d'Arak, vue 2006, source AFP

     

    Alors que aujourd'hui même, samedi 7 décembre, deux inspecteurs de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) sont arrivés à Téhéran pour se rendre demain à Arak, site de l'usine à eau lourde, coeur des préoccupations des puissances P5+1, l'application du pacte obtenu entre ces puissances et la République Islamiste d'Iran le 11 novembre à Genève se met doucement en marche. Des négociations pour fixer un cadre à l'acte intermédiaire de six mois doivent s'ouvrir la semaine prochaine à Vienne, Autriche. Ces néogications regrouperont des experts venus de Téhéran et d'autres venus des P5+1, c'est-à-dire les pays permanents au Conseil de Sécurité de l'ONU (USA, France, Chine, Royaume-Uni, Allemagne et Russie). 

    L'AIEA qui avait indiqué via l'Agence ISNA qu'elle jouerait un rôle dans les négociations prochaines, a donc dépêché deux inspecteurs dans ce complexe d'Arak sur lequel l'Iran n'avait plus livré un seul détail que ce soit en termes de conception ou de fonctionnement, depuis 2006. 

    Ce complexe est au coeur des soucis pour les P5+1 car il contient un réacteur à eau lourde et une usine de production d'eau lourde permettant l'enrichissement du nucléaire à 20%, c'est-à-dire l'étape nécessaire pour l'enrichissement nucléaire à 95%. L'usine permettrait aussi l'extraction du plutonium pour qu'il soit retraité et utilisé dans la conception de la bombe. En 2011, la Républiqe Islamiste avait refusé l'accès aux inspecteurs. Puis en février 2013, les craintes avaient été vives suite à la détection d'une mise en activité de la centrale grâce à une colonne de fumée s'échappant d'un réacteur. Les tensions avec Israël avaient été réanimées suite au dépassement de l'ultimatum fixé par le pays hébreu qui avait formellement interdit la mise sous tension de l'usine à eau lourde, eau lourde nécessaire au fonctionnement du réacteur. 

     

          

    Photo aérienne où l'on distingue la colonne de fumée. Source: JSSNews et The Telegraph

    L'accord de Genève a donc apaisé les émotions puisque l'Iran s'est engagé à établir un calendrier et les modalités d'inspection des sites avec l'AIEA en échange de l'allégement des sanctions internationales qui pèsent sur l'économie iranienne depuis bientôt dix ans. 

    Pourtant, le pays semblait maintenir qu'il voulait terminer les travaux sur le site d'Arak durant la période transitoire des six mois d'accord. 

    Autant dire que l'accord a beau avoir été signé, son application va encore nécessiter quelques petites nuits blanches diplomatiques... 

     

    Questions d'Orient/ Le 07 décembre 2013


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  • Israël:

    La nouvelle tendance, la conversion par la musique techno

     

    Vous êtes fan du Gangnam Style? Vous êtes décalés, la nouvelle mode l'a emporté, maintenant c'est le nanach style et c'est autre chose! C'est en tous cas ce dont est persuadé la secte mystique des nanachs israéliens. Cette petite communauté improvise régulièrement des rave-parties en pleine ville de Tel-Aviv, scènes incroyabes notamment lorsqu'on sait qu'elles ont pour but...la conversion de la jeunesse.

    Le jeudi soir est le début du week-end en Israël, moment de détente dans la grande ville de Tel-Aviv. A 21 heures, l'avenue de Rotschild prend peu à peu des allures de rue branchée. Mais, alors que les bars n'ont pas encore ouverts leurs portes, un "boum-boum" de musique trance-techno retentit au loin. Une camionnette customisée digne des automobiles hippies surgit à un coin de rue, des haut-parleurs situés sur le toit diffusent à une musique techno dans laquelle on retrouve une étrange ressemblance avec le tube de Psy, mais elle se dote d'un nouveau nom (non moins original): "Oppa Nanach Style". Arrêtée au milieu de la circulation, des silhouettes blanches paraissent portant tous une kippa avec des tresses. Ces derniers se mettent à sauter sur le trottoir et dansent au rythme emballé de la musique techno.

    Ce sont les membres de la communauté mystique nanach qui entament de telles sorties très remarquées pour se rapprocher de la population et attirer des jeunes dans les rangs de la commuanuté. Les réactions des passants sont hétérogènes durant ces performances. Certains s'arrêtent, regardent, d'autres pouffent et puis des jeunes entrent dans la danse peu à peu. Tout le monde les adore, s’exclame une jeune femme près du "spectacle". Contrairement aux autres ultraorthodoxes, qui refusent la compagnie des laïcs, les nanachs n’ont pas peur de venir vers nous... Ils dansent même avec les femmes !". Ce sont pourant bien des ultraorthodoxes mais ... à part dans la communauté. Ce sont un petit peu des ovnis dans une communauté à la morale rigoriste. Ces rave-parties sont quasiment institutionalisées le jeudi soir à Tel-Aviv. Cela permet à la communauté de distribuer des flyers ou des livres qui défendent les idées du rabbin Nahman de Breslev, leur grand chef spirituel mort en 1810 en Ukraine.

     

    Les sorties en ville sont donc des opérations de marketing religieux ayant un véritable objectif de rappel à Dieu dans une doctrine et une vision du monde bien particulière. "Les gens se concentrent toujours sur ce qui ne va pas", explique Sharon Cnafo conducteur de la camionnette."Nous, c'est le contraire. Rabbi Nahman dit qu’il ne faut regarder que le bien. On a un devoir de joie."

    Quelques explications maintenant car elles semblent nécessaires. Simcha Hochman est un nanach de 40 ans qui habite à Jérusalem. Il a été envoyé en Israël par ses parents, famille juive ultraorthodoxe mais lui ayant donné naissance à Montréal. Il possède donc parfaitement l'anglais. Les hommes sont coincés dans le mondeils ne peuvent pas bougerla terre est lourde, commence t-il. Qu’est-ce qui permet au corps de sortir de son propre esclavage ? Qu’est-ce qui lui insuffle la légèreté du mouvement ? L’esprit divin. La danse, c’est l’expression de Dieu." . En l'envoyant en Israël, jamais sa famille n'aurait pensé qu'il conduirait une telle idéologie prônant des lectures cabalistiques interdites et lui donnant une allure de fanfaron à la barbe mal entretenue.

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    Hochman à Tel-Aviv

     

    Comment fonctionne ces nanachs? Leurs camionnettes ont été aménagées pour déambuler en ville. Des chansons qu'ils diffusent, les nanachs ont beaucoup emprunté au répertoire occidental (comme le célèbre Gangnam Style de Psy). Mais parmi ces musiques, il en existe une qui joue un rôle primordial, leur mantra. Selon les nanachs cette chanson est la musique qui devra "consoler le monde et réparer l'humanité". Elle aura donc des origines fantastiques et magiques.

    Maintenant un petit retour sur l'Histoire juive et notamment celle du courant hassidisme. En 1922, un rabbin répondant au nom de Dov Odesser habitant à Tibériade dit avoir récupéré une lettre provenant des cieux et qui a été rédigée un siècle avant par le dit rabbin Nahman de Breslev. Malgré tout, il faudra le temps que le croyance s'étende à un nombre de fidèles assez conséquent pour ceux-ci décident en 1980 de croire officiellement au miracle de la lettre. Les nanachs viennent d'être fondés et ils inscrivent partout leur signature, leur mantra. "On diffuse cette signature partout, explique Simcha Hochman. On la chante, on la danse, on la tague dans les rues. A chaque fois qu’on la prononce, on fait descendre la puissance du Rabbi Nahman, représentant de Dieu."

     

    En ce qui concerne l'organisation société, la famille nanach est aussi bien particulière et répond à des exigences du courant. La famille est de type nucléaire, elle vit du travail de la femme, des organismes de charité ou des allocations du gouvernement. En effet, les hommes ne doivent pas se consacrer à autre chose que à la prière et à l'étude de la Torah. La famille doit vivre à l'écart de la modernité (cela reprend toutefois des principes plus généraux, propres à l'ultraorthodoxie).

    Cet éloignement de la société peut d'ailleurs avoir des conséquences quelque peu surprenantes! Hochman avoue qu'il a longtemps été persuadé que la chanson de LMFAO I'm Sexy and I know It était un plagiat ou remix de leur chanson I'm Nanach and I know It...

    Mais enfin présentés comme cela, nous avons simplement l'impression d'avoir à faire à des clowns religieux hippies mélangeant philosophie épicurienne et judaïsme pour parvenir à un résultat: une philosophe du Bonheur quelque peu décalée et pas très sérieuse. Mais cette branche est issue du hassidisme, une branche mystique classique et majeure du judaïsme. Le mouvement est né au début du 18ème siècle en Europe de l'Est. Il allie deux notions centrales de la pensée nanach:

    -> la liberté: l'idée dominante est celle d'un rapport entre les Juïfs et l'Histoire. Ces derniers ne doivent plus subir l'Histoire telle une fatalité mais ils doivent se faire acteurs de la rédemption du monde

    -> les hommes d'influence, rabbisn, les plus sages (appelés tsaddiks) ont la mission de guider leurs proches et confrères dans leur attente temporelle du Messi.

    Au XIX, le Rabbin De Breslev est justement un tsaddik qui se fait remarquer pour son engagement idéologique contre le laxisme et les dérives frivoles de certains autres rabbins. Son rigorisme le convaint de pousser à son paroxysme la notion de liberté spirituelle de l'individu. Nahman refuse notamment la vieillesse, qui dit-il conduit à la tristesse qui signifie l'exil de la présence divine. On raconte aussi que durant l'extermination de la population juive dans les camps de concentration, les hassidim de Breslev sont entrés en chantant et dansant dans les chambres à gaz, refusant la mort avant la mort. Les fidèles de la doctrine ne se refusent pas non plus à voir la présence de Dieu dans le Shoah, grande question théologique qui a soulevé des foules.

    Tout cela pour dire que l'objectif nanach est d'hâter la venue du Messie et pour que celui-ci arrive sur terre il faut que les juifs puissent être fédérés autour de cette doctrine...ce qui permet de mieux comprendre ces parades aux rythmes techno, musique parlante aux jeunes. Pour transmettre la doctrine, les nanachs utilisent internet qu'ils investissent grâce à des logiciles très simples tel photoshop et qui leur permettent de retoucher des photos pour les "nanachiser" ou Youtube pour poster des tutoriels nanachs, des vidéos de remix de chansons populaires ou des lectures de textes.

    Leur structure anarchique rend difficile leur dénombrement exact mais il est clair que le groupe mystique a dépassé les frontières israéliennes. Certains ont été recencés en Ukraine, d'autres à New York...ce qui est toutefois sûr c'est que le groupe a encore du travail avant de rallier la communauté juive du monde à la cause du Messi.

     

     

     

    Questions d'Orient/ Le 07 décembre 2013


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