• Egypte: un jugement sans merci et un nouveau "De Gaulle" pour le pays

    Égypte:

    un jugement sans merci et un nouveau "De Gaulle" pour le pays

     

     

    Aujourd'hui s'ouvrait une nouvelle séance dans le procès de l'ex-raïs déchu Mohammed Morsi. Le président islamiste destitué à l'été 2013 par son général en chef des armées Abdel Fattah al-Sissi est jugé depuis plusieurs mois pour s'être évadé de prison lors des manifestations contre l'ancien président Hosni Moubarak en 2011. Morsi est apparu ce matin en tenue blanche derrière les barreaux d'une cage et a écouté la liste des 132 accusés avec lesquels il est jugé. On notera parmis cette liste la présence de Mohamed Badie, chef suprême des Frères Musulmans.

    Le président déchu encourt la peine capitale suite à son évasion en 2011 avec l'aide de l'organisation islamiste des Frères Musulmans qui l'a porté au pouvoir en 2012 mais aussi avec l'aide du Hezbollah, du Hamas et de cellules djihadistes moins connues. Au moment son évasion, plusieurs policiers avaient été abattus et des milliers de prisonniers en avaient profité pour s'enfuir. Durant ce procès, il n'est paru qu'une seule fois physiquement, c'était le 4 novembre dernier où il a pris la parole pour dénoncer "un procès politique" géré par le pouvoir "illégitime" d'auteurs d'un "coup d'État".

    Morsi a été arrêté le jour même de sa destitution par Sissi. Alors qu'un mouvement anti-frériste s'est développé en Égypte, Sissi, fin stratège tire les ficelles d'un complexe jeu politique dans une Égypte en crise économique. Le procès est réouvert alors même que le général vient d'être promu maréchal et qu'il porté par une ferveur générale conduite par l'armée à se proposer à présidence de la république. Il a annoncé des élections dans les trois mois à venir sans néanmoins préciser clairement s'il serait candidat ou non. Alors que le maréchal semble faire une purge générale contre les Frères Musulmans, déclarée organisation terroriste, Amnesty International parle de quelques 1400 morts depuis le début du pouvoir de transition il y a sept mois, le 3 juillet 2013. Selon des sources égyptiennes, les 1400 morts seraient pour la plupart des militants islamistes soutenant Morsi.

    Si la population semble acquise à la cause de Sissi, cela ne fait pas l'affaire de tous et les mécontents n'hésitent à faire couler le sang. Depuis quelques semaines, on note une multiplication des attentats contre les forces de l'ordre pour la plupart revendiqués par Ansar Beït al-Maqdess. Ce groupe djihadiste se revendiquant proche d'al-Qaïda cible la police égyptienne en représailles de la répression menée contre les Frères Musulmans. Mardi, peu avant l'ouverture du procès de Morsi et dans un contexte de psychose, le général de police conseiller de Mohamed Ibrahim, ministre de l'intérieur, et chef du bureau technique du ministre a été abattu par des inconnus à scooter en pleine rue du Caire. Le ministre du l'intérieur avait failli trouver la mort le 5 septembre lors d'une attaque d'al-Maqdess.

    Ces insurgés sont basés dans le Sinaï d'où ils abreuvent le territoire israélien de roquettes ou descendent un hélicoptère égyptien comme ils semblent avoir réussi à faire samedi, tuant cinq soldats. Vendredi et samedi derniers, cinq voitures piégées ont secoué la capitale égyptienne, toutes visant des postes de police. Dans la nuit de lundi à mardi, un gazoduc alimentant la Jordanie a été dynamité.

    Cela ne semble pas perturber le maréchal Sissi dans son jeu politique qui continue à faire régner le mystère autour de sa personne et de sa possible candidature à l'élection présidentielle. Néanmoins, sa popularité est acquise à tel point dans la population que sa présence aux élections ne fait plus grand doute. C'est ce qu'on pourrait appeler un militaire populaire; oui l'expression nous semble paradoxal à nous, français qui passont notre temps à cracher sur la police et l'armée, mais la population apprécie son coté charismatique, énigmatique et semble acquise à cette mise en scène autour de sa personne. Des portraits sont accrochés aux terrasses, des pétitions circulent...tout va bien pour notre général et sa légitimité n'a jamais été aussi évidente.

    Une nouvelle constitution a été rédigée et approuvée mi-janvier à 98.1% et a renforcé l'image de héros que l'on attribue dorénavant à Abdel Fattah al-Sissi. Son premier ministre, Hazem Belbawi a déclaré aujourd'hui à Davos que l'esprit du printemps arabe ne s'était pas essouflé en Égypte et qu'aux vues de la mobilisation patriotique et populaire autour de Sissi, il était le nouveau De Gaulle de l'Égypte de 2014. 

    Reste à savoir si De Gaulle avait accepté que l'on fasse des chocolats à son effigie...

     

    Questions d'Orient - Le 28 janvier 2014


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