• Égypte:

    la nostalgie d'un temps passé

     

    "C’est la profonde ignorance qui inspire le dogmatisme" disait Jean de la Bruyère. Il semblerait que ce soit bien le phénomène qui ronge les université égyptiennes depuis un certain temps, les cours ayant laissé place aux engagements politico-religieux pour faire vivre des partis qui n'existaient pas avant le soulèvement du peuple contre le pouvoir Moubarak.

    Ce qui est frappant quand on parcourt quelques articles de journaux égyptiens et de presses locales c'est la profonde nostalgie de certains face à ces mutations au coeur de l'appareil chargé de former les adultes de demain. Les questions qui émergent pour la génération qui est actuellement celle des professeurs sont: comment les étudiants vivent-ils ces périodes troubles ? Comment appréhendent-ils demain ? Qu'elles peuvent être les ressemblances entre l'université d'hier que ces professeurs ont connu et celle d'aujourd'hui minée par les revendications de tous, et rendue inefficace par les clivages communautaires qui divisent l'Égypte.

    Alors pour rêver encore un peu, on se souvient de ces couloirs d'une université pleinement au service de la patrie (al-watan). On se souvient quand le mot université était celui qui faisait vibrer les jeunes écoliers, quand cette institution était au coeur des parcours de réussite. On se souvient quand les lieux de vie en commun qu'étaient la caféteria, les jardins étaient des lieux de partage tant amicales qu'étudiants pour discuter et réfléchir sur l'avenir. Certains ont aussi en tête les activités sportives et touristiques que proposaient l'université et qui, pour certains étaient aussi le moyen de s'évader vers d'autres lieux qui leur étaient fermés dans une sphère familiale introvertie.

    Je note aussi le regret des professeurs, hier vénérés par leurs étudiants et complices d'ailleurs car ce respect était mutuel et les professeurs ne comptaient guère leur temps quand il s'agissait d'aider ou de discuter avec leurs étudiants. Le professeur était l'homme qui avait réussi, l'homme dont le parcours était à suivre.

    Aujourd'hui, ces hommes tristes de la décadence voient l'université comme le lieu malade du pays et ça n'est d'ailleurs pas complètement faux. Au lieu d'être la figure de l'ouverture du pays à la science, d'être le laboratoire de recherche, fierté d'une patrie, elle est l'arène du combat...mais du vrai combat ! Elle peut être l'arène du mécontentement politique, des clivages religieux mais quand elle devient l'arène des bombes là oui, nous pouvons admettre que son rôle se perd et que son enceinte est pervertie.

    Alors, oui, la bibliothèque, lieu du savoir compilé, les salles de cours et les couloirs se vident de leurs flots d'élèves dans les moments creux. D'autant que, comme le note un certain nombre d'universitaires et de journalistes, la vie universitaire dévie vers d'autres cieux, des cieux bien plus sombres. Les étudiants semblent avoir réinvesti les lieux universitaires pour en faire la facade de leurs manifestations, pour protester ou insulter à tout-va, oubliant et laissant de coté par là le devoir qu'a tout étudiant vis-à-vis de son établissement et vis-à-vis de lui-même. Laissant tomber les bancs de l'université et se laissant tomber lui-même dans des abysses de revendications politico-religieuses, c'est le vivier de l'Égypte de demain qui est en jeu...et nous savons tous ô combien un pays qui sort d'une révolution a besoin du renouvellement des générations pour se structurer !!

    La cause majeure de cette décadence de l'université semble être à lire dans l'inversion des notions notamment due à une confusion entre la formation universitaire, la culture et la religion, cette dernière ayant pris un poids considérable dans l'échiquier des forces en présence depuis la révolution de février 2011 et le retour en force du parti frériste.

    Alors on se retrouve dans une situation où chacun s'essaie à l'argumentation pour défendre son point de vue ou celui de son groupe. La religion contre la démocratie, les Frères contre les laïcs, l'université contre le dogmatisme. Ce sont des notions que certains veulent envisager séparemment les unes des autres car selon eux religion ne doit/peut pas être compatible avec démocratie tandis que d'autres vantent la particularité de la situation égyptienne: en Égypte, la religion c'est plus qu'une simple affaire civilisationnelle, c'est un mode de vie et au vu de la position de la religion dans le pays de Pharaon, la démocratie doit devenir affaire de religion et la religion doit être la parole qui guide l'Égypte vers le futur.

    Je me permettrais de faire part de mes doutes quant aux succès d'une initiative semblable tant cela semble vouer à l'échec. Nous en avons eu l'illustration en Tunisie où le mouvement du rassemblement (Nahda -> Ennahda) n'a pu être assimilé à une civilisation ne voulant ni autoritarisme ni foi.

    Autant dire qu'en Sissi incarnant le renouveau de l'autoritarisme face au terrorisme, et les Frères Musulmans proches d'une doctrine islamiste prônant un pouvoir religieux, rien ne semble coller en Égypte avec les revendications de février 2011. Enterrement des principes d'une révolution ou renouveau pour adaptation aux différentes mouvances qui apparaissent ? Le futur proche devrait parler...

     

    Questions d'Orient  - Le 19 avril 2014


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  • Syrie:

    la guerre si bénéfique du Hezbollah

     

    Pourquoi une intervention si ferme et si affirmée en Syrie de la part du mouvement de Dieu, avant tout créé dans l'optique de résistance à Israël ?

    En Syrie, les enjeux sont tout autre et dépassent même la division communautaire chiites - sunnites même si cette dimension n'est pas à écartée.

    Le mouvement a fait ses premières armes dans le sud Liban contre Israël. Actuellement, il parachève sa "formation" et sa capacité tout-terrain qu'on lui connait bien contre les rebelles syriens opposés au président Assad. Et ce n'est pas tout. Avant d'être un engagement militaire, c'est aussi une expérience très précieuse que le mouvement acquiert là en terme de lutte anti-guérilla.

    D'ailleurs, on observe très nettement un changement notable dans le vocable général et le comportement du parti depuis 18 mois. D'une victimisation et d'un statut de "gibier des armes lourdes sionistes" on est passé à un parti, "chasseur de takfiri" désignant, dans la terminologie chiite, les extrémistes sunnites radicaux qui luttent contre Assad et contre autre forme de pouvoir différent du califat.

    "Une nouvelle génération de combattants du Hezbollah apparaît en Syrie. Ils sont devenus très bons dans la tactique de petites unités capables de s'adapter sur le terrain face à des ennemis en chair et en os", explique Andrew Exum qui est un ancien responsable au ministère américain de la Défense.

    Il s'agit certes d'une force organisée mais aussi d'une force physique qui pèse avec ses 5000 combattants en Syrie. On ne comptabilise pas les milliers d'autres sont en cours de formation dans les territoires chiites libanais attendant le déploiement en terres syriennes. Certains responsables du parti auraient fait état d'une telle vague de demande d'engagement qu'il ne leur était même plus nécessaire de mener des campagnes de recrutement pour grossir leurs rangs.

    Nous avons connaissance actuellement des processus de recrutement. Le "Hezb" prend contact avec la personne et effectue une enquête sur sa personne et notamment sur ses connaissances religieuses. La personne recrutée se rend alors en formation en Liban, pays d'implantation du Hezbollah et les premiers contacts auraient lieu en région de Baalbeck ou dans certains villages isolés chiites du sud. La formation dure entre 40 jours et un mois selon des combattants. Quelqu'uns de ces "formés" seraient ensuite envoyés en Iran, haut de lieu du chiisme et faille dans l'arc sunnite du Moyen-Orient, pour se spécialiser dans les fonctions de commandement et d'utilisation d'armes lourdes.

    Le journal franco-libanais l'Orient-Le Jour confie quelques témoignages de combattants dont celui d'Abou Ali: "En 2006, l'ennemi était clairement identifié : c'était Israël. Mais en Syrie, ils sont multiples (les djihadistes) de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou ceux du Front al-Nosra, de l'Armée syrienne libre (ASL)".
    Le combattant quadragénaire explique que "Ici, nous connaissons parfaitement notre terre, mais en Syrie, le terrain ne nous est pas familier et en plus il est vaste et divers : il y a du désert, de la montagne et des vallées", mettant en exergue les mutations territoriales, organisationnelles et guerrières auxquelles les combattants ont du faire face.
    Jeffrey White, ancien responsable du renseignement militaire américain, pense
    quant à lui que le conflit en Syrie permet au Hezbollah "d'acquérir une bonne connaissance de la guerre irrégulière et une expérience du combat" ce qui semble incontestable tant le mouvement semble présent sur tous les théâtres importants depuis la dérive sécuritaire que le conflit a engendré au Liban et depuis que ses centres névralgiques au pays du Cèdre aient été frappés par des bombes en provenance des zones frontalières du Qalamoun.
    "Le Hezbollah mène des opérations offensives. Cette guerre (...) nécessite des unités plus importantes, des combats de longue durée et des manœuvres complexes",déclare le spécialiste dans un rapport du Centre de lutte contre le terrorisme.

    Mais le Hezbollah ne se contente pas simplement d'oeuvrer aux côtés de l'armée arabe syrienne dans ses assauts contre les points insurgés. Le Hezbollah est aussi un acteur actif de l'encadrement des unités de milice et de l'armée qui ne dispose pas toujours d'une expérience suffisante dans le maniement d'armes lourdes ou légères en milieu urbain et face à une guérilla. 

    "Ils n'ont pas d'expérience de la guerre urbaine ni comment agir avec la guérilla, alors c'est nous qui dirigeons la bataille, et nous les avons entraînés sur la manière de se comporter dans ce type de bataille et comment utiliser certains types d'armes", ajoute Abou Hussein, un autre combattant du Hezbollah à l'Orient-Le Jour.
    Cette expérience sur un vrai champ de bataille est précieuse pour le groupe. Désormais, le parti de Dieu possède "des cadres qui ont acquis la pratique de conduire des opérations offensives en milieu urbain" pour l'institut d'étude de la guerre à Washington.

    Néanmoins cette adaption n'est pas sans dommages collatéraux pour le Hezbollah: la guerre en Syrie c'est 300 morts et une rhétorique entière à changer alors qu'elle était centrée sur Israël.

    Le chef du mouvement chiite récemment interrogé concernant l'intervention en Syrie a estimé qu'elle était nécessaire et légitime pour un parti du Liban pour empêcher l'intrusion d'extrémistes religieux sunnites de pénétrer dans le pays du cèdre. Il a aussi tenter (à chacun de juger la cohérence et la réussite d'un tel rapprochement) tenter de lier ses ennemis dans un complot "americano-israélo-takfiri"... Pas mal !

    Enfin, pour conclure sur cette ingérence du Hezbollah en Syrie, il faut noter que beaucoup de combattants y sont pour défendre les lieux saints de l'islam chiite qui ont pu déjà être la cible de destructions de la part de groupes extrémistes (EIIL, JaN).

    "Le conflit est présenté comme un "djihad" défensif pour protéger les lieux religieux et avec en arrière-plan la crainte pour leur confession dans la région", selon Philip Smyth, chercheur sur le mouvement islamiste à l'université du Maryland.

    On retrouve là, indubitablement l'aspect communautaire, confessionnel qui prend le pas puisque l'ingérence du Hezbollah en Syrie est un facteur de déstabilisation des populations sunnites du Liban qui condamne cette intervention tandis que peu de chiites semblent être dérangés par cette intervention.

     

    Questions d'Orient - Le 17 avril 2014


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  • État Palestinien:

    la construction ; d'un fait historique à la résistance armée

     

    Arabes israéliens, communautés et discriminations (2/4)

     

    Si, dans les représentations géopolitiques que nous pouvons en avoir, un possible État palestinien doit passer par un territoire et nous en avons vu les enjeux la semaine dernière, il doit aussi passer par une identité, un nationalisme palestinien répercuté dans le voisinage direct du territoire du même nom.

    L'enjeu d'aujourd'hui sera de s'interroger sur le rôle, la fonction, le statut aussi des Arabes israéliens; ces Arabes qui ont choisi de rester sur la terre devenue officiellement Israël en 1948.

    Lors de la proclamation de l'indépendance et donc de l'existence du pays hébreu en 1948, les Arabes locaux ont deux choix: partir ou rester. C'est assez simple, il faut le reconnaître. 750 000 choisiront de partir de leurs foyers respectifs pour immigrer vers la bande de Gaza, vers les pays voisins ou vers la Cisjordanie. Le reste, c'est-à-dire 156 000 Arabes restent en Israël.

    Aujourd'hui qu'en est-il ? Ils seraient pas moins de 1,4 millions actuellement en Israël représentant 20% de la population. Il s'agit donc d'une minorité certes mais d'une minorité majoritaire parmi les minorités car 20% d'une population est un chiffre qui est significatif, assez du moins pour qu'ils ne passent pas au travers de l'échiquier politique israélien comme des fantômes et assez pour qu'ils réussissent à faire vivre le nationalisme arabe et palestinien en Israël.

     

    Qui sont-ils ?

    Qui sont-ils qui ? Les Arabes palestiniens bien sûr car au-delà de la dénomination d'Arabe, cette masse de population comprend différentes ethnies confessionnelles.

    Parmi les 1,4 millions actuels, il y a une forte majorité de musulmans: 84%. Deux autres minorités sont présentes: les chrétiens et les druzes toutes deux rassemblant 8% des populations restantes. Il faut bien prendre en compte cette prégnance de l'Islam au sein des populations arabes pour prendre compte par la suite des revendications plus ou moins fortes de chacun.

    La majorité de ces populations se considèrent pleinement comme Palestiniens citoyens d'Israël. Ces Arabes d'Israël sont citoyens donc égaux en droit et soumis à la même loi que leurs voisins juifs, loi datant de la création de l'État hébreu en 1948.

    Mais pourtant ce n'est pas le cas et les différences de traitement sont très creusées en fonction des communautés. Prenons avant tout conscience de ce que l'on appelle communautés en Israël. Trois communautés sont reconnues par l'état civil: les Juifs, les Arabes et les Druzes.

    Tout le monde connaît les deux premières en revanche la troisième sonne comme une inconnue. Les Druzes sont une branche ismaïlienne du courant chiite de la religion musulmane. Les populations druzes sont présentes en Israël mais aussi beaucoup au Liban et en territoire syrien. Alors, nous pourrions nous dire qu'ils devraient être inclus parmi la communauté arabe. Mais non car les populations druzes cultivent un sens particulier du nationalisme et de la reconnaissance de l'État qui accueille. En effet, ils font preuve d'une fidélité, d'un dévouement et d'une loyauté inconditionnels pour le pays hébergeur. Et cette fidélité a porté ses fruits avec Israël puisqu'en 1961, les Druzes gagnent une nationalité différente de celle des Arabes. En 1956, a été signé un pacte affirmant ces liens entre les deux peuples. C'est aussi de cette manière que bon nombre de Druzes atteignent des hauts postes au sein d'institutions prestigieuses d'Israël comme notamment celui d'officier dans l'armée. Ce statut que nous qualifierons de préférentiel leur assure aussi un certain nombre d'avantages en terme d'éducation puisque les Druzes disposent de leur propre programme scolaire.

    C'est un statut qui peut d'ailleurs être mis sans gêne en parallèle avec celui des Juifs qui bénéficient eux aussi de droits exclusifs notamment à la loi du retour: tout juif dans le monde peut venir élir domicile en Israël et recevra la nationalité israélienne.

    C'est donc cette citoyenneté tout sauf linéaire et largement adapté en fonction des cas qui semble se traduire par un certain nombre de problèmes récurrents surtout pour les populations arabes subissant des discriminations.

    En 2010, un rapport de l'UE qui avait été rédigé par quelques ambassadeurs de pays membres avaient pointé du doigt ces ségrégations et ces décalages sociaux exacerbant le fossé entre les communautés. Selon le rapport, 50% des Arabes d'Israël vivraient sous le seuil de pauvreté et seuls 3 des 20% d'arabes possèderaient une terre. C'est incontestable, les Arabes d'Israël non pas les mêmes droits; ils sont des citoyens de seconde zone.

    Toutefois, si nous présentons ici ce processus de relégation comme très fort actuellement il faut préciser qu'il n'est pas récent et que la condition des Arabes s'est même améliorée. Entre 1948 et 1966, les Arabes d'Israël vivaient sous le giron d'une administration militaire et n'avaient d'autres droits que celui de voter, droit assez secondaire il faut le reconnaître lorsque l'on a d'autre choix que de voter pour un parti pour lesquel on ne se sent pas concerncé.

    Une évolution, une stabilité puis un recul c'est certain depuis l'arrivée au pouvoir d'une alliance représentant la droite nationaliste et concrétisée par le duo Lieberman/Netanyahy. Dès lors, la situation économique des Arabes d'Israël a décliné et la moyenne du chômage a surpassé la moyenne nationale pour arriver à 11% chez les hommes pour 18% chez les femmes en parallèle avec une moyenne nationale de 6%. Les Arabes sont donc très peu intégrés économiquement parlant et le secteur arabe ne compte que pour 8% dans le PIB national. Une intégration très délicate et rendue très délicate par la montée d'une méfiance de la communauté hébreue vis-à-vis des Arabes.

     

    Et le nationalisme arabe politique ?

    Si ces populations sont largement marginalisées de la société, qu'en est-il en politique ? La réponse pourrait aller de soi...difficile d'être présent en politique et au ban de la société. Mais il y a bien eu processus d'intégration politique, un processus long, pas linéaire mais concret.

    Jusqu'aux années 1980, les Arabes sont restés loin du champ de la vie politique et beaucoup se dirigeaient vers des partis de consensus sioniste tel que le Parti National Religieux ou le Parti Travailliste.

    Pour Laurence Louer, chercheur au Centre d’Études et de recherches internationales (CERI),"il ne faut pas voir dans ce comportement politique des affinités idéologiques mais l’effet de réseaux de clientèle très efficaces". Nous l'avons dit, les Arabes avaient eu rapidement le droit de vote et il est vrai qu'il ne faut guère chercher dans les votes d'autres logiques que celles d'un vote stratégique. Les Arabes ont eu intérêt très rapidement à viser les ministères essentiels pour leur "survie" et pour une possible reconnaissance et représentation de leurs intérêts vitaux à savoir l'éducation et la justice.

    En terme d'éducation, très peu d'étudiants avaient accès aux enseignements supérieurs comme l'université en raison notamment la barrière langagière: beaucoup d'universités sont hébraïques représentant une barrière pour des étudiants de langue arabe maternelle.

    La communauté arabe revendique de la même manière une répartition équitable des budgets destinés aux cultes.

    L'année 1980 est un tournant pour les représentations des intérêts des Arabes israéliens dans l'échiquier des nationalismes. Non seulement car les populations arabes d'Israël vont commencer à s'introduire comme jamais dans le jeu  politique du pays à travers des partis variés mais aussi car les revendications palestiniennes prennent un tout visage avec l'apparition du Fatah (Parti de la Libération) par Yasser Arafat au Koweït en 1959. Les mutations sont donc bien intérieures et extérieures et les liens entre les deux ne peut être négligé.

    En Israël, de nouveaux mouvements regroupent des Juifs et des Arabes. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, leurs membres ne nient pas Israël mais demandent un territoire palestinien officiel dans ses frontières de 1967 ainsi que l'égalité entre Juifs et Arabes sans laquelle la vie pour les populations arabes est rendue à la limite de l'impossible en Israël. 

    La particularité de ces nouveaux mouvements naissants est qu'ils vont parvenir à faire partie intégrante pendant des nombreuses années de la scène politique en négociant et collaborant implicitement via le jeu des élections avec des partis gouvernementaux comme le parti travailliste. Le front démocratique pour la paix et l'égalité créé en 1977 de la fusion entre le Parti Communiste israélien et les mouvements d'étudiants va réussir ainsi à s'immiscer dans le jeu politique. Jusqu'en 1984 il va même être l'unique parti nationalisme arabe présent dans la Knesset.

    En marge de ces mouvements ne négligeons pas la mouvance islamiste bien présente. Elle est parvenue assez habilement à se tailler une place politique via des réseaux associatifs comme l'association d'al-Aqsa, la mosquée de Jérusalem.

    Globalement, ces mouvements émergents ont connu un succès car ils ont été perçus par les Arabes palestiniens comme un moyen de se fédérer par le bas dans l'identité palestinienne anéantie en Israël.

    Pour ce mouvement politique et populaire on parle de "palestinisation du vote arabe" sachant que la plupart des électeurs arabes ont voté pour ces nouveaux partis ces dernières années. Ainsi on passe de 78% d'électeurs arabes ayant choisi ces partis aux législatives de 2003 à plus de 83% à celles de 2009. L'augmentation est significative et traduit la prégnance de ces partis au sein de la société israélienne, pas si imperméable que ça.

    Mais si ces mouvements ont pu être une réussite dans la réappropriation de l'identité palestinienne, ils ont aussi été source d'une nouvelle méfiance de la société israélite vis-à-vis de la population arabe tant au niveau des forces gouvernementales qu’au sein même de la société israélienne. Ils vont devenir les ennemis de l'intérieur et ce fossé va se creuser avec le déclin du parti travailliste et l'affirmation de la droite nationaliste à travers les partis du Likoud (Bloc national des libertés) né en 1974 et le parti Kadima (En avant) né sur initiative d'Ariel Sharon en 2005.

    Cette méfiance n'a pas été sans causes directes et profondes pour ces partis. Les principales forces politiques arabes comme le Parti démocratique arabe, le Mouvement islamiste ou le Mouvement arabe pour le changement sont marginalisés et ont perdu à peu près tout leur poids gagné dans la bataille politique en Israël. Pour autant de nombreuses associations ont  pu prendre le relais. C’est par exemple le cas du Centre juridique de la défense de la minorité arabe en Israël (Adalah) qui demande l’application effective en Israël du principe de non-discrimination entre les citoyens.

    .Pour autant, même si les Palestiniens d’Israël souhaitent une reconnaissance de leur appartenance à la nation palestinienne, ils ne souhaitent pas dans leur grande majorité changer de citoyenneté si un État palestinien voyait le jour. Alors comment expliquer un tel positionnement ?

    C'est aussi parce que ce statut d'Arabe d'Israël, le statut de citoyen secondaire "limite la casse". C'est un moindre mal face à une Autorité palestinienne qu’ils voient comme fragile, corrompue, poreuse et qu’ils pensent peu encline à améliorer leurs conditions de vie.

    Mais da droite nationaliste israélienne n’est pas tout à fait du même avis. Selon Avigdor Lieberman, chef de file de l’extrême droite israélienne, si un État palestinien voyait le jour, les Arabes israéliens auraient vocation (pour ne pas dire devraient) à être transférés dans ce nouvel État afin de garantir au mieux le caractère purement juif de l’État hébreu. Bien sur ce type de position interroge sur l’avenir du statut "Arabe" pour ces populations vivant en Israël. Pour Laurence Louer, "la véritable crainte pour Israël, c’est de voir apparaître, comme le prévoyait le plan de partage de 1947, un État palestinien, donc arabe, à côté d’un État juif qui ne le sera pas vraiment, puisque la population israélienne ne sera pas homogène".

     

    Questions d'Orient - Le 14 avril 2014


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  • Égypte:

    nouvelles ramifications terroristes ?

     

    Rappelons nous, le 2 avril dernier, trois bombes embrasaient les alentours de l'université d'al-Azhar au Caire et tuait un brigadier général de la police. Cinq autres policiers étaient blessés.

    Cet attentat donc les causes et l'organisation demeurent flous mais constituent de sérieuses interrogations, est un nouveau pas franchi dans l'escalade de la violence dans le pays; une ambiance d'insécurité qui fait suite au désistement du président islamique Mohamed Morsi le 3 juillet 2013 par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi qui vient d'annoncer sa candidature à la présidentielle à venir.

    L'attentat a été revendiqué par un groupe terroriste tout récent: Ajnad Misr (Les combattants d'Égypte). Le groupe est connu depuis le 23 janvier 2014 et il a revendiqué l'attaque en justification de l'arrestation d'un certain nombre de manifestantes islamistes probablement rattachées aux Frères Musulmans près de l'université d'al-Azhar dans le centre du Caire, foyer actif et agité de la contestation au pouvoir de Sissi.

    Le 31 janvier, le groupe avait déjà fait savoir dans son premier communiqué qu'il revendiquait une des quatre explosions qui avaient secoué la capitale égyptienne. Depuis le groupe compterait pas moins de sept attaques à son compteur.

    Il est nécessaire semble-t-il de faire un parallèle avec l'autre groupe terroriste égyptien quant à lui beaucoup plus connu désormais: Ansâr Beït al-Maqdess basé dans le Sinaï. Contrairement à ce groupe qui utilise des méthodes plus sophistiquées, Ajnad Misr pratiquerait des méthodes plus rudimentaires avec des explosifs rudimentaires dans le but aussi de limiter les attaques aux cibles précises que sont devenues les patrouilles policières ou militaires.

    Les dernières attaques montrent une fois de plus que l'université du Caire, si prestigieuse soit-elle, est devenue le bastion de la contestation mais aussi le coeur des ramifications de la communauté frériste, durement réprimée depuis le début de la prise de pouvoir de Sissi. Au début des protestations contre le nouveau pouvoir militaire, les Frères avaient utilisé la méthode des marches de contestation rassemblant un nombre conséquent de personnes et étant aussi créées pour dégénérer et finir en affrontement avec les forces de l'order. Ce choix avait du faire face à une féroce répression et à des batailles de rue non sans impact sur les populations civiles, la qualité de vie et l'image des Frères dans la population puisque parfois les affrontements avaient lieu entre pro et anti-Sissi ou du moins entre pro et anti-Frères. Le rendu a donc été insuffisant et la capacité mobilisatrice des Frères n'a cessé de diminuer.

    Il semble donc que les Frères Musulmans ont donc visiblement opté pour une escalade de la violence directement contre les forces de l'ordre en transitant par les universités où le nombre et la densité d'étudiants souvent très engagés a très vite été un facteur majeur de création de trouble. C'est ainsi qu'al-Azhar a vu se multiplier les manifestations voire affrontements entre étudiants pro et anti-régime.

    Dans tous les cas, si l'Égypte est très touchée, le gouvernement et ses institutions les plus précieuses (ministère de la Défense, de l'Intérieur) sont aussi très touchés. Le 29 mars dernier, le gouvernement a publié des chiffres assez alarmants sur le nombre de victimes. Depuis le 3 juillet de l'année passée, 496 personnes ont été tuées dont 252 policiers, 187 militaires.

    Là où les questions se posent c'est au sujet de la profondeur des ramifications des organisations contestataires au sein des lieux publics tels que les universités. Le net est un vecteur de propagation de la contestation et des pages facebook ont vu le jour...des pages étranges car elles diffusent des propos violents, expliquent la fabrication de molotov, incitent aux attaques contre les patrouilles policères. Qui donc possède ces pages ? Les avis divergent sur les relations que pourraient entretenir les Frères avec ces pages. Des experts ont estimé que ces groupes ne sont autre que des entités écrans qui sont pilotées par des membres de la confrérie ayant pour objectif de rendre illusoire la stabilité sécuritaire prommise par le pouvoir, discréditant ainsi un gouvernement fragile et en formation.

    Et encore...des pages facebook contestataires ne serait pas réellement nouveau. En revanche, la page facebook de l'université département ingénieurie gérée par des étudiants recommandant de ne pas se trouver sur l'esplanade devant l'université la veille de l'attaque et précisant vaguement une heure qui sera précisement celle où aura lieu l'attaque...

     

    Questions d'Orient - Le 12 avril 2014


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  • État Palestinien:

    la construction ; d'un fait historique à la résistance armée

     

    Nationalisme arabe, tractations onusiennes et tentatives (1/4)

     

    Le 31 octobre 2011, à la Conférence générale de l'UNESCO (Organisation des nations unies pour l'éducatio, la science et la culture) on débat de l'intégration possible de l'Autorité palestinienne au sein de l'organisme international. Son admission est votée et cet État qui n'en est pas un est admis comme État à part entière.

    Le 29 novembre 2012, près d'un an après, l'Autorité palestinienne est reconnue comme État observateur non membre de l'ONU.

    Ces deux admissions au sein d'organismes internationaux majeurs de décisions politiques et diplomatiques sont des réussites sans égales pour l'histoire de l'Autorité palestinienne et des tournants dans les modes de représentation du mouvement de résistance par la communauté internationale.

    Dans cette série d'article et tout particulièrement aujourd'hui, nous aurons à coeur de montrer qu'il s'agit là d'un long processus, d'une construction éprouvante et fruit d'un certain nombre de tractations, réussites ou défaites.

     

    Au départ, il y avait le nationalisme arabe...

    Le nationalisme c'est un mouvement politique d'individus qui prennent conscience de former une communauté nationale en raison des liens (langue, culture) qui les unissent et qui peuvent vouloir se doter d'un État souverain (définition du dictionnaire en ligne Larousse).

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire lorsque l'on regarde aujourd'hui la prégnance de l'autorité d'Israël dans les relations internationales comparée à la prégnance de l'Autorité palestinienne, le nationalisme arabe et plus particulièrement palestinien est né avant la création de l'État hébreu. Le 14 mai 1948, l'État d'Israël était officiellement créé.

    Mais avant cette histoire, il y a l'histoire de la domination britannique et française sur les terres trois fois sacrées du Moyen-Orient. Passée sous mandat britannique après la dislocation de l'empire ottoman, les frontières de ce mandat ne sont pas du tout clairement identifiées. Cela résulte aussi de la confusion due à la chute des Ottomans dont le territoire comprennait la Palestine englobée dans la Grande Syrie avec la Syrie, le Liban, Israël et la Jordanie.

    Le 16 mai 1916, les accords de Sykes-Picot procèdent à un nouveau découpage territorial sur les terres anciennement ottomanes. La Syrie et la Mésopotamie font l'objet d'une parcellisation, parfois à leur dépend. Cinq zones sont créées:

    -> une zone bleue (Syrie littorale et Cilicie). C'est une zone où les Français peuvent mettre en place un régime d'administration locale directe ou une forme de protectorat.

    -> une zone rouge (Basse Mésopotamie). C'est une zone sous contrôle britannique.

    -> une zone brune (Palestine). C'est une zone qui passe sous l'égide de la France et de son allié britannique.

    -> une zone A (Syrie intérieure). C'est une zone d'influence française sur le royaume arabe de Hussein.

    -> une zone B (Mésopotamie moyenne). C'est une zone d'influence britannique sur le monde arabe.

    Mais c'est un nouveau découpage qui ne affaiblir en rien les sentiments d'appartenance de la province palestine à la Syrie arabe. Dans la déclaration de Balfow, adoptée au Parlement de Grande-Bretagne le 2 novembre 1917, le texte prévoit officiellement de créer un foyer national destiné aux populations juives sur les terres de la province palestine alors sous l'égide des deux puissances occidentales.

    Cette déclaration et, encore plus sa mise en pratique vont susciter un tout nouveau sentiment chez les populations présentes alors: ces populations vont se sentir attachées à la nation, certes encore inexistante politiquement parlant mais qui est déjà symboliquement et affectivement largement présente dans les esprits.

    Il faut préciser qu'il ne s'agit encore pas d'une réaction nationaliste mais simplement d'un patriotisme palestinien en pleine construction; et qui ne va guère s'estomper, exacerbé qu'il est immédiatement par les expropriations progressives des terres par la nouvelle immigration juives qui agit pourtant en toute légalité dans le cadre d'un accord international.

    Il s'agit donc d'une réaction populaire patriotique qui se construit "simultanément contre le projet britannique et contre le projet sioniste" selon Camille Mansour.

    Et alors, le nationalisme arabe ? Qu'en est-il ? Ce patriotisme n'est pas en marge du nationalisme arabe et notamment du projet défendu par un des fils de Hussein, le roi Fayçal de Syrie au pouvoir depuis mars 1920: l'idée du rétablissement d'une Grande Syrie. Toute les particularités émergentes dans le processus de conscience et de construction étatique palestinien sont largement et étroitement liées aux revendications arabes de Fayçal qui voit en la Palestine, un prolongement de son royaume arabe de la Grande Syrie.

    Ce mouvement réactionnaire encore assez timide car en manque d'un leader va justement être conduit de plus en plus par une élite palestinienne pleinement incarnée en la personne de Mohammed Amir al Husseini, nommé grand mufti de Jérusalem en 1921. Je pense que nous pouvons voir ici comme un tournant dans la réaction patriotique palestinienne qui a su se doter d'un leader rassembleur.

    Rassembleur, oui et preuve en est: de grands mouvements de grêve des Arabes sont organisés en 1936 demandés et organisés par le mufti de la ville trois fois sainte.

    La révolte contre l'établissement de la tutelle britannique et du sionisme prend une vraie dimension et s'étend. Husseini devient ainsi le premier et principal leader politique du mouvement national palestinien. Son objectif est clairement défini: il revendique la création d'un État arabe indépendant. En 1936, le mouvement s'organise et se formalise rationnellement à travers la création d'un haut comité arabe qui a pour objectif de représenter les intérêts arabes de Palestine. Le grand mufti est à nouveau à la tête d'une vraie organisation manquant simplement d'une reconnaissance concrète.

    Une reconnaissance qui va venir progressivement soutenir l'effort palestinien puisqu'un certain nombre d'États arabes voisins reconnaissent l'efficacité et la légitimité de cette organisation. La question palestinienne devient préoccupante pour la Grande-Bretagne.

    Face à l'instabilité grandissante dans la région et à une situation débordant progressivement la nation britannique, cette dernière a voulu prendre le problème à la racine. Il fallait éliminer politiquement le leader du mouvement pour décrédibiliser le mouvement tout entier. L'agitateur est le mufti. En 1937, le mouvement est déclaré illégal et donc le grand mufti est logiquement retiré de ses fonctions et contraint à l'exil.

    C'est alors un coup dur pour le mouvement très largement affaibli par ce départ. L'élite palestinienne manque d'un leader agissant en interne et capable, comme Husseini, de s'exprimer au nom des Palestiniens.

    Il faut dire que la Grande-Bretagne avait vu juste et cette action ouvrait le champ à une grande période de vide pour le mouvement nationaliste. Vu juste, mais pas assez pour asphyxier le mouvement, si bien qu'en 1960, les actions reprennent avec, en 1959, la création en terres koweïtiennes du Fatah (Mouvement de Libération Nationale) par Yasser Arafat. Le mouvement prend pour objectifs la libération et l'indépendance de la Palestine mais aussi la lutte contre le frais État sioniste.

    Le 28 mai 1964, les membres du groupe de résistance consolident leur position par la création de l'OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) qui incite alors aux actes de résistance armés depuis les pays voisins (Jordanie, Liban, Koweït). Quatre ans plus tard, lors d'un rassemblement des acteurs de l'OLP et donc du Fatah devenu figure de proue de la résistance antisioniste est créée puis votée la charte de l'OLP qui devient Charte nationale de Palestine.

    Mais c'est à ce moment aussi que le mouvement va connaître une grave division; grave car aujourd'hui encore elle rendrait impossible l'établissement prospère d'un État palestinien si Israël le concédait. Tous les membres présents en 1968, ne reconnaissent pas la Charte et à la veille de la première Intifada, de 1988 à 1993, en décembre 1987 la mouvance frériste (Frères Musulmans) prennent le parallèle du mouvement du Fatah pour créer le Mouvement de la Résistance Islamique c'est-à-dire le Hamas. Son but est donc de lutter contre Israël sûrement, mais aussi de nuir dans les choix politiques au Fatah et à l'OLP.

    Cela aurait pu être bénéfique pour la vie palestinienne car la création de deux partis rend possible l'organisation d'un vrai échiquier politique. Mais les moyens utilisés pour parvenir aux fins voulues ainsi que les idéologies ne pouvaient cohabiter.

    En 1988, une grande réunion du comité exécutif de l'OLP à Alger reconnaît l'indépendance de la Palestine, elle-même reconnue par une vingtaine d'autres États, essentiellement africains ou américains du sud. De facto, le 2 avril 1989, Arafat est symboliquement élu président de l'Autorité palestinienne. 

    La matérialisation politique d'une autorité palestinienne et sa formalisation prennent peu à peu forme et ne peuvent plus être ignorées par l'État hébreu voisin.

    Les accords d'Oslo vont venir donner une lueur d'espoir aux populations palestiniennes.

     

    Les accords d'Oslo: reconnaissance éphémère d'une identité

    Le 10 septembre 1993, l'OLP menée par Arafat et Israël échangent des messages cordiaux de reconnaissance mutuelle. Trois jours plus tard, le 13 septembre de la même année, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, premier ministre israélien se rencontrent et signent une déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie qui instaurent "une autorité palestinienne intérimaire pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans, en vue d’un règlement fondé sur les résolutions 242 et 339 du Conseil de sécurité de l’ONU", le tout à Washington.

    Cette rencontre donnera lieu à la célèbre photo des deux adversaires et de leur poignée de main mais plus encore elle donnera lieu à un souffle d'espoir palestinien et à une ouverture d'esprit israélienne.

    Deux étapes sont prévues par le traité. Dans un premier temps, il s'agira d'effectuer un transfert progressif d'autorité à l'Organisation pour la Libération de la Palestine située à Gaza puis peu à peu sur une partie de la Cisjordanie pendant un temps de cinq années. Le tout devra conclure sur une autonomie de la Cisjordanie aux mains de l'OLP. Dans un second temps, les discussions portent sur les questions centrales traitant des réfugiés, de la sécurité, des implantations israéliennes et du statut tout particulier de Jérusalem. Ces problèmes avaient été ajournés d'un commun accord pour être traités dans les trois ans maximum à venir.

    L'objectif était la création et la reconnaissance israélienne d'un État palestinien après cinq ans de processus. Il s'agissait donc d'un accord à effets progressifs, à échelles spatiales et temporelles bien différentes et bien définies.

    Le 4 novembre 1995, Rabin est assassiné à Tel-Aviv par un jeune étudiant juif rigoriste qui parvient à casser tout le processus de réconciliation et d'ouverture. Sans surprise, on assiste à une escalade de la violence entre les deux voire trois partis en présence et à une reprise de la colonisation mettant à mal les échéances d'Oslo.

     

    Tentatives individuelles et tractations onusiennes

    La date de 1993 a scellé le statut de l'Autorité palestinienne, un statut bien fragile et pour tout dire, assez dérisoire par rapport à la "machine" israélienne.

    Le début du 21ème siècle a été l'occsion pour l'Autorité palestinienne, on ne peut plus divisée, de tenter des actions à un niveau international et notamment via l'ONU. En 2011, le mouvement montre la volonté d'utiliser les institutions internationales pour parvenir à une reconnaissance, si infine soit-elle.

    Pour Julien Salingue, "ce qui motive la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, c’est l’espoir d’être sur un pied d’égalité avec Israël, dans des négociations d’État à État sous le patronage américain".

    Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne demande une reconnaissance officielle de la Palestine dans sa forme géographique de 1967. Mais ce sont des problèmes de vote qui vont entraver le processus entamer par Abbas. Pour qu'une telle requête puisse être soumise au vote à l'ONU il faut l'approbation de neuf membres sur quinze au conseil de sécurité et l'absence de tout veto...et justement c'était bien sans compter le veto américain, fervant et indéfectible allié d'Israël.

    Pour contourner le processus de veto, le 29 novembre 2012, Abbas présente une nouvelle demande: Palestine doit avoir le statut d'État observateur à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Une telle demande ne requiert qu'un vote à la majorité simple et évite ainsi une quelconque rencontre diplomatique avec le dogme américain. Le nouveau statut est approuvé sans surprise par 138 États et confirme l'opposition américaine, cette fois-ci inefficace.

    Au même titre que le Vatican, l'Autorité palestinienne a donc trouvé là le statut d'observateur permanent ce qui ne lui permet pas de voter mais d'assister aux réunions.

    Si ces adhésions sont de forts messages envoyés à la communauté internationale, elles posent néanmoins une série de questions. Est-ce que la reconnaissance de la Palestine dans le giron de ces organisations internationales permet-elle de matérialiser l'existence d'un État palestinien souverain ? La réponse est assez simple à énoncer: il y a là une reconnaissance symbolique d'une structure étatique palestinienne reconnue par la communauté internationale et même par Israël certes, mais il est clair et limpide qu'actuellement les conditions matérielles et juridiques n'y sont pas encore pour pouvoir parler d'un État souverain.

    Les avancées sur la scène diplomatique sont assurées mais ne font en rien oublier la réalité du statut palestinien actuellement: il n'existe aucun État sans souverainneté politique et territoriale car un État c'est

    En effet, si la reconnaissance symbolique d’une structure étatique palestinienne est largement reconnue par la communauté internationale et même de facto par l’État hébreu, les conditions matérielles et juridiques pour parler d’un État ne sont pas réunies. En effet, au delà de ces succès diplomatiques dont la retombée médiatique a été forte, une réalité demeure : il n’existe aucun État sans souveraineté politique et territoriale. Un État c’est avant tout  "un appareil administratif centralisé contrôlant un territoire en disposant du monopole de la violence légitime et des moyens de le faire appliquer et sanctionner les règles qu’il édicte".

    En droit international public, trois critères sont essentiels pour caractériser un État : une population, un territoire et la souveraineté. La difficulté posée par le cas palestinien est le territoire. Il est difficile actuellement d'envisager un État sachant qu'il n'existe aucune continuité territoriale entre la partie contrôlée par le Hamas qui est la bande de Gaza et la partie aux mains du Fatah qui est la Cisjordanie. En d'autres termes, il n’y a pas de territoire palestinien à proprement dit mais plutôt des entités territoriales palestiniennes que le dispositif de séparation mis en place par Israël n’a cessé d’accroître depuis 2002. L'éclatement de l’espace palestinien a entraîné l’éclatement de la souveraineté palestinienne sur ses territoires

     

    A suivre...

     

    Questions d'Orient - Le 09 avril 2014


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