• Égypte:

    nouvelles ramifications terroristes ?

     

    Rappelons nous, le 2 avril dernier, trois bombes embrasaient les alentours de l'université d'al-Azhar au Caire et tuait un brigadier général de la police. Cinq autres policiers étaient blessés.

    Cet attentat donc les causes et l'organisation demeurent flous mais constituent de sérieuses interrogations, est un nouveau pas franchi dans l'escalade de la violence dans le pays; une ambiance d'insécurité qui fait suite au désistement du président islamique Mohamed Morsi le 3 juillet 2013 par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi qui vient d'annoncer sa candidature à la présidentielle à venir.

    L'attentat a été revendiqué par un groupe terroriste tout récent: Ajnad Misr (Les combattants d'Égypte). Le groupe est connu depuis le 23 janvier 2014 et il a revendiqué l'attaque en justification de l'arrestation d'un certain nombre de manifestantes islamistes probablement rattachées aux Frères Musulmans près de l'université d'al-Azhar dans le centre du Caire, foyer actif et agité de la contestation au pouvoir de Sissi.

    Le 31 janvier, le groupe avait déjà fait savoir dans son premier communiqué qu'il revendiquait une des quatre explosions qui avaient secoué la capitale égyptienne. Depuis le groupe compterait pas moins de sept attaques à son compteur.

    Il est nécessaire semble-t-il de faire un parallèle avec l'autre groupe terroriste égyptien quant à lui beaucoup plus connu désormais: Ansâr Beït al-Maqdess basé dans le Sinaï. Contrairement à ce groupe qui utilise des méthodes plus sophistiquées, Ajnad Misr pratiquerait des méthodes plus rudimentaires avec des explosifs rudimentaires dans le but aussi de limiter les attaques aux cibles précises que sont devenues les patrouilles policières ou militaires.

    Les dernières attaques montrent une fois de plus que l'université du Caire, si prestigieuse soit-elle, est devenue le bastion de la contestation mais aussi le coeur des ramifications de la communauté frériste, durement réprimée depuis le début de la prise de pouvoir de Sissi. Au début des protestations contre le nouveau pouvoir militaire, les Frères avaient utilisé la méthode des marches de contestation rassemblant un nombre conséquent de personnes et étant aussi créées pour dégénérer et finir en affrontement avec les forces de l'order. Ce choix avait du faire face à une féroce répression et à des batailles de rue non sans impact sur les populations civiles, la qualité de vie et l'image des Frères dans la population puisque parfois les affrontements avaient lieu entre pro et anti-Sissi ou du moins entre pro et anti-Frères. Le rendu a donc été insuffisant et la capacité mobilisatrice des Frères n'a cessé de diminuer.

    Il semble donc que les Frères Musulmans ont donc visiblement opté pour une escalade de la violence directement contre les forces de l'ordre en transitant par les universités où le nombre et la densité d'étudiants souvent très engagés a très vite été un facteur majeur de création de trouble. C'est ainsi qu'al-Azhar a vu se multiplier les manifestations voire affrontements entre étudiants pro et anti-régime.

    Dans tous les cas, si l'Égypte est très touchée, le gouvernement et ses institutions les plus précieuses (ministère de la Défense, de l'Intérieur) sont aussi très touchés. Le 29 mars dernier, le gouvernement a publié des chiffres assez alarmants sur le nombre de victimes. Depuis le 3 juillet de l'année passée, 496 personnes ont été tuées dont 252 policiers, 187 militaires.

    Là où les questions se posent c'est au sujet de la profondeur des ramifications des organisations contestataires au sein des lieux publics tels que les universités. Le net est un vecteur de propagation de la contestation et des pages facebook ont vu le jour...des pages étranges car elles diffusent des propos violents, expliquent la fabrication de molotov, incitent aux attaques contre les patrouilles policères. Qui donc possède ces pages ? Les avis divergent sur les relations que pourraient entretenir les Frères avec ces pages. Des experts ont estimé que ces groupes ne sont autre que des entités écrans qui sont pilotées par des membres de la confrérie ayant pour objectif de rendre illusoire la stabilité sécuritaire prommise par le pouvoir, discréditant ainsi un gouvernement fragile et en formation.

    Et encore...des pages facebook contestataires ne serait pas réellement nouveau. En revanche, la page facebook de l'université département ingénieurie gérée par des étudiants recommandant de ne pas se trouver sur l'esplanade devant l'université la veille de l'attaque et précisant vaguement une heure qui sera précisement celle où aura lieu l'attaque...

     

    Questions d'Orient - Le 12 avril 2014


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  • État Palestinien:

    la construction ; d'un fait historique à la résistance armée

     

    Nationalisme arabe, tractations onusiennes et tentatives (1/4)

     

    Le 31 octobre 2011, à la Conférence générale de l'UNESCO (Organisation des nations unies pour l'éducatio, la science et la culture) on débat de l'intégration possible de l'Autorité palestinienne au sein de l'organisme international. Son admission est votée et cet État qui n'en est pas un est admis comme État à part entière.

    Le 29 novembre 2012, près d'un an après, l'Autorité palestinienne est reconnue comme État observateur non membre de l'ONU.

    Ces deux admissions au sein d'organismes internationaux majeurs de décisions politiques et diplomatiques sont des réussites sans égales pour l'histoire de l'Autorité palestinienne et des tournants dans les modes de représentation du mouvement de résistance par la communauté internationale.

    Dans cette série d'article et tout particulièrement aujourd'hui, nous aurons à coeur de montrer qu'il s'agit là d'un long processus, d'une construction éprouvante et fruit d'un certain nombre de tractations, réussites ou défaites.

     

    Au départ, il y avait le nationalisme arabe...

    Le nationalisme c'est un mouvement politique d'individus qui prennent conscience de former une communauté nationale en raison des liens (langue, culture) qui les unissent et qui peuvent vouloir se doter d'un État souverain (définition du dictionnaire en ligne Larousse).

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire lorsque l'on regarde aujourd'hui la prégnance de l'autorité d'Israël dans les relations internationales comparée à la prégnance de l'Autorité palestinienne, le nationalisme arabe et plus particulièrement palestinien est né avant la création de l'État hébreu. Le 14 mai 1948, l'État d'Israël était officiellement créé.

    Mais avant cette histoire, il y a l'histoire de la domination britannique et française sur les terres trois fois sacrées du Moyen-Orient. Passée sous mandat britannique après la dislocation de l'empire ottoman, les frontières de ce mandat ne sont pas du tout clairement identifiées. Cela résulte aussi de la confusion due à la chute des Ottomans dont le territoire comprennait la Palestine englobée dans la Grande Syrie avec la Syrie, le Liban, Israël et la Jordanie.

    Le 16 mai 1916, les accords de Sykes-Picot procèdent à un nouveau découpage territorial sur les terres anciennement ottomanes. La Syrie et la Mésopotamie font l'objet d'une parcellisation, parfois à leur dépend. Cinq zones sont créées:

    -> une zone bleue (Syrie littorale et Cilicie). C'est une zone où les Français peuvent mettre en place un régime d'administration locale directe ou une forme de protectorat.

    -> une zone rouge (Basse Mésopotamie). C'est une zone sous contrôle britannique.

    -> une zone brune (Palestine). C'est une zone qui passe sous l'égide de la France et de son allié britannique.

    -> une zone A (Syrie intérieure). C'est une zone d'influence française sur le royaume arabe de Hussein.

    -> une zone B (Mésopotamie moyenne). C'est une zone d'influence britannique sur le monde arabe.

    Mais c'est un nouveau découpage qui ne affaiblir en rien les sentiments d'appartenance de la province palestine à la Syrie arabe. Dans la déclaration de Balfow, adoptée au Parlement de Grande-Bretagne le 2 novembre 1917, le texte prévoit officiellement de créer un foyer national destiné aux populations juives sur les terres de la province palestine alors sous l'égide des deux puissances occidentales.

    Cette déclaration et, encore plus sa mise en pratique vont susciter un tout nouveau sentiment chez les populations présentes alors: ces populations vont se sentir attachées à la nation, certes encore inexistante politiquement parlant mais qui est déjà symboliquement et affectivement largement présente dans les esprits.

    Il faut préciser qu'il ne s'agit encore pas d'une réaction nationaliste mais simplement d'un patriotisme palestinien en pleine construction; et qui ne va guère s'estomper, exacerbé qu'il est immédiatement par les expropriations progressives des terres par la nouvelle immigration juives qui agit pourtant en toute légalité dans le cadre d'un accord international.

    Il s'agit donc d'une réaction populaire patriotique qui se construit "simultanément contre le projet britannique et contre le projet sioniste" selon Camille Mansour.

    Et alors, le nationalisme arabe ? Qu'en est-il ? Ce patriotisme n'est pas en marge du nationalisme arabe et notamment du projet défendu par un des fils de Hussein, le roi Fayçal de Syrie au pouvoir depuis mars 1920: l'idée du rétablissement d'une Grande Syrie. Toute les particularités émergentes dans le processus de conscience et de construction étatique palestinien sont largement et étroitement liées aux revendications arabes de Fayçal qui voit en la Palestine, un prolongement de son royaume arabe de la Grande Syrie.

    Ce mouvement réactionnaire encore assez timide car en manque d'un leader va justement être conduit de plus en plus par une élite palestinienne pleinement incarnée en la personne de Mohammed Amir al Husseini, nommé grand mufti de Jérusalem en 1921. Je pense que nous pouvons voir ici comme un tournant dans la réaction patriotique palestinienne qui a su se doter d'un leader rassembleur.

    Rassembleur, oui et preuve en est: de grands mouvements de grêve des Arabes sont organisés en 1936 demandés et organisés par le mufti de la ville trois fois sainte.

    La révolte contre l'établissement de la tutelle britannique et du sionisme prend une vraie dimension et s'étend. Husseini devient ainsi le premier et principal leader politique du mouvement national palestinien. Son objectif est clairement défini: il revendique la création d'un État arabe indépendant. En 1936, le mouvement s'organise et se formalise rationnellement à travers la création d'un haut comité arabe qui a pour objectif de représenter les intérêts arabes de Palestine. Le grand mufti est à nouveau à la tête d'une vraie organisation manquant simplement d'une reconnaissance concrète.

    Une reconnaissance qui va venir progressivement soutenir l'effort palestinien puisqu'un certain nombre d'États arabes voisins reconnaissent l'efficacité et la légitimité de cette organisation. La question palestinienne devient préoccupante pour la Grande-Bretagne.

    Face à l'instabilité grandissante dans la région et à une situation débordant progressivement la nation britannique, cette dernière a voulu prendre le problème à la racine. Il fallait éliminer politiquement le leader du mouvement pour décrédibiliser le mouvement tout entier. L'agitateur est le mufti. En 1937, le mouvement est déclaré illégal et donc le grand mufti est logiquement retiré de ses fonctions et contraint à l'exil.

    C'est alors un coup dur pour le mouvement très largement affaibli par ce départ. L'élite palestinienne manque d'un leader agissant en interne et capable, comme Husseini, de s'exprimer au nom des Palestiniens.

    Il faut dire que la Grande-Bretagne avait vu juste et cette action ouvrait le champ à une grande période de vide pour le mouvement nationaliste. Vu juste, mais pas assez pour asphyxier le mouvement, si bien qu'en 1960, les actions reprennent avec, en 1959, la création en terres koweïtiennes du Fatah (Mouvement de Libération Nationale) par Yasser Arafat. Le mouvement prend pour objectifs la libération et l'indépendance de la Palestine mais aussi la lutte contre le frais État sioniste.

    Le 28 mai 1964, les membres du groupe de résistance consolident leur position par la création de l'OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) qui incite alors aux actes de résistance armés depuis les pays voisins (Jordanie, Liban, Koweït). Quatre ans plus tard, lors d'un rassemblement des acteurs de l'OLP et donc du Fatah devenu figure de proue de la résistance antisioniste est créée puis votée la charte de l'OLP qui devient Charte nationale de Palestine.

    Mais c'est à ce moment aussi que le mouvement va connaître une grave division; grave car aujourd'hui encore elle rendrait impossible l'établissement prospère d'un État palestinien si Israël le concédait. Tous les membres présents en 1968, ne reconnaissent pas la Charte et à la veille de la première Intifada, de 1988 à 1993, en décembre 1987 la mouvance frériste (Frères Musulmans) prennent le parallèle du mouvement du Fatah pour créer le Mouvement de la Résistance Islamique c'est-à-dire le Hamas. Son but est donc de lutter contre Israël sûrement, mais aussi de nuir dans les choix politiques au Fatah et à l'OLP.

    Cela aurait pu être bénéfique pour la vie palestinienne car la création de deux partis rend possible l'organisation d'un vrai échiquier politique. Mais les moyens utilisés pour parvenir aux fins voulues ainsi que les idéologies ne pouvaient cohabiter.

    En 1988, une grande réunion du comité exécutif de l'OLP à Alger reconnaît l'indépendance de la Palestine, elle-même reconnue par une vingtaine d'autres États, essentiellement africains ou américains du sud. De facto, le 2 avril 1989, Arafat est symboliquement élu président de l'Autorité palestinienne. 

    La matérialisation politique d'une autorité palestinienne et sa formalisation prennent peu à peu forme et ne peuvent plus être ignorées par l'État hébreu voisin.

    Les accords d'Oslo vont venir donner une lueur d'espoir aux populations palestiniennes.

     

    Les accords d'Oslo: reconnaissance éphémère d'une identité

    Le 10 septembre 1993, l'OLP menée par Arafat et Israël échangent des messages cordiaux de reconnaissance mutuelle. Trois jours plus tard, le 13 septembre de la même année, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, premier ministre israélien se rencontrent et signent une déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie qui instaurent "une autorité palestinienne intérimaire pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans, en vue d’un règlement fondé sur les résolutions 242 et 339 du Conseil de sécurité de l’ONU", le tout à Washington.

    Cette rencontre donnera lieu à la célèbre photo des deux adversaires et de leur poignée de main mais plus encore elle donnera lieu à un souffle d'espoir palestinien et à une ouverture d'esprit israélienne.

    Deux étapes sont prévues par le traité. Dans un premier temps, il s'agira d'effectuer un transfert progressif d'autorité à l'Organisation pour la Libération de la Palestine située à Gaza puis peu à peu sur une partie de la Cisjordanie pendant un temps de cinq années. Le tout devra conclure sur une autonomie de la Cisjordanie aux mains de l'OLP. Dans un second temps, les discussions portent sur les questions centrales traitant des réfugiés, de la sécurité, des implantations israéliennes et du statut tout particulier de Jérusalem. Ces problèmes avaient été ajournés d'un commun accord pour être traités dans les trois ans maximum à venir.

    L'objectif était la création et la reconnaissance israélienne d'un État palestinien après cinq ans de processus. Il s'agissait donc d'un accord à effets progressifs, à échelles spatiales et temporelles bien différentes et bien définies.

    Le 4 novembre 1995, Rabin est assassiné à Tel-Aviv par un jeune étudiant juif rigoriste qui parvient à casser tout le processus de réconciliation et d'ouverture. Sans surprise, on assiste à une escalade de la violence entre les deux voire trois partis en présence et à une reprise de la colonisation mettant à mal les échéances d'Oslo.

     

    Tentatives individuelles et tractations onusiennes

    La date de 1993 a scellé le statut de l'Autorité palestinienne, un statut bien fragile et pour tout dire, assez dérisoire par rapport à la "machine" israélienne.

    Le début du 21ème siècle a été l'occsion pour l'Autorité palestinienne, on ne peut plus divisée, de tenter des actions à un niveau international et notamment via l'ONU. En 2011, le mouvement montre la volonté d'utiliser les institutions internationales pour parvenir à une reconnaissance, si infine soit-elle.

    Pour Julien Salingue, "ce qui motive la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, c’est l’espoir d’être sur un pied d’égalité avec Israël, dans des négociations d’État à État sous le patronage américain".

    Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne demande une reconnaissance officielle de la Palestine dans sa forme géographique de 1967. Mais ce sont des problèmes de vote qui vont entraver le processus entamer par Abbas. Pour qu'une telle requête puisse être soumise au vote à l'ONU il faut l'approbation de neuf membres sur quinze au conseil de sécurité et l'absence de tout veto...et justement c'était bien sans compter le veto américain, fervant et indéfectible allié d'Israël.

    Pour contourner le processus de veto, le 29 novembre 2012, Abbas présente une nouvelle demande: Palestine doit avoir le statut d'État observateur à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Une telle demande ne requiert qu'un vote à la majorité simple et évite ainsi une quelconque rencontre diplomatique avec le dogme américain. Le nouveau statut est approuvé sans surprise par 138 États et confirme l'opposition américaine, cette fois-ci inefficace.

    Au même titre que le Vatican, l'Autorité palestinienne a donc trouvé là le statut d'observateur permanent ce qui ne lui permet pas de voter mais d'assister aux réunions.

    Si ces adhésions sont de forts messages envoyés à la communauté internationale, elles posent néanmoins une série de questions. Est-ce que la reconnaissance de la Palestine dans le giron de ces organisations internationales permet-elle de matérialiser l'existence d'un État palestinien souverain ? La réponse est assez simple à énoncer: il y a là une reconnaissance symbolique d'une structure étatique palestinienne reconnue par la communauté internationale et même par Israël certes, mais il est clair et limpide qu'actuellement les conditions matérielles et juridiques n'y sont pas encore pour pouvoir parler d'un État souverain.

    Les avancées sur la scène diplomatique sont assurées mais ne font en rien oublier la réalité du statut palestinien actuellement: il n'existe aucun État sans souverainneté politique et territoriale car un État c'est

    En effet, si la reconnaissance symbolique d’une structure étatique palestinienne est largement reconnue par la communauté internationale et même de facto par l’État hébreu, les conditions matérielles et juridiques pour parler d’un État ne sont pas réunies. En effet, au delà de ces succès diplomatiques dont la retombée médiatique a été forte, une réalité demeure : il n’existe aucun État sans souveraineté politique et territoriale. Un État c’est avant tout  "un appareil administratif centralisé contrôlant un territoire en disposant du monopole de la violence légitime et des moyens de le faire appliquer et sanctionner les règles qu’il édicte".

    En droit international public, trois critères sont essentiels pour caractériser un État : une population, un territoire et la souveraineté. La difficulté posée par le cas palestinien est le territoire. Il est difficile actuellement d'envisager un État sachant qu'il n'existe aucune continuité territoriale entre la partie contrôlée par le Hamas qui est la bande de Gaza et la partie aux mains du Fatah qui est la Cisjordanie. En d'autres termes, il n’y a pas de territoire palestinien à proprement dit mais plutôt des entités territoriales palestiniennes que le dispositif de séparation mis en place par Israël n’a cessé d’accroître depuis 2002. L'éclatement de l’espace palestinien a entraîné l’éclatement de la souveraineté palestinienne sur ses territoires

     

    A suivre...

     

    Questions d'Orient - Le 09 avril 2014


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  • Syrie:

    ces religieux qui paient cher leur engagement

     

    J'introduis mon propos car la conjoncture "militaire" m'en donne ainsi la triste occasion aujourd'hui mais ô combien serait-il nécessaire d'extrapoler cette étude de cas aux nombreux religieux inconnus subissant chaque jour les effets destructeurs de la guerre syrienne.

    Le père Frans von der Lugt a été abattu à 75 ans, devant sa maison dans la vieille ville de Homs, théâtre de violents combats suite au siège de l'armée syrienne depuis 2012. Il résidait en Syrie depuis 1966 après deux ans passés au Liban pour apprendre la langue du pays, l’arabe.

    L'OSDH (Observatoire Syrien des Droits de l'Homme) a déclaré que son assassin était un inconnu: djihadiste rigoriste appartenant à EIIL voire au Jabhat, ce n'est pas à exclure étant donné la réputation qu'ont pu se tailler ces groupes islamistes depuis leur engagement en Syrie.
    Le secrétaire de l'Ordre des Jésuite néerlandais, Jan Stuyt, a confirmé à l'AFP que le père van der Lugt avait été assassiné lundi matin tout en précisant les circonstances de sa mort: "Un homme est venu le chercher, l'a sorti de la maison et lui a tiré à deux reprises dans la tête, dans la rue, en face de sa maison", a-t-il déclaré.

    Le père jésuite s'était largement distingué depuis les deux ans de siège et de bombardements sur la vieille ville de Homs et en dépit de la pénurie extrême de nourriture, d'eau et l'absence de confort de vie, il avait choisi, par solidarité avec la population syrienne de rester dans sa maison.


    "C'est ainsi que meurt un homme de paix, qui, avec un grand courage, a voulu rester fidèle, dans une situation extrêmement risquée et difficile, à ce peuple syrien à qui il avait donné depuis longtemps sa vie et son assistance spirituelle", a déclaré à l'AFP le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. "Dans ce moment de grande douleur, nous exprimons aussi notre grande fierté et gratitude d'avoir eu un confrère aussi proche des plus souffrants", a-t-il ajouté. Par ce courage, il était, quelque part devenu un symbole de la mentalité de la révolution populaire syrienne.

    Tombé comme un boulet de canon sur les différents partis de Syrie, sa mort ne manque pas à la règle: elle fait l'objet d'accusations diverses et variées où chacun donne à l'autre la responsabilité de la mort du religieux. L'agence officielle syrienne Sana a rapporté sa mort en accusant un "groupe terroriste armé d'avoir tiré à l'aube sur le prêtre dans le monastère des pères jésuites dans le quartier de Boustane al-Diwane à Homs".

    Les paroles rapportées suivantes avaient été enregistrées dans une vidéo skype lors d'une communication avec le père.
    "Je suis le seul prêtre et le seul étranger à être resté. Mais je ne me sens pas comme un étranger, mais comme un Arabe parmi les Arabes", avait-il dit, un sourire aux lèvres. Des dizaines de milliers de chrétiens qui vivaient dans la Vieille ville de Homs, il n'en reste que 66, avait alors dit le prêtre.
    "Nous avons très très peu à manger. Les gens dans la rue ont le visage fatigué et jaune (...). C'est la famine ici mais les gens ont également soif d'une vie normale. L'être humain n'est pas seulement un estomac, il a aussi un cœur, et les gens ont besoin de voir leurs proches", expliquait-il.

     

    La Coalition nationale de l'opposition syrienne (CNS) a fermement condamné le meurtre du prêtre. "Nous avons appris avec tristesse et une grande émotion l'assassinat du père Frans van der Lugt à Homs aujourd'hui. Nous condamnons dans les termes les plus forts cet acte criminel et aberrant et soutenons fermement la demande de tous les groupes de l'opposition syrienne de trouver les criminels ayant perpétré cet acte lâche" afin d'effectuer un jugement, a déclaré Ahmad Jarba, le leader de l'opposition syrienne en exil.

     

    Fera-t-on au père Polo Dall’Oglio l’aumône, même posthume, de réclamer – pour le principe – sa libération, comme on le fait des deux évêques Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim ? Le 29 juillet 2013 dernier, ce prêtre jésuite installé au monastère de Mar Moussa, près de Damas, depuis plus de 30 ans, puis expulsé de Syrie par le régime, disparaissait à Raqqa, chef-lieu d'EIIL (nord-est de la Syrie), contrôlée par les forces de la révolution.

    Le 28 juillet c'est-à-dire la veille de sa libération, le père Paolo Dall’Oglio était acclamé par la population de Raqqa, la première ville dont les troupes régulières syriennes avaient été complètement évincées. Il était revenu pour tenter de mener une médiation entre l’Armée syrienne libre (ASL) et les forces de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL).
    En effet, après l’expulsion des troupes régulières du régime syrien, les Kurdes, longtemps discriminés, espéraient mettre à profit la situation pour accomplir leur rêve d’autonomie. C’était sans compter avec les djihadistes de Jabhat al-Nosra, liés à al-Qaïda, et leur volonté d’y imposer la loi islamique.

    Mais l'histoire ne s'arrête pas là... Une profonde mutation idéologique et politique s’était introduite dans le groupe d'EIIL. En avril 2013, des éléments rigoristes du groupe, renforcés par des milliers de nouvelles recrues, incarnation de l'internationalisation du djihad islamique et de la création d'une nouvelle terre de Guerre Sainte en Syrie, avaient fait sécession au sein de l'État-Major de l'ASL quittant la lutte purement syrienne pour revendiquer la création d’un État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) dans la vallée de l’Euphrate, avec Raqqa pour capitale et réalisant leur projet mûrement réflechi de fédérer les fronts irakiens et syriens pour renforcer leurs mouvements de guérilla contre les forces mécréantes en place. À la mi-août, l’Armée syrienne libre était chassée par ses alliés d’hier de la première grande ville passée sous son contrôle, tandis que ses autorités municipales étaient faites prisonnières.

    Revenu à Raqqa pour amorcer des négociations, le père avait bravé l'interdit de Damas qui l'avait exilé en Irak après des accusations de meurtres de masse. "Je suis venu pour rencontrer la société civile et les chefs des groupes armés. Je voudrais qu’à Raqqa se fassent les premiers pas d’une réconciliation entre opposants. Je jeûne et fais le ramadan pour demander à Dieu la grâce de l’unité pour le peuple syrien. Notre jihad (combat), c’est pour la démocratie... Le berceau de la révolution ne doit pas devenir son tombeau", avait déclaré le prêtre à la journaliste de la chaîne de télévision arabe al-Aan, présente à Raqqa...des paroles qui, ont peu s'en douté, avaient franchement irrité les djihadistes, le mot démocratie leur étant particulièrement désagréable.
    Le 29 juillet, dans le cadre d’une démarche pour obtenir de l’EIIL la libération d’un conseiller municipal qu’il personnellement, le père décida de se rendre auprès des chefs de ce groupe. Depuis il a disparu.                             À la population manifestant à plusieurs reprises devant le siège de l’EIIL à Raqqa pour réclamer sa libération, il aurait été répondu que Paolo Dall’Oglio était leur "hôte".


    Tout laisse croire que la dernière visite du père Paolo à Raqqa était une démarche christique, qu’il s’y est rendu dans la conscience d’un sacrifice volontairement assumé. Ce fut sa façon de donner sa vie pour la révolution. Dans son livre Cette phrase d'un chapitre de son livre La rage et la lumière : un prêtre dans la révolution syrienne publié en mai 2013 semble tenir lieu de testament: "La révolution pour la liberté a été traînée dans la boue d’une guerre civile entre musulmans sunnites et chiites alaouites... Cette guerre civile m’est insupportable. Je voudrais faire quelque chose pour l’arrêter."


    Toujours est-il que les choix politiques du père Dall’Oglio étaient ceux d’un idéaliste de la révolution qui se situe aux antipodes de la realpolitik ; d’un homme qui semble croit et oeuvrer profondément pour un dialogue islamo-chrétien et à la démocratie.
     

    Questions d'Orient - Le 07 avril 2014


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  • Liban:

    au milieu de tout, certain de rien

     

    Dans le pays au bord de l'implusion et aux frontières plus que jamais poreuses et floues, le discours politique mené par les différentes forces politiques risque à son tour d'échouer. La nouvelle séance organisée la semaine dernière est très mal engagée. 

    Avant son lancement, le député membre du Hezbollah Mohammad Raad a déclaré que son parti boycotterait cette session où sa place dans le plan sécuritaire est clairement remise en question. Longtemps dans le doute, les autres partis politiques alliés ou adversaires du gouvernement ont réagi très clairement après cette annonce officielle et plusieurs forces en présence ont à leur tour annoncé leur boycott. 

    Samir Geagea, le chef des Forces Libanaises (FL) a déclaré que ce désistement du Parti de Dieu montrait qu'il n'étais pas près au discours et s'est lui aussi retiré de ces discussions. Le chef du Parti Socialiste National Syrien (PSNS) Assaad, qui est allié au "Hezb" s'est lui aussi désisté.

    Cela n'annonce rien de bon pour les jours et semaines à venir dans un pays où les dossiers "chauds" se multiplient et ne peuvent être traités qu'avec un accord de toutes les forces politiques sans quoi le pays risquerait de plonger dans une guerre idéologique et civil. 

     

    Quel est l'objectif du plan sécuritaire ? 

    Concrètement, ce dialogue qui a débuté en novembre 2012 doit conduire à l'établissement d'une sérieuse et solide stratégie de défense du pays qui traverse une période turbulente. Ces turbulences qui conduisent le pays à des escarmouches ressemblant à une guerre civile sont à imputer à deux causes mais qui finalement n'en forment qu'une lorsque l'on regarde précisement les détails: le pays souffre grandement de la guerre syrienne dans le pays voisin. Cette guerre a incontestablement conduit à des ingérences multiples qui ont amené le pays du Cèdre à un glissement sécuritaire au sein des grandes villes désormais très clivées entre les différents clans pro ou anti-Assad, pro ou anti-Hezbollah et entre chrétiens, sunnites, chiites, druzes. 

    Le week-end dernier (dimanche très précisement), un nouveau plan de sécurité est entré en vigueur pour tenter de faire face aux violences endémiques. Le plan a été approuvé par le gouvernement et il prévoit de neutraliser les groupes fanatiques qui mènent une guérilla terroriste et ultra violente face à tous les représentants de la force publique au Liban. 

    Ce plan a connu une première phase avec un fort déploiement militaire à Tripoli dans les quartiers sunnites puis chiites. Une nouvelle intervention militaire est prévue; cette dernière doit cette fois-ci viser à poursuivre et éradiquer les groupes fanatiques, à désarmer les populations et belligérants et enfin à mettre en place et en application les mandats d'arrêts demandés par le gouvernement à l'encontre des meneurs et hauts responsables du Parti Arabe démocratique dont Rifaat et Ali Eid ainsi qu'un certain nombre de cheikhs islamiques capables de soulever les foules/ 

    Le mufti religieux de Tripoli et de la province nord a approuvé cette décision, en assurant qu'il s'agissait là d'un plan en adéquation avec les demandes des habitants. 

    Le député Mohammad Kabbara l'a quant à lui qualifié d'ultime espoir des Tripolitains. 

    Certains restent néanmoins sur leurs gardes: un des membres du Bureau politique du Futur, Moustapha Allouche souhaite un plan sérieux, efficace et concret tout en considérant les promesses du plan très dificiles à mettre en place. Tout comme lui, des analystes politiques ont des doutes sur la capacité actuelle de l'armée à désarmer puis arrêter les leaders étant donné la situation dans certains quartiers ou zones frontalières, zones de repli des leaders. 

     

    L’idée de ce plan a commencé après que plusieurs attaques ont frappé les frontières avec la Syrie entre partisans et adversaires du régime de Damas. "L’armée sait qu’elle est aujourd’hui plus que jamais visée par le terrorisme qui veut l’empêcher d’établir l’autorité de l’Etat et de circonscrire la dissension", a annoncé l’institution militaire dans un communiqué. Selon ce dernier, l’armée libanaise s’est dite déterminée à combattre le terrorisme: "Le commandement de l’armée continuera de combattre et de poursuivre les terroristes et est déterminé à mettre à exécution le plan de sécurité, quels que soient les sacrifices" affirmant une pleine implication de l'organisme souvent considéré comme le seul actuellement à pouvoir rétablir un certain ordre.

    L’engagement du Hezbollah au côté du régime dans la guerre en Syrie a exacerbé les tensions confessionnelles au Liban, où la plupart des sunnites appuient la rébellion tandis que les chiites sont en majorité partisans du pouvoir de Damas. Trois soldats ont été tués et quatre autre blessés samedi dernier dans un attentat suicide contre un barrage militaire à Ersal. Cette localité sunnite est majoritairement favorable à la rébellion syrienne et accueille un grand nombre de réfugiés fuyant les violences en Syrie, ainsi que des rebelles blessés au combat. Cet attentat de samedi est intervenu quelques heures après un discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a justifié de nouveau l’engagement de son parti en Syrie.

     

    Questions d'Orient - Le 05 avril 2014


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  • Égypte:

    Sissi, l'homme qui ne faisait pas campagne

     

    C'était officiel sans vraiment l'être, depuis la semaine dernière ça l'est: le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, ministre de la défense et chef du pays depuis la destitution de Mohamed Morsi à l'été dernier est candidat à la présidentielle. Cela fait longtemps que sa candidature ne fait plus aucun doute mais lui préférait maintenir le monde en haleine.

    En réalité ce temps de latence entre le vote de la constitution mi-janvier et la proclamation de sa candidature est dû au fait que l'homme devait aménager son départ du poste de chef du Conseil suprême des armées et de ministre de la défense. Voilà qui est fait puisque le maréchal a nommé son successeur en la personne du général Sediq Sobhi devenu ministre de la défense et chef des armées. Le général Mahmoud Hegazi a été nommé chef d'État-Major.

    Sissi a annoncé sa démission de son poste militaire dans un communiqué sous forme de vidéo où on voit l'homme s'annoncer candidat à l'élection présidentielle...tout cela vêtu du treilli militaire. Pas très habille on dit certains. Dans un discours qui mêle arabe classique et dialectal, il lance solennellement : "Je me tiens devant vous aujourd’hui pour la dernière fois dans un uniforme militaire, après avoir décidé de quitter mes fonctions de ministre et de chef de l’armée, (...) pour récupérer l’Egypte et la construire".  Le maréchal mentionne des "défis, de missions extrêmement difficiles, d’économie fragile, de chômage, de santé" et promet d'oeuvrer à "débarrasser l’Egypte du terrorisme" une fois élu au terme du scrutin prévu les 26 et 27 mai.

    C'est en suivant en suivant le calendrier dicté par l'HCE (Haute Comission électorale) que l'Égypte va pouvoir se doter d'un nouveau président un peu moins d'un an après la destitution du président Mohamed Morsi, seul président jamais élu démocratiquement en Égypte mais très vite contesté par la rue et finalement destitué par son chef des armée. C'est en virant Morsi que Sissi s'est construit cette aura qui fait aujourd'hui de lui l'homme le plus populaire d'Égypte. Face à lui, rien ne semble pouvoir résister: normalement il n'aura à affronter qu'un seul prétendant au siège de la magistrature suprême les 26 et 27 mai prochains. Il s'agit d'Hamdine Sabahi, figure populaire de gauche, déjà candidat en 2012 et arrivé troisième derrière Morsi et Ahmed Chafiq. Les autres candidats potentiels ont en fait préféré se retirer ayant compris que leur présence aurait donné un aspect démocratique à l'élection alors même qu'il n'y a aucun suspens quant aux résultats.

    Sabahi se dit pourtant candidat pour représenter "la révolution", et pour empêcher que le scrutin ne "se transforme en un référendum avec un seul candidat". Clair dans ses engagements, le candidat pense pouvoir concourir au poste convoité malgré l'alignement systématique des magistratures et institutions étatiques sur son rival; une détermination indéniablement mais un départ avec un handicap lourd sinon intraitable. Baheieddine Hassan, président du Centre du Caire pour les droits de l’homme, estime, qu’il est difficile d’imaginer que les institutions étatiques soient neutres dans cette course à la présidence: "Jusqu’à présent, le gouvernement n’a démontré aucune preuve d’impartialité", déclare-t-il.

     

    Toutes ces tractations ont un petit fait oublier l'armée qui s'est déclarée "loin de ces processus d'élection" ce à quoi personne ne croit, cela va de soi. C'est le porte-parole de l'institution qui a annoncé que le maréchal allait déclarer sa candidature mercredi dernier et le discours de ce dernier a été publié sur la page facebook de l'armée égyptienne en arabe et en anglais. Les liens sont si étroits... D'autant qu'il y a quelques semaines, l'armée, principale source pour alimenter le siège de président en Égypte (tous les présidents sauf Morsi étaient issus des rangs militaires) avait mandaté clairement le maréchal pour les élections. Le Conseil suprême des forces armées, réuni sous la direction du maréchal, avait déclaré dans un communiqué fin janvier que "la confiance populaire donnée au maréchal Sissi est un appel auquel il faut répondre". Aujourd'hui, le journal égyptien al-Ahram affirme clairement que le maréchal agit en violation de la loi électorale puisque des membres en fonction de l'institution militaire sont en action pour sa campagne. Très confiant, Sissi a répondu  ne pas mener de campagne "classique".

    Des interrogations aussi persistent quant à son programme et à son équipe pour mener à bien son élection.

    Au lendemain du discours où l'on apprenait sa candidature, la télévision officielle de l'État égyptien a diffusé une vidéo du maréchal entouré d'une équipe; son équipe ?  Toujours est-il qu'aucun nom n'a fuité mais que des visages connus sont apparus: on retrouve Mohamed Badrana, chef de l'Union des étudiants mais aussi de nombreux membres de l'équipe de Amr Moussa, arrivé 5ème aux élections de 2012. Ahmad Kamel son porte-parole en fait parti entre autre.

    Concernant l'organisation interne de l'équique d'Abdel Fattah al-Sissi, Ahmad Kamel a déclaré à l'Hebdo que les bureaux seraient organisés d'une manière triangulaires.

    -> Il y aurait un bureau regroupant une équipe de campagne dont le coordinateur est l'ancien ambassadeur à l'Union Européenne du pays, Mahmoud Karem.

    -> Il y aura un service de conseiller regroupant Amr Moussa, des chercheurs sous la houlette de l'écrivain et ancien conseiller de Nasser Hassanein Heykal, aujourd'hui octogénaire.

    -> Enfin il a été attesté de la présence d'une troisième bureau mais sur lequel les mystères persistent. Il serait chargé de travailler sur un programme ou plutôt "projet d'État" comme aime appeler ces travaux les partisans de Sissi. Le calendrier d'application de ce programme sera aux mains du gouvernement pour mettre en place des futures réformes. En revanche, la composition de ce bureau est restée inconnue et des experts ont émis l'hypothèse qu'il soit composé d'un groupe de militaires, auquel cas un certain nombre de gradés.

    "Nous avons avancé certaines idées mais nous attendons le programme pour donner notre avis", a déclaré l’un de ces conseillers sous couvert de l’anonymat. Pour ce dernier, Sissi incarne l’homme fort capable de faire revenir la stabilité dans un pays secoué par des crises économiques et sécuritaires.

     

    Dans tous les cas, les priorités absolues du "futur président" comme le nomme déjà al-Ahram seront la reprise économique et la mise en place de solution pour stopper la dérive sécuritaire alarmante pour tout le Moyen-Orient.

    L'économie égyptienne est en effet en crise avec le recul des investissements et la quasie absence de tourisme en raison de l'insécurité. Le tourisme était avant la recette majeure du PIB additionné avec l'argent des travailleurs égyptiens travaillant à l'étranger.

    Pour la reprise en main de l'économie, le pouvoir compte sur les aides étrangères et surtout celles des pays du Golfe : l'Arabie Saoudite, le Koweït et les Émirats Arabes Unis. Ces derniers ont injecté douze milliards de dollars sous forme de prêts, et livraison d'hydrocarbure au pays égyptien. Actuellement, beaucoup voient ces aides comme le facteur décisif pour l'élection de Sissi à la tête de l'Égypte. Une source diplomatique explique que des tractations ont lieu, notamment avec Abou-Dhabi, pour une assistance d’environ 20 milliards, une fois le maréchal élu; il s'agirait d'"une sorte de plan Marshall pour secourir l’Egypte et garantir la stabilité du pouvoir de Sissi", rajoute cette même source.

    En réalité, ce sont des investissements au long court qui ont déjà commencé avant même le début d'un probable mandat de Sissi. Un grand des Grands émirati a investi quarante milliards de dollars pour la construction d'un million de logements destiné aux classes moyennes dans le pays le plus peuplé du monde arabe et où le mal-logement est une cause majeure de violence et délinquence. Ces constructions ont lieu en étroite collaboration avec l'armée et sous la houlette de l'Autorité dirigente d'ingénerie aussi rattachée à l'armée. Le chantier devrait prendre fin dans trois ans.

    Les principaux bailleurs, les Émirats auraient aussi entrepris d'investir dans la construction de 25 silos à blé et 100 écoles et dispensaires. Selon Reuters qui cite une source militaire, l'armée serait en fait l'institution préférée des pays du Golfe puisque c'est elle qui a reçu la charge de distribuer et investir l'argent aux bons endroits. Elle est en effet considérée comme l'institution la plus sûre et la plus en règle.

    Parallèlement, pour consolider la candidature de leur petit protégé, la presse de ces pays fait sa propagande laissant entendre qu’un plan Marshall sera lancé par les pétrodollars du Golfe. Dans un article publié en février dernier dans le quotidien saoudien Al-Hayat, le journal dévoile, selon des "sources bien informée" , que le projet économique d’Al-Sissi est basé sur de "gigantesques projets de développement", en comptant sur un "soutien arabe-Golfe". Selon le journal, l’ex-ministre de la Défense va proposer des plans de développement d’envergure basés sur des études et recherches élaborées par des centres spécialisés égyptiens et du Golfe. Le programme comprend aussi la création d’un Fonds arabe pour le développement du Canal de Suez et le financement des transactions d’armes pour l’armée.

    C'est donc très probablement une cause extérieure qui va déterminer l'avenir du pays et qui va influencer l'élection.

     

    En réalité, le défi majeur du futur président sera la capacité à porter un coup d'arrêt à la dérive sécuritaire qui sévit dans le pays depuis la révolution de février 2011 avec l'apparition de noyaux djihadistes notamment dans le Sinaï, en Haute-Égypte. Ne citons qu'Ansâr Beït al-Maqdess qui a déjà revendiqué des dizaines d'attentats.

    Ces groupes djihadistes aussi malseins qu'indépendants et inconnus, ce qui rajoute une contrainte de plus, ont multiplié les attaques contre les forces de l’ordre faisant plus de 200 morts en quelques mois. Aujourd'hui encore, trois bombes ont explosé simultanément devant l'université du Caire faisant deux morts dont un général.

     

    Globalement, il s'agit donc d'une élection égypto-golfique puisqu'en cas de victoire de Sissi, l'Arabie Saoudite, les Émirats et le Koweït seraient les premiers investisseurs pour aider le nouveau président. Il s'agirait d'une véritable soupape de décompression pour le pays sous pression constante depuis l'éviction de Morsi et durant ces mois où les Frères Musulmans ont passé leur temps au tribunal et où la justice s'est mise à condamner 528 hommes à la peine de mort. Il en faudra incontestablement plus pour redresser le pays.

    En attendant, les trois pays du Golfe y ont trouvé le terrain idéal de combat indirect contre leur rival qatari soutien actif des Frères Musulmans, confrérie en guerre contre le wahhabisme saoudien pour le monopôle de l'Islam politique.

    Pour Mohamad Ezz Al-Arab, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram, pour les pays du Golfe, la stabilité de l’Égypte est une sérieuse garantie pour la stabilité de cette région notamment en raison du poids démographique que représente l'Égypte dans le monde arabe. Conserver la paix sociale en Egypte, en s’engageant dans des projets de développement est une stratégie que ces monarchies adoptent, pour éviter que les Égyptiens n'aillent une troisième fois sur la place Tahrir avec un risque d’un retour des Frères musulmans sur la scène. "Les monarchies du Golfe parient sur Al-Sissi pour plusieurs raisons. Elles le considèrent comme le sauveur de leurs trônes face aux Frères musulmans. Il est aussi le symbole de l’institution militaire avec qui ils partagent la même politique de sécurité régionale", dit Ezz Al-Arab. Le chercheur rajoute que "ce soutien va aussi aider à augmenter les chances de réussite d’Al-Sissi, donnant l’impression aux Égyptiens que la situation ira de l’avant, surtout que la crainte d’une sorte de blocus par l’Occident et Washington en cas de victoire d’Al-Sissi hante des gens". Ce soutien a un autre côté sombre. Abdel-Khaleq Farouq regrette que les milliards de ces monarchies ne se traduisent par une application des politiques internes de ces mêmes monarchies. En revanche, compter uniquement sur l’appui du Golfe ne peut garantir "ni redressement de l’économie, ni succès du futur régime".

     

    Mais enfin, qu'est-ce que c'est bon d'avoir le Golfe (ou presque) avec soi !

     

    Questions d'Orient - Le 02 avril 2014


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