• Syrie: la guerre si bénéfique du Hezbollah

    Syrie:

    la guerre si bénéfique du Hezbollah

     

    Pourquoi une intervention si ferme et si affirmée en Syrie de la part du mouvement de Dieu, avant tout créé dans l'optique de résistance à Israël ?

    En Syrie, les enjeux sont tout autre et dépassent même la division communautaire chiites - sunnites même si cette dimension n'est pas à écartée.

    Le mouvement a fait ses premières armes dans le sud Liban contre Israël. Actuellement, il parachève sa "formation" et sa capacité tout-terrain qu'on lui connait bien contre les rebelles syriens opposés au président Assad. Et ce n'est pas tout. Avant d'être un engagement militaire, c'est aussi une expérience très précieuse que le mouvement acquiert là en terme de lutte anti-guérilla.

    D'ailleurs, on observe très nettement un changement notable dans le vocable général et le comportement du parti depuis 18 mois. D'une victimisation et d'un statut de "gibier des armes lourdes sionistes" on est passé à un parti, "chasseur de takfiri" désignant, dans la terminologie chiite, les extrémistes sunnites radicaux qui luttent contre Assad et contre autre forme de pouvoir différent du califat.

    "Une nouvelle génération de combattants du Hezbollah apparaît en Syrie. Ils sont devenus très bons dans la tactique de petites unités capables de s'adapter sur le terrain face à des ennemis en chair et en os", explique Andrew Exum qui est un ancien responsable au ministère américain de la Défense.

    Il s'agit certes d'une force organisée mais aussi d'une force physique qui pèse avec ses 5000 combattants en Syrie. On ne comptabilise pas les milliers d'autres sont en cours de formation dans les territoires chiites libanais attendant le déploiement en terres syriennes. Certains responsables du parti auraient fait état d'une telle vague de demande d'engagement qu'il ne leur était même plus nécessaire de mener des campagnes de recrutement pour grossir leurs rangs.

    Nous avons connaissance actuellement des processus de recrutement. Le "Hezb" prend contact avec la personne et effectue une enquête sur sa personne et notamment sur ses connaissances religieuses. La personne recrutée se rend alors en formation en Liban, pays d'implantation du Hezbollah et les premiers contacts auraient lieu en région de Baalbeck ou dans certains villages isolés chiites du sud. La formation dure entre 40 jours et un mois selon des combattants. Quelqu'uns de ces "formés" seraient ensuite envoyés en Iran, haut de lieu du chiisme et faille dans l'arc sunnite du Moyen-Orient, pour se spécialiser dans les fonctions de commandement et d'utilisation d'armes lourdes.

    Le journal franco-libanais l'Orient-Le Jour confie quelques témoignages de combattants dont celui d'Abou Ali: "En 2006, l'ennemi était clairement identifié : c'était Israël. Mais en Syrie, ils sont multiples (les djihadistes) de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou ceux du Front al-Nosra, de l'Armée syrienne libre (ASL)".
    Le combattant quadragénaire explique que "Ici, nous connaissons parfaitement notre terre, mais en Syrie, le terrain ne nous est pas familier et en plus il est vaste et divers : il y a du désert, de la montagne et des vallées", mettant en exergue les mutations territoriales, organisationnelles et guerrières auxquelles les combattants ont du faire face.
    Jeffrey White, ancien responsable du renseignement militaire américain, pense
    quant à lui que le conflit en Syrie permet au Hezbollah "d'acquérir une bonne connaissance de la guerre irrégulière et une expérience du combat" ce qui semble incontestable tant le mouvement semble présent sur tous les théâtres importants depuis la dérive sécuritaire que le conflit a engendré au Liban et depuis que ses centres névralgiques au pays du Cèdre aient été frappés par des bombes en provenance des zones frontalières du Qalamoun.
    "Le Hezbollah mène des opérations offensives. Cette guerre (...) nécessite des unités plus importantes, des combats de longue durée et des manœuvres complexes",déclare le spécialiste dans un rapport du Centre de lutte contre le terrorisme.

    Mais le Hezbollah ne se contente pas simplement d'oeuvrer aux côtés de l'armée arabe syrienne dans ses assauts contre les points insurgés. Le Hezbollah est aussi un acteur actif de l'encadrement des unités de milice et de l'armée qui ne dispose pas toujours d'une expérience suffisante dans le maniement d'armes lourdes ou légères en milieu urbain et face à une guérilla. 

    "Ils n'ont pas d'expérience de la guerre urbaine ni comment agir avec la guérilla, alors c'est nous qui dirigeons la bataille, et nous les avons entraînés sur la manière de se comporter dans ce type de bataille et comment utiliser certains types d'armes", ajoute Abou Hussein, un autre combattant du Hezbollah à l'Orient-Le Jour.
    Cette expérience sur un vrai champ de bataille est précieuse pour le groupe. Désormais, le parti de Dieu possède "des cadres qui ont acquis la pratique de conduire des opérations offensives en milieu urbain" pour l'institut d'étude de la guerre à Washington.

    Néanmoins cette adaption n'est pas sans dommages collatéraux pour le Hezbollah: la guerre en Syrie c'est 300 morts et une rhétorique entière à changer alors qu'elle était centrée sur Israël.

    Le chef du mouvement chiite récemment interrogé concernant l'intervention en Syrie a estimé qu'elle était nécessaire et légitime pour un parti du Liban pour empêcher l'intrusion d'extrémistes religieux sunnites de pénétrer dans le pays du cèdre. Il a aussi tenter (à chacun de juger la cohérence et la réussite d'un tel rapprochement) tenter de lier ses ennemis dans un complot "americano-israélo-takfiri"... Pas mal !

    Enfin, pour conclure sur cette ingérence du Hezbollah en Syrie, il faut noter que beaucoup de combattants y sont pour défendre les lieux saints de l'islam chiite qui ont pu déjà être la cible de destructions de la part de groupes extrémistes (EIIL, JaN).

    "Le conflit est présenté comme un "djihad" défensif pour protéger les lieux religieux et avec en arrière-plan la crainte pour leur confession dans la région", selon Philip Smyth, chercheur sur le mouvement islamiste à l'université du Maryland.

    On retrouve là, indubitablement l'aspect communautaire, confessionnel qui prend le pas puisque l'ingérence du Hezbollah en Syrie est un facteur de déstabilisation des populations sunnites du Liban qui condamne cette intervention tandis que peu de chiites semblent être dérangés par cette intervention.

     

    Questions d'Orient - Le 17 avril 2014


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