• État Palestinien: la construction ; d\'un fait historique à la résistance armée (1/4)

    État Palestinien:

    la construction ; d'un fait historique à la résistance armée

     

    Nationalisme arabe, tractations onusiennes et tentatives (1/4)

     

    Le 31 octobre 2011, à la Conférence générale de l'UNESCO (Organisation des nations unies pour l'éducatio, la science et la culture) on débat de l'intégration possible de l'Autorité palestinienne au sein de l'organisme international. Son admission est votée et cet État qui n'en est pas un est admis comme État à part entière.

    Le 29 novembre 2012, près d'un an après, l'Autorité palestinienne est reconnue comme État observateur non membre de l'ONU.

    Ces deux admissions au sein d'organismes internationaux majeurs de décisions politiques et diplomatiques sont des réussites sans égales pour l'histoire de l'Autorité palestinienne et des tournants dans les modes de représentation du mouvement de résistance par la communauté internationale.

    Dans cette série d'article et tout particulièrement aujourd'hui, nous aurons à coeur de montrer qu'il s'agit là d'un long processus, d'une construction éprouvante et fruit d'un certain nombre de tractations, réussites ou défaites.

     

    Au départ, il y avait le nationalisme arabe...

    Le nationalisme c'est un mouvement politique d'individus qui prennent conscience de former une communauté nationale en raison des liens (langue, culture) qui les unissent et qui peuvent vouloir se doter d'un État souverain (définition du dictionnaire en ligne Larousse).

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire lorsque l'on regarde aujourd'hui la prégnance de l'autorité d'Israël dans les relations internationales comparée à la prégnance de l'Autorité palestinienne, le nationalisme arabe et plus particulièrement palestinien est né avant la création de l'État hébreu. Le 14 mai 1948, l'État d'Israël était officiellement créé.

    Mais avant cette histoire, il y a l'histoire de la domination britannique et française sur les terres trois fois sacrées du Moyen-Orient. Passée sous mandat britannique après la dislocation de l'empire ottoman, les frontières de ce mandat ne sont pas du tout clairement identifiées. Cela résulte aussi de la confusion due à la chute des Ottomans dont le territoire comprennait la Palestine englobée dans la Grande Syrie avec la Syrie, le Liban, Israël et la Jordanie.

    Le 16 mai 1916, les accords de Sykes-Picot procèdent à un nouveau découpage territorial sur les terres anciennement ottomanes. La Syrie et la Mésopotamie font l'objet d'une parcellisation, parfois à leur dépend. Cinq zones sont créées:

    -> une zone bleue (Syrie littorale et Cilicie). C'est une zone où les Français peuvent mettre en place un régime d'administration locale directe ou une forme de protectorat.

    -> une zone rouge (Basse Mésopotamie). C'est une zone sous contrôle britannique.

    -> une zone brune (Palestine). C'est une zone qui passe sous l'égide de la France et de son allié britannique.

    -> une zone A (Syrie intérieure). C'est une zone d'influence française sur le royaume arabe de Hussein.

    -> une zone B (Mésopotamie moyenne). C'est une zone d'influence britannique sur le monde arabe.

    Mais c'est un nouveau découpage qui ne affaiblir en rien les sentiments d'appartenance de la province palestine à la Syrie arabe. Dans la déclaration de Balfow, adoptée au Parlement de Grande-Bretagne le 2 novembre 1917, le texte prévoit officiellement de créer un foyer national destiné aux populations juives sur les terres de la province palestine alors sous l'égide des deux puissances occidentales.

    Cette déclaration et, encore plus sa mise en pratique vont susciter un tout nouveau sentiment chez les populations présentes alors: ces populations vont se sentir attachées à la nation, certes encore inexistante politiquement parlant mais qui est déjà symboliquement et affectivement largement présente dans les esprits.

    Il faut préciser qu'il ne s'agit encore pas d'une réaction nationaliste mais simplement d'un patriotisme palestinien en pleine construction; et qui ne va guère s'estomper, exacerbé qu'il est immédiatement par les expropriations progressives des terres par la nouvelle immigration juives qui agit pourtant en toute légalité dans le cadre d'un accord international.

    Il s'agit donc d'une réaction populaire patriotique qui se construit "simultanément contre le projet britannique et contre le projet sioniste" selon Camille Mansour.

    Et alors, le nationalisme arabe ? Qu'en est-il ? Ce patriotisme n'est pas en marge du nationalisme arabe et notamment du projet défendu par un des fils de Hussein, le roi Fayçal de Syrie au pouvoir depuis mars 1920: l'idée du rétablissement d'une Grande Syrie. Toute les particularités émergentes dans le processus de conscience et de construction étatique palestinien sont largement et étroitement liées aux revendications arabes de Fayçal qui voit en la Palestine, un prolongement de son royaume arabe de la Grande Syrie.

    Ce mouvement réactionnaire encore assez timide car en manque d'un leader va justement être conduit de plus en plus par une élite palestinienne pleinement incarnée en la personne de Mohammed Amir al Husseini, nommé grand mufti de Jérusalem en 1921. Je pense que nous pouvons voir ici comme un tournant dans la réaction patriotique palestinienne qui a su se doter d'un leader rassembleur.

    Rassembleur, oui et preuve en est: de grands mouvements de grêve des Arabes sont organisés en 1936 demandés et organisés par le mufti de la ville trois fois sainte.

    La révolte contre l'établissement de la tutelle britannique et du sionisme prend une vraie dimension et s'étend. Husseini devient ainsi le premier et principal leader politique du mouvement national palestinien. Son objectif est clairement défini: il revendique la création d'un État arabe indépendant. En 1936, le mouvement s'organise et se formalise rationnellement à travers la création d'un haut comité arabe qui a pour objectif de représenter les intérêts arabes de Palestine. Le grand mufti est à nouveau à la tête d'une vraie organisation manquant simplement d'une reconnaissance concrète.

    Une reconnaissance qui va venir progressivement soutenir l'effort palestinien puisqu'un certain nombre d'États arabes voisins reconnaissent l'efficacité et la légitimité de cette organisation. La question palestinienne devient préoccupante pour la Grande-Bretagne.

    Face à l'instabilité grandissante dans la région et à une situation débordant progressivement la nation britannique, cette dernière a voulu prendre le problème à la racine. Il fallait éliminer politiquement le leader du mouvement pour décrédibiliser le mouvement tout entier. L'agitateur est le mufti. En 1937, le mouvement est déclaré illégal et donc le grand mufti est logiquement retiré de ses fonctions et contraint à l'exil.

    C'est alors un coup dur pour le mouvement très largement affaibli par ce départ. L'élite palestinienne manque d'un leader agissant en interne et capable, comme Husseini, de s'exprimer au nom des Palestiniens.

    Il faut dire que la Grande-Bretagne avait vu juste et cette action ouvrait le champ à une grande période de vide pour le mouvement nationaliste. Vu juste, mais pas assez pour asphyxier le mouvement, si bien qu'en 1960, les actions reprennent avec, en 1959, la création en terres koweïtiennes du Fatah (Mouvement de Libération Nationale) par Yasser Arafat. Le mouvement prend pour objectifs la libération et l'indépendance de la Palestine mais aussi la lutte contre le frais État sioniste.

    Le 28 mai 1964, les membres du groupe de résistance consolident leur position par la création de l'OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) qui incite alors aux actes de résistance armés depuis les pays voisins (Jordanie, Liban, Koweït). Quatre ans plus tard, lors d'un rassemblement des acteurs de l'OLP et donc du Fatah devenu figure de proue de la résistance antisioniste est créée puis votée la charte de l'OLP qui devient Charte nationale de Palestine.

    Mais c'est à ce moment aussi que le mouvement va connaître une grave division; grave car aujourd'hui encore elle rendrait impossible l'établissement prospère d'un État palestinien si Israël le concédait. Tous les membres présents en 1968, ne reconnaissent pas la Charte et à la veille de la première Intifada, de 1988 à 1993, en décembre 1987 la mouvance frériste (Frères Musulmans) prennent le parallèle du mouvement du Fatah pour créer le Mouvement de la Résistance Islamique c'est-à-dire le Hamas. Son but est donc de lutter contre Israël sûrement, mais aussi de nuir dans les choix politiques au Fatah et à l'OLP.

    Cela aurait pu être bénéfique pour la vie palestinienne car la création de deux partis rend possible l'organisation d'un vrai échiquier politique. Mais les moyens utilisés pour parvenir aux fins voulues ainsi que les idéologies ne pouvaient cohabiter.

    En 1988, une grande réunion du comité exécutif de l'OLP à Alger reconnaît l'indépendance de la Palestine, elle-même reconnue par une vingtaine d'autres États, essentiellement africains ou américains du sud. De facto, le 2 avril 1989, Arafat est symboliquement élu président de l'Autorité palestinienne. 

    La matérialisation politique d'une autorité palestinienne et sa formalisation prennent peu à peu forme et ne peuvent plus être ignorées par l'État hébreu voisin.

    Les accords d'Oslo vont venir donner une lueur d'espoir aux populations palestiniennes.

     

    Les accords d'Oslo: reconnaissance éphémère d'une identité

    Le 10 septembre 1993, l'OLP menée par Arafat et Israël échangent des messages cordiaux de reconnaissance mutuelle. Trois jours plus tard, le 13 septembre de la même année, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, premier ministre israélien se rencontrent et signent une déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie qui instaurent "une autorité palestinienne intérimaire pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans, en vue d’un règlement fondé sur les résolutions 242 et 339 du Conseil de sécurité de l’ONU", le tout à Washington.

    Cette rencontre donnera lieu à la célèbre photo des deux adversaires et de leur poignée de main mais plus encore elle donnera lieu à un souffle d'espoir palestinien et à une ouverture d'esprit israélienne.

    Deux étapes sont prévues par le traité. Dans un premier temps, il s'agira d'effectuer un transfert progressif d'autorité à l'Organisation pour la Libération de la Palestine située à Gaza puis peu à peu sur une partie de la Cisjordanie pendant un temps de cinq années. Le tout devra conclure sur une autonomie de la Cisjordanie aux mains de l'OLP. Dans un second temps, les discussions portent sur les questions centrales traitant des réfugiés, de la sécurité, des implantations israéliennes et du statut tout particulier de Jérusalem. Ces problèmes avaient été ajournés d'un commun accord pour être traités dans les trois ans maximum à venir.

    L'objectif était la création et la reconnaissance israélienne d'un État palestinien après cinq ans de processus. Il s'agissait donc d'un accord à effets progressifs, à échelles spatiales et temporelles bien différentes et bien définies.

    Le 4 novembre 1995, Rabin est assassiné à Tel-Aviv par un jeune étudiant juif rigoriste qui parvient à casser tout le processus de réconciliation et d'ouverture. Sans surprise, on assiste à une escalade de la violence entre les deux voire trois partis en présence et à une reprise de la colonisation mettant à mal les échéances d'Oslo.

     

    Tentatives individuelles et tractations onusiennes

    La date de 1993 a scellé le statut de l'Autorité palestinienne, un statut bien fragile et pour tout dire, assez dérisoire par rapport à la "machine" israélienne.

    Le début du 21ème siècle a été l'occsion pour l'Autorité palestinienne, on ne peut plus divisée, de tenter des actions à un niveau international et notamment via l'ONU. En 2011, le mouvement montre la volonté d'utiliser les institutions internationales pour parvenir à une reconnaissance, si infine soit-elle.

    Pour Julien Salingue, "ce qui motive la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, c’est l’espoir d’être sur un pied d’égalité avec Israël, dans des négociations d’État à État sous le patronage américain".

    Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne demande une reconnaissance officielle de la Palestine dans sa forme géographique de 1967. Mais ce sont des problèmes de vote qui vont entraver le processus entamer par Abbas. Pour qu'une telle requête puisse être soumise au vote à l'ONU il faut l'approbation de neuf membres sur quinze au conseil de sécurité et l'absence de tout veto...et justement c'était bien sans compter le veto américain, fervant et indéfectible allié d'Israël.

    Pour contourner le processus de veto, le 29 novembre 2012, Abbas présente une nouvelle demande: Palestine doit avoir le statut d'État observateur à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Une telle demande ne requiert qu'un vote à la majorité simple et évite ainsi une quelconque rencontre diplomatique avec le dogme américain. Le nouveau statut est approuvé sans surprise par 138 États et confirme l'opposition américaine, cette fois-ci inefficace.

    Au même titre que le Vatican, l'Autorité palestinienne a donc trouvé là le statut d'observateur permanent ce qui ne lui permet pas de voter mais d'assister aux réunions.

    Si ces adhésions sont de forts messages envoyés à la communauté internationale, elles posent néanmoins une série de questions. Est-ce que la reconnaissance de la Palestine dans le giron de ces organisations internationales permet-elle de matérialiser l'existence d'un État palestinien souverain ? La réponse est assez simple à énoncer: il y a là une reconnaissance symbolique d'une structure étatique palestinienne reconnue par la communauté internationale et même par Israël certes, mais il est clair et limpide qu'actuellement les conditions matérielles et juridiques n'y sont pas encore pour pouvoir parler d'un État souverain.

    Les avancées sur la scène diplomatique sont assurées mais ne font en rien oublier la réalité du statut palestinien actuellement: il n'existe aucun État sans souverainneté politique et territoriale car un État c'est

    En effet, si la reconnaissance symbolique d’une structure étatique palestinienne est largement reconnue par la communauté internationale et même de facto par l’État hébreu, les conditions matérielles et juridiques pour parler d’un État ne sont pas réunies. En effet, au delà de ces succès diplomatiques dont la retombée médiatique a été forte, une réalité demeure : il n’existe aucun État sans souveraineté politique et territoriale. Un État c’est avant tout  "un appareil administratif centralisé contrôlant un territoire en disposant du monopole de la violence légitime et des moyens de le faire appliquer et sanctionner les règles qu’il édicte".

    En droit international public, trois critères sont essentiels pour caractériser un État : une population, un territoire et la souveraineté. La difficulté posée par le cas palestinien est le territoire. Il est difficile actuellement d'envisager un État sachant qu'il n'existe aucune continuité territoriale entre la partie contrôlée par le Hamas qui est la bande de Gaza et la partie aux mains du Fatah qui est la Cisjordanie. En d'autres termes, il n’y a pas de territoire palestinien à proprement dit mais plutôt des entités territoriales palestiniennes que le dispositif de séparation mis en place par Israël n’a cessé d’accroître depuis 2002. L'éclatement de l’espace palestinien a entraîné l’éclatement de la souveraineté palestinienne sur ses territoires

     

    A suivre...

     

    Questions d'Orient - Le 09 avril 2014


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