• Syrie: et les élections ?

    Syrie:

    et les élections?

     

    Ravagée, vidée de sa population, tiraillée entre forces loyalistes du président Assad, forces armées de l'ASL et groupes djihadistes, la Syrie ou du moins M. Assad espère pouvoir répondre présent aux élections qui devraient avoir lieu en juillet de cette année.

    En trois ans de conflit, la guerre a tué 140 000 personnes, des quartiers entiers ont été anéantis par les combats, et des millions d'habitants se sont exilés dans les pays voisins. Mais le président Assad ne semble guère dérangé par les affrontements. Aucune déclaration officielle n'a été faite de la part du gouvernement de Damas et pourtant c'est incontestable, le chef de l'État prépare tranquillement et discrètement sa réélection.

    Dans les secteurs loyalistes de la capitale syrienne, les préparatifs sautent aux yeux: les commerçants sont obligés de repeindre leurs vitrines aux couleurs du pays (drapeau gouvernemental). En incitant et forçant les populations à aborer les couleurs, le président compte trouver un facteur de rassemblement, d'union nationale pour s'assurer une base solide pour de futures éventuelles réélections.

    Dans tous les cas, les commerçants n'ont pas réellement le choix puisqu'en cas de refus ils écopent d'une amende de 5000 livres syriennes ce qui équivaut à 30 dollars, une somme conséquente dans un pays dans une situation économique critique. Si l'amende n'est pas suffisante pour imposer le drapeau sur les devantures, les habitants risquent une peine de prison.

    Néanmoins, étant donné le contexte actuel du pays, l'annonce d'un nouveau scrutin présidentiel prête à sourire ou du moins paraît absurde. Si les deux camps ce font face lors de rassemblements dans leurs secteurs respectifs, du côté loyaliste le message est clair: les habitants veulent (ou doivent vouloir) la réélection du président Assad dans l'année de ses 48 ans. De nombreux rallyes, démonstrations de force et meetings politiques sont organisés dans les zones où l'armée loyaliste assure le contrôle de la société civile. Du coté de l'opposition le problème à venir est de trouver un représentant qui puisse se montrer suffisement influent pour convaincre les multiples camps et foyers rebelles et notamment les combattants djihadistes.

    A titre d'exemple, la semaine dernière un rassemblement loyaliste en hommage aux victimes du conflit s'est rapidement transformé en meeting politique où orteurs influents dans la société se sont succédés à la tribune pour réitérer une demande similaire: le président a dit : "S'il y a une demande populaire, je me présenterai. Je n'abandonnerai pas mon devoir national." Je vous demande donc de profiter de ce vaste rassemblement (...) pour demander au président Bachar el-Assad de se nommer pour un nouveau mandat", a lancé l'imam chiite sayyed Fabi Burhan sous les applaudissements d'une foule partisane. Des scènes comme cela se sont aussi beaucoup répétées aux abords des lieux gouvernementaux ou des casernes où les familles des militaires se mobilisent facilement.

    Il a aussi été courant de voir des écoliers acheminés par cars entiers pour venir grossir les rangs des manifestations. "Même si ça peut être dangereux, ils les emmènent en car pour participer à des marches à la fin de leur journée d'école sans nous informer", déclare la mère d'un garçon de 11 ans, ajoutant : "S'ils nous informaient, la plupart des parents n'enverraient pas leurs enfants à l'école ce jour-là".

    Pour faire face aux rassemblements dont les photos alimentent la toile et les réseaux sociaux, une campagne a aussi été lancée la semaine passée pour demander l'élection d'une personnalité de l'opposition qui serait en capacité d'être le représentant de ces insurgés fragmentés. Il s'agit de Moaz al-Khatib, ancien président du CNS (Coalition nationale syrienne) qui a réussi a obtenir le soutien de dizaines de milliers de personnes dans les quartiers assiégés et sous contrôle de l'ASL. L'ancien imam de la mosquée des Omeyyades de Damas, actuellement en exil au Qatar a salué cette campagne et mobilisation qui profite à l'image de l'opposition très critiquée pour son morcellement. Néanmoins il s'est opposé à la tenue des élections normalement prévues pour juillet: "Nous ne donnerons aucune légitimité à des élections organisées par le régime".

    Ce serait grâce à des amendements à la Constitution du pays adoptés il y a deux ans que le candidat de l'opposition pourrait théoriquement se présenter face à M. Assad si jamais il parvenait à récolter le soutien de 35 membres du Parlement loyaliste...cela paraît en effet très improbable. C'est néanmoins le premier changement dans le mode d'organisation de l'élection présidentielle depuis quatre décennies. Avant ces amendements, la population syrienne n'avait d'autre choix de voter pour ou contrer la nomination de Hafez puis Bachar al-Assad.

    Pour l'actuel président du CNS, Ahmad Jarab, organiser des élections dans les conditions actuelles relève de la plaisanterie. Non seulement car 2,4 millions de syriens ne sont plus dans le pays mais en exil dans les pays voisins mais surtout que le pays est morcelé. Le nord (Alep) échappe largement au contrôle du gouvernement tout comme le sud (Deir Ez-Zor ou Raqqâ) aux mains de groupes djihadistes. Difficile donc d'imaginer des bulletins de votes circulant à l'échelle nationale.

    Même dans les rues de la capitale, les habitants sont largement sceptiques quant à la tenue de l'élection présidentielle. "J'ai entendu dire que les élections allaient être repoussées d'un an ou deux en raison de la situation", confie Samir, un homme d'âge mûr, lors d'un déjeuner avec sa belle-famille au quotidien libanais L'Orient Le Jour.

     

    Questions d'Orient - Le 08 mars


    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :