• Syrie:

    Amnistie générale ?

     

    Coup de com comme on dit dans le milieu, intox ou juste mesure de contre-poids ? Au plein milieu d'une guerre qui ravage littéralement le pays, le président syrien Bachar al-Assad, tout juste réélu à la tête des territoires contrôlés par le régime, a décrété une "amnistie générale" pour tous les "crimes" commis jusqu'à ce lundi (hier). Cette déclaration intervient une semaine après sa réélection controversée et non-reconnue par la plupart des pays européens et occidentaux car organisée en pleine guerre, a annoncé la télévision d'État. L'élection présidentielle du 3 juin a été organisée par le régime dans les territoires sous son contrôle ce qui a été décriée comme une "parodie de  démocratie" par l'opposition et les pays occidentaux. M. Assad a été réélu pour un 3e mandat de 7 ans.

    Concernant cette mesure, il s'agirait de la plus large amnistie annoncée depuis le début du conflit le 15 mars 2011, déclenché par un mouvement de contestation pacifique qui, après avoir été réprimé dans le sang, a dégénéré en rébellion contre le régime Assad.

    Si cette amnistie est mise en application intégralement et suivant les mesures annoncées, des dizaines de milliers de détenus devraient être libérés. Car l'amnistie concerne pour la première fois, des crimes figurant dans la loi sur le "terrorisme" de juillet 2012, qui comprend à la fois les rebelles et les militants anti-régime. Il est à noté que les amnisties précédentes avaient exclu les "terroristes" et les "criminels en fuite".

    Selon un juriste et militant des droits de l'Homme présent à Damas, cette amnistie devrait concerner les personnes à la fois jugées et celles bien plus nombreuses qui croupissent sans jugement dans les prisons et les centres de détention des renseignement du régime.

    C'est aussi la première fois que le régime offre une amnistie aux combattants étrangers qui se rendent d'ici trois mois.

    Lors des amnisties précédentes, les organisations de défense des droits de l'Homme avaient affirmé que les décrets n'avaient pas été appliqués dans leur intégralité et que beaucoup de détenus n'avaient pas retrouvé la liberté. Citant le ministre de la Justice, la télévision d'État a indiqué que cette initiative intervenait "dans le cadre de la réconciliation et de la cohésion (...) après les victoires de l'armée" sur le terrain, face aux rebelles.

    Il s'agit de la cinquième amnistie générale depuis le début du conflit en Syrie. M. Assad avait décrété des amnisties le 31 mai et le 21 juin 2011 ainsi que le 15 janvier 2012 et le 16 avril 2013. Le régime syrien qui n'a jamais reconnu l'ampleur de la contestation depuis mars 2011, accuse les rebelles d'être des "terroristes à la solde de l'étranger" qui cherchent à semer le chaos dans le pays.

    Des groupes islamistes et djihadistes dont la majorité des membres sont venus de l'étranger, se sont ensuite infiltrés dans le pays pour aider la rébellion syrienne à tenter de faire tomber le régime selon certain, pour créer un État Islamiste dans les territoires désormais sous leur contrôle notamment entre l'Irak et l'est syrien.

     

    Question d'Orient - Le 10 juin 2014


    votre commentaire
  • L'Arabie avant le Prophète Muhammad

    Cadre naturel, peuplement, économie et culture (2/2)

     

    Pour commencer à envisager l'aspect du territoire qui va servir de berceau à l'islam, il faut avant tout prendre consience du rôle des nomades bédouins qui a été décisif avant l'arrivée de l'islam et à ses débuts car les pratiques de ces groupes ont beaucoup orienté les pratiques de l'Islam. Nous évoquerons ultérieurement le rôle majeur de ces populations dans l'expansion musulmane.

    Cependant l'Arabie profonde post-Islam est assez mal connue.

    -> Le cadre naturel

    Il s'agit d'un milieu très homogène avant tout dominé par des déserts et représentant une superficie de près de 3 000 000 de km², 2500 kilomètres dans sa dimension nord-sud et 1500 dans sa dimension est-ouest.

    Pour les populations arabes, l'Arabie est avant tout une île (Djazîrat al-Arab) ce qui est important pour saisir les représentations premières et les acceptions du lieu par les premiers grands personnages de l'islam: il y a assez souvent une impression d'isolement, d'enfermement et de marginalité.

    Trois chaînes de montagnes qui renforcent cette sensation d'isolement: à l'ouest le Hidjâz, à l'est les monts d'Oman et au sud les monts du Yémen. C'est entre ces chaînes de montagnes que se développent des déserts et de vastes étendues sablonneuses; par exemple le désert de Nafûd qui représente à lui seul 70 000 km².

    Il s'agit d'une des régions les plus chaudes et arides du monde: le désert ne reçoit aucune précipitation entre mai et octobre. Outre les quelques oasis où se trouvent dattiers et palmiers et qui font l'objet de multiples convoitises, il n'y a pas d'autre végétation. Néanmoins, le sud échappe à cette sécheresse et subit les effets de la mousson venue de l'océan Indien ce qui permet une plus grande variété de cultures sous forme de terrasses notamment.

    -> Les hommes et leurs activités

    La vie économique, sociale et culturelle de ces régions est alors organisée et orientée par les contraintes exposées.

    Deux groupes semblent revendiqués par une différenciation surtout dans la représentation des peuples: les Arabes du sud et ceux du nord confortant cette citation de Robert Mantran dans L'expansion musulmane :"La théorie arabe veut que les Arabes forment une race, et non pas une communauté de peuples parlant la même langue"

    Nomades du nord et du centre ne forment pas d'État mais sont connus depuis l'Antiquité sous le nom de Sarrasins et semblent organisés en tribus divisées en clans. Le clan estdirigé par un shaykh assisté d'un conseil formé par l'ensemble des chefs de famille (shuyûkh).

    Les Bédouins se conforment à un idéal moral (murûwwa ou virilité) associant courage, dignité, endurance et hospitalité. L'hospitalité est une des règles les plus sacrées de l'honneur surêment à cause de la fragilité et de l'instabilité de la vie nomade. Le porte-parole du groupe estle poète qui est craint et admiré. Nous pouvons citer entre autre Zuhaîr ou Labîd.

    La plus grande partie des activités économiques sont consacrées à l'élevage et surtout à l'élevage du chameau qui est un animal résistant et rapide pouvant porter de lourdes charges. Les autres animaux élevés sont les caprins, les ovins, les ânes, les mulets, et sûrement aussi des chevaux. Néanmoins, cette pratique nécessite en tout temps le contrôle des points d'eau, contrôle qui devenait une activité majeure et impérative accentuant l'aspect instable et brutal de la vie.

    Au sud se développe les cultures en terrasses qui permettent de récolter de la vigne. On y trouve diverses espèces de fruits, de légumes et d'épices / parfums qui sont transportés vers le nord. L'accès de cette zone à l'eau en fait une zone plus développée, mieux connue et, semble-t-il, plus agréable à vivre; c'est ce que les historiens vont appeler la Felix Arabia, l'Arabie heureuse.

    Auteurs arabes utilisent souvent le terme Djâhiliyya signifiant sauvagerie pour désiger l'état d'ignorance dans lequel se trouvent les populations arabes avant l'Islam. Malgré tout, cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une myriade de peuples sans religion.

    Le religieux tenait une place importante dans les sociétés. Le sud était marqué par des polythéismes. IIl y a existance d'un clergé qui est alors consituté de prêtres devant administrer les dons aux Dieux. Le nord semble plus marqué par des religions primitives consacrant une place important au surnaturel et à la magie. On pratique la divination par le vol des oiseaux. Dans le Hidjâz, on vénère trois déesses : Allât (déesse du ciel), al-Uzzâ (déesse de la puissance), Manât (déesse du sort). A la Mecque, on adore Allâh, le créateur de l'univers et Hubal. Les lieux de résidence des divinités sont les harâm, espaces inviolables.

    -> Les échanges, les villes et la Ka'ba

    L'Arabie occupe une place privilégiée du commerce avec une position carrefour. On pratique les échanges par voies terrestres (caravanes) et parfois par voies maritimes sous forme de cabotage mais la maîtrise de la mer va être très tardive pour les populations arabes.

    L'Éthiopie et l'Abyssinie font arriver des esclaves, de l'or, de l'ivoire et des pierres précieuses. D'Egypte et de Perse arrivent des céréales, des tissus et depuis la Chine de la soie.

    Dans l'Arabie même, les échanges internes sont aussi abondants : du sud vient de l'or, des pierres, des perles, des peaux, du poisson séché, des épices, des aromates. Depuis le Hidjâz arrive des dattes et des céréales. Les pistes sont jalonnées d'oasis pour permettre l'aménagement d'étapes.

    Trois villes importantes sont situées le long du Hidjâz :

    - Yathrib, oasis fertile composée de fermes comprenant des tribus juives arabisées et des chrétiens;

    - Tâ'if, 350 km plus au sud qui est un asile de fraîcheur dans les montagnes.

    - La Mecque, à l'ouest à mi-distance entre la Syrie et le Yémen est la plus importante de ces villes. Le succès de cette ville est surtout lié à sa situation géographique, l'oasis source du Zemzem et à son grand marché.

    Mais succès aussi avec la présence d'un sanctuaire sacré : la Ka'ba qui est un édifice rectangulaire (10 mètre de coté et 15 mètre de hauteur) dont la création remonte à Abraham. L'édifice fait alors l'objet d'un pélerinage annuel, qui est une source importante de revenus pour la ville.

    Malgré les apparences, l'Arabie n'est pas un monde clos sur lui-même. Il est souvent présenté comme le carrefour entre l'Orient et l'occident d'autant qu'à cette époque on assiste à diverses entatives des Arabes pour infiltrer le Croissant Fertile ce qui aboutit à la création de divers royaumes.

    D'un point de vue culturel, l'espace en question subit d'importantes influences du judaïsme et du christianisme. Les Juifs constituent d'importantes communautés dans des villes (il s'agit d'une religion urbaine, tout comme le christianisme) comme Yathrib ou au Yémen. Les communautés chrétiennes sont moins nombreuses mais existent au Yémen: la ville de Najran est le siège d'un évêché et dans le nord  via certaines tribus comme celle des Banû Taghlib.

     

    Pour clore cette brêve introduction sur un monde bigarré et hétérogène, il faut noter que les débuts de l'Islam sont placés sous une tension certaine puisque l'Arabie est une immense espace où s'opposent très tôt les intérêts des Perses (Sassanides) et des Byzantins héritiés entre valides de l'Empire romain via la dyarchie et tétrarchie de Dioclétien en 324. 

     

    Questions d'Orient - Le 03 juin 2014


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires