• Drapeaux de l’Islam :

    connaissons-nous réellement les symboles ?

     

    Dans un moment de regain de tensions en France entre populations musulmanes et juives sur fond de crise à Gaza, des photos émergent, présentant le plus souvent des manifestations et des regroupements en soutien avec les Gazaouis.

    Dans ces moments là, des drapeaux arabes surgissent pour venir haranguer la foule et attiser l’élan identitaire si fort chez les populations arabes. Une photo m’a néanmoins surpris. Elle a été prise à Lyon. On y voit un attroupement brandir le drapeau palestinien mais aussi et surtout deux drapeaux arabes : l’un présentant la shahada sur fond vert et l’autre sur fond noir.

    Mais connaissons-nous réellement la signification de ces deux drapeaux que nous autorisons tandis que certains maires ont mis en place des arrêtés préfectoraux durant la coupe du monde interdisant tous drapeaux d’une équipe nationale ?

     

    Le drapeau vert est en effet bien connu des amateurs du  monde arabe car il est le drapeau de l’Arabie Saoudite. Sa signification tranche pourtant à un détail près avec l’autre drapeau. Le détail est bien sûr la couleur de fond. Et quand il s’agit de symbolique et notamment sur des sujets aussi sensibles, les esprits ont tendance à s’embrouiller. Je ne prétends pas simplifier ici la situation mais au moins essayer de résumer les enjeux historiques, politiques et religieux qui s’entrechoquent dans ces symboles.

    La chose est très claire, le drapeau noir sur lequel se plaque la shahada est aujourd’hui un emblème salafiste c'est-à-dire que s’approprient les groupes islamistes extrémistes. Nous en connaissons deux : celui similaire au drapeau de l’Arabie Saoudite et celui qui, actuellement, se trouve sur toutes les photos en provenance de Syrie ou d’Irak. Les inscriptions qui semblent manuelles sont plaquées en blanc et tranchent avec le noir très fort du drapeau. Au centre se trouve un cercle ovoïde malhabilement tracé qui contient trois inscriptions : Allâh, Rasûl, Muhammad. Et depuis 2011, ce drapeau et ses formes se répandent des zones tribales pakistanaises aux maquis yéménites rejoignant aussi les bâtiments des zones désertiques africaines.

    S’il s’agit bel et bien aujourd’hui d’un symbole et d’un drapeau adopté par la mouvance djihadiste, peut-on affirmer qu’il s’agit aussi d’une création djihadiste ? Justement non et c’est là qu’est souvent commise une erreur. Le 03 avril 2013, une Femen tunisienne vivant en France brûle la shahada et ce drapeau devant la Grande Mosquée de Paris. Selon la page Facebook de Femen France, la jeune fille a agit contre la mouvance djihadiste en brûlant un de leur drapeau, comme symbole du combat des femmes contre la sauvagerie de l'extrémisme religieux. Or selon le chercheur germano-égyptien Abdelasiem al-Difraoui (docteur à Sciences Po Paris et auteur d'Al-Qaïda par l'image, la prophétie du martyr), en présentant le drapeau de la shahada comme le drapeau « salafiste », les Femens tombent dans le piège tendu par les salafistes djihadistes. Ce drapeau n'est pas le drapeau « salafiste», mais une récupération d'un symbole de l'Islam par les salafistes qui cherchent à s'approprier ce symbole. Ce drapeau est simplement un symbole de l'Islam en général, venu directement des sources médiévales. Cette erreur démontre que les salafistes ont remporté une victoire en parvenant à implanter une représentation dans l’esprit des citoyens européens.

     

    Le sceau prophétique

    En effet, l’une des significations historique de ce drapeau serait à chercher chez le sceau historique adopté par le Prophète Muhammad. On aurait ici la référence aux premiers âges de l’Hégire, l’âge des pieux ancêtres contemporains de Muhammad, les salafs que cherchent aujourd’hui à imiter par les actions de la vie et par leurs mœurs idéalisées les salafistes. La calligraphie particulière du drapeau présenté avec le rond central serait une référence au style koufique, calligraphie des écrits islamiques.

    Le rond aussi est symbolique et l’explication se trouve dans les Écritures saintes de l’Islam. « Quand le Prophète eut l’intention d’écrire une lettre au souverain des Byzantins, on lui dit que ces gens ne la liraient pas si elle n’était pas cachetée d’un sceau. Alors le Prophète se fit faire un anneau d’argent (…) et fit graver dessus "Mohammed, Messager d’Allah ».Hadith rapporté par Boukhari, (Vol.4, livre 52,189). Ce sceau, que l’on retrouve aussi en bas de quelques lettres attribuées au Prophète de l’Islam destinées aux rois voisins pour leur demander d’embrasser la nouvelle religion, est son anneau sigillaire.

     

    La couleur comme traduction de la volonté politique

    Bien que l’Islam, du temps du Mahomet et donc durant sa formalisation progressive n’ait été symbolisé par aucune couleur ni emblème particulier, le vert, réminiscence du Paradis verdoyant, est habituellement associé à la foi musulmane tout comme le croissant et l’étoile à cinq branches censée représenter ses cinq piliers. C’est ainsi comme cela que doit être lu le drapeau de l’Arabie Saoudite.

    Si aucune couleur ne peut être considérée comme représentante de l’Islam en général; le noir, le blanc (symbole de pureté), le vert et même le rouge (celui du sang des martyrs) ont acquis une certaine notoriété.

    Toutefois, le Prophète Mahomet, pour des raisons politiques, était tenu de représenter la communauté musulmane naissante sous un ou plusieurs drapeaux, particulièrement en temps de guerre. Selon plusieurs sources historiques, deux étendards auraient été hissés à diverses occasions, le premier entièrement noir, appelé Al-Raya, et le deuxième intégralement blanc, appelé Al-Liwa.

    Les deux auraient été frappés de la shahada et auraient remplis un rôle bien défini: Al-Raya n’aurait été utilisé que pour le djihad guerrier, alors qu’Al-Liwa aurait eu un rôle distinctif de la Umma (la communauté des croyants) musulmane, symbolisant le rassemblement des fidèles unis par la foi.

    Le pavillon personnel de Mahomet était connu sous le nom Al-Uqab (L'Aigle). Il était noir, sans symbole ou marque distinctive. Son nom et sa couleur ont été empruntés, dit-on, de celui d’Ali Ibn Hussein, chérif de La Mecque.

    Le drapeau noir est donc perçu comme la reproduction de la bannière des Musulmans d’Arabie, à l’aube de l’Islam, celui de la tribu des Qurayshites à laquelle appartient le Prophète.

     

    La référence dynastique ?

    Néanmoins, on peut aussi y voir une référence à une crise dynastique : la succession, dans la violence de la dynastie omeyyade par la dynastie abbasside.

    Ce fut un esclave persan, Abou Muslim, qui brandit pour la première fois le drapeau noir qui donna naissance à la dynastie des Abbassides (750-1016). Les califes Abbassides ont fondé leur revendication pour le califat en leur qualité de descendants d'Al-Abbas Ibn Abd al-Muttalib (566-662), l'un des oncles de Mahomet. C'est en vertu de cette descendance qu'ils se considèrent comme les héritiers légitimes du Prophète de l’Islam, par opposition aux Omeyyades (au blason blanc) qu’ils chassèrent du pouvoir.

    Leur dessein était d’établir un État plus profondément musulman. La dynastie abbasside a donné naissance à d’illustres califes comme Al-Mansûr, Al-Ma’mÅ«n ou encore le légendaire Harun al-Rachid qui ont participé à l’extension et à la propagation de la religion musulmane, de la langue arabe ainsi que d'une conscience universaliste de l'islam qui caractérise tout le monde médiéval musulman. Paradoxalement, c’est aussi sous leur direction que commence le lent déclin de la civilisation arabo-musulmane.

    Ceci dit, leur attachement à un islam salafiste (au sens originel du terme) a toujours séduit les tenants d’un retour aux sources perdues de la religion. Les premiers soldats abbassides étaient vêtus de noir et auraient inspiré, tout comme leur bannière, la tenue caractéristique des djihadistes d’aujourd’hui.

     

    Une signification chiite ?

    De nos jours, le drapeau Al-Raya est considéré par les chiites duodécimains comme le futur étendard de l’islam, lors du retour du Mahdi. Ce dernier, dont le nom en arabe signifie à la fois «l’homme guidé (par Dieu)», «celui qui montre le chemin » ou le «le bien-guidé attendu» (Al-Mahdi Al-Mountadhar) désigne le «sauveur» des Musulmans devant apparaître à la fin des temps.

    Le Mahdi apparaîtrait durant les derniers jours de l'existence du monde et serait un signe majeur de l’Apocalypse. Sa venue précèderait la seconde venue de Jésus (le Messie) sur Terre.

    Pour l'islam chiite, le drapeau noir est l’emblème du douzième martyr, l'imam caché chargé de mener l’ultime bataille contre les infidèles d'établir un jour la loi dominatrice de Dieu sur Terre.

     

    Un signe prophétique ?

    Les djihadistes sunnites inspirés par Al-Qaïda font aussi référence à une célèbre prophétie en lien, selon certains avec le Mahdi, relatée par de nombreux hadiths (paroles de Mahomet), qui dit selon les chroniqueurs de l’Islam Tarmidhi et Abu Hurairah:

    «Du Khurasan (province d’Afghanistan) émergeront les bannières noires que nul ne pourra refouler. Les armées qui les porteront continueront d’avancer jusqu’à ce qu’elles atteignent ‘Illya (Jérusalem) et qu’elles plantent leurs drapeaux dans sa terre».

    De cette prophétie découlerait donc l’utilisation par des groupuscules djihadistes de drapeaux noirs portant la shahada. On l’a vu à Tunis avec la chute de Ben Ali, sur la place Tahrir, à Bagdad, à Benghazi, à Islamabad, à Kaboul… et même lors de manifestations à caractère identitaire dans les capitales européennes ou aux Etats-Unis.

    Certains chercheurs qui remettent en doute certaines sources historiques de l’Islam des origines (selon eux, Mahomet avaient aussi comme drapeau distinctif un fanion blanc ou jaune —la couleur fétiche du Hezbollah libanais—selon les circonstances) établissent une filiation beaucoup plus récente à l’étendard noir. Il ne remonterait qu’aux années 1920 où des groupes islamistes l’ont adopté comme symbole de ralliement après la chute de l’Empire Ottoman. Ceci dit, les Frères musulmans d’Egypte, dont l’objectif avoué est de rétablir un ordre califal, ont pour emblème un drapeau vert où figurent deux sabres croisés.

     

    S’il est très clair qu’aujourd’hui les djihadistes du Moyen-Orient ont remporté une victoire symbolique en réussissant à s’approprier ce drapeau noir, il faut néanmoins en connaître clairement le symbole historique.

    Cela ne m’empêche pas de trouver très étrange qu’il soit toléré d’arborer un tel drapeau dans une manifestation de soutien au peuple palestinien en France. Qu’est-ce que cela signifie ? N’allons surtout pas essayer de trouver une excuse historique à ces utilisations dans un temps de guerre. La signification est ici bien guerrière et elle est un symbole de ralliement au mouvement Hamas, mouvement islamiste terroriste qui contrôle la bande de Gaza. Quand l’on connaît la signification et l’intérêt porté à la guerre en terre mécréante (dar al-shâm) par les combattants djihadistes, nous ferions bien de faire un effort de compréhension sur les symboles qui nous entourent pour les contrôler…

    ap_osama_bin_laden_jef_130502_wg

    Ben Laden lors d’une conférence de presse à Khost en Afghanistan en 1998.

     

    Questions d'Orient - Le 17 juillet 2014


    votre commentaire
  • Égypte:

    quelle guerre économique ?

     

    Nous l’avons constaté, en politique tout comme en matière de justice, les militaires égyptiens sont assez expéditifs. Hé bien voilà qu’ils peuvent aussi l’être en termes de finances publiques. Dans des mesures économiques fortes portant un coup dur aux subventions accordées aux produits de premières nécessités, et dans l’attaque délibérée et sans complexe de la famille la plus riche du pays, les militaires, officiers supérieurs et subalternes obéissant au président al-Sissi ont défini leur ligne de conduite pour les mois à venir.

     

    Et pourtant la finance et notamment la bourse d’Égypte, le EGX30 n’ont pas à se plaindre des militaires : cette dernière a connu pendant un an, une hausse de plus de 70% mais commence désormais à reculer. Forts de leur expérience, la majorité des experts sont pessimistes et cette attitude dubitative ne contente guère la foule ; l’opinion publique a tendance à s’affoler.

    Il faut dire que globalement, les très fortes hausses des prix sur le carburant et l’électricité ont beau avoir été mises en place par un « gouvernement de guerre », la formule ne passe pas et ne suffit guère à contenter la population.

    Les mesures et décisions ont été appliquées rapidement en l’absence de débat parlementaire : les députés ayant été élus en 2012 ont aussi été renvoyés chez eux la même année.

     

    Pourquoi tant de mesures ? La situation est claire : le déficit budgétaire atteint des sommets et il est donc nécessaire de le combler. Le ministre des finances, M. Hany Qadri Dimian l’estime à 12% du PIB et s’est donné comme objectif de le réduire à 10% et de se maintenir à ce niveau pour les trois ans à venir.

    La majorité des dépenses et des finances sont axées sur le traitement des fonctionnaires, les paiements des intérêts rapportés par rapport à l’énorme dette ainsi que les subventions accordées par l’État pour permettre la baisse des prix de quelques denrées de première nécessité obligatoires pour la moitié de la population égyptienne environ qui vit sous le seuil de pauvreté. Seules les dépenses en rapport avec la Défense sont classées Secret Défense.

    Mais c’est justement sur ces catégories de denrées (carburant, pain, électricité) que le gouvernement veut axer son plan de reprise en main de l’économie et donc économiser. L’effort devrait permettre d’économiser quelques 5 à 6 milliards d’euros.

     

    Bien sûr cela à un prix, et le prix de l’essence a rapidement été multiplié par deux.

    Des manifestations de protestations ont éclaté au Caire chez les conducteurs de taxis et de minibus, assurant la plupart du trafic cairote en l’absence totalement de service public de transport de masse.

    Concernant l’électricité, les prix sont gelés depuis 2008 et pour la part de la population qui ne consomme pas plus de 350 kW/heure et par mois la facture ne devrait pas exploser. En revanche, pour les foyers consommant plus et notamment à l’approche de la période estivale où l’air conditionné fonctionne en masse, l’addition devrait augmenter de 55%.

    Le prix du pain de son coté n’a pas bougé mais il est question de réduire la consommation et donc par conséquent les subventions. Le gouvernement vise aussi à généraliser un système mis en place dans quelques villes longeant le canal de Suez et qui permet de cibler les bénéficiaires.

    Tout est calculé.

     

    D’un autre coté, les passions se cristallisent autour de la CGT (Capital Gains Tax) de 10% perçue sur les contribuables qui touchent plus de 2000 euros de dividendes par année. Les populations visées par cette taxe font partie d’une tranche de la société égyptienne peu habituée à verser des impôts directs.

    Cette deuxième partie des mesures prises ouvre la voie à une offensive directe et délibérée du gouvernement géré par les militaires contre la famille Sawiris, famille la plus riche d’Égypte. La famille possède le groupe ORASCOM, qui domine de larges pans économiques d’Égypte (constructions, télécom, tourisme ou encore immobilier) tout cela depuis la Suisse.

    Cette affaire judiciaire, financière et symbolique s’est ouverte suite au refus d’un des frères Sawiris, Nassef plus précisément, de payer une taxe sur la cession d’entreprise ce qui lui a valu sa condamnation à trois ans de prison par contumace, ce qui est plus symbolique qu’autre chose. En revanche, son frère Samih a, quant à lui, menacé de mettre un terme aux investissements de la compagnie en Égypte tant que durerait « la répression ».

     

    Ce coup porté au représentant presque officiel d’un groupe social ayant tiré profit de la croissance du pays entre 2004 et 2008 sous l’ère d’Hosni Moubarak, président déchu en 2011, marque-t-il une inflexion ? C’est la question que pose logiquement ces nouvelles mesures.

    Peut-on y voir un signe traduisant une revanche prise par les généraux et officiers supérieurs après que certains d’entres eux aient payé le prix cher suite à leur opposition aux privatisations et à la montée en puissance politique des « nouveaux riches » comme Gama Moubarak dans les années 1990 ? Avant de parler d’une revanche effective, il faut noter que ces chefs aujourd’hui au pouvoir en ont les moyens et notamment les moyens financiers. L’Arabie Saoudite, le Koweït et les Émirats Arabes Unis leur ont fait don de 12 milliards de dollars en un an sous forme de produits pétroliers ou de dépôts à la Banque Centrale.

    Pour autant, et sachant que les experts estiment qu’en réalité l’aide avoisine 23 milliards de dollars, le rythme ne sera pas soutenable longtemps et les militaires doivent remettre en route la croissance du pays. Si le Golfe pourrait aider le ministre des finances à multiplier le rythme de la croissance par trois pour 2017, les Émirats ont d’ores et déjà décidé de remplacer l’aide à l’État. Notons aussi le recrutement de Tony Blair au milieu d’une fine équipe de consultants internationaux sur les questions financières pour aider le pays à combler son déficit.

     

    Dans ce nouveau plan, l’IDE (Investissement Direct à l’Étranger) serait le moteur d’un renouveau de l’économie égyptienne. Financiers, compagnies pétrolières internationales, banquiers européens, grandes familles marchandes du Golfe ou encore les grands capitalistes égyptiens mis en quarantaine sous Moubarak seraient déjà dans les starting-blocks. Néanmoins pour rendre une telle mesure effective, il faut l’économie mette de coté ses «  obstacles à la croissance  ».

    Cela signifie que les intérêts en place, dont les Sawiris sont les représentants, acceptent l’arrivée de nouveaux venus dans leur terrain de chasse, le partage des bénéfices ou bien envisagent de se retirer devant plus dynamiques et plus concurrent qu’eux.

    Les généraux égyptiens n’ont plus guère le choix : il va leur falloir une vraie et concrète croissance économique qui leur permettrait définitivement d’asseoir une autorité contestée depuis la chute de Mohamed Morsi et leur politique répressive à l’égard de ses partisans, faire reculer l’extrême pauvreté qui affecte un trop grand nombre de leurs concitoyens, remporter  leur «  sale guerre  » contre les Frères Musulmans et reconquérir ce qu’ils estiment être la place naturelle de leur pays dans la région arabe : la première, ce qui n’est pas dénué de sens sachant le poids démographique de l’Égypte dans le Moyen-Orient et l’onde de choc qu’aurait la chute d’un pays si peuplé dans une guerre totale. Le budget 2014-2015 n’y suffira pas mais ils sont visiblement prêts à courir tous les risques, y compris sur le plan social, pour y parvenir.

     

    Questions d'Orient - Le 13 juillet 2014


    votre commentaire
  • Syrie:

    Amnistie générale ?

     

    Coup de com comme on dit dans le milieu, intox ou juste mesure de contre-poids ? Au plein milieu d'une guerre qui ravage littéralement le pays, le président syrien Bachar al-Assad, tout juste réélu à la tête des territoires contrôlés par le régime, a décrété une "amnistie générale" pour tous les "crimes" commis jusqu'à ce lundi (hier). Cette déclaration intervient une semaine après sa réélection controversée et non-reconnue par la plupart des pays européens et occidentaux car organisée en pleine guerre, a annoncé la télévision d'État. L'élection présidentielle du 3 juin a été organisée par le régime dans les territoires sous son contrôle ce qui a été décriée comme une "parodie de  démocratie" par l'opposition et les pays occidentaux. M. Assad a été réélu pour un 3e mandat de 7 ans.

    Concernant cette mesure, il s'agirait de la plus large amnistie annoncée depuis le début du conflit le 15 mars 2011, déclenché par un mouvement de contestation pacifique qui, après avoir été réprimé dans le sang, a dégénéré en rébellion contre le régime Assad.

    Si cette amnistie est mise en application intégralement et suivant les mesures annoncées, des dizaines de milliers de détenus devraient être libérés. Car l'amnistie concerne pour la première fois, des crimes figurant dans la loi sur le "terrorisme" de juillet 2012, qui comprend à la fois les rebelles et les militants anti-régime. Il est à noté que les amnisties précédentes avaient exclu les "terroristes" et les "criminels en fuite".

    Selon un juriste et militant des droits de l'Homme présent à Damas, cette amnistie devrait concerner les personnes à la fois jugées et celles bien plus nombreuses qui croupissent sans jugement dans les prisons et les centres de détention des renseignement du régime.

    C'est aussi la première fois que le régime offre une amnistie aux combattants étrangers qui se rendent d'ici trois mois.

    Lors des amnisties précédentes, les organisations de défense des droits de l'Homme avaient affirmé que les décrets n'avaient pas été appliqués dans leur intégralité et que beaucoup de détenus n'avaient pas retrouvé la liberté. Citant le ministre de la Justice, la télévision d'État a indiqué que cette initiative intervenait "dans le cadre de la réconciliation et de la cohésion (...) après les victoires de l'armée" sur le terrain, face aux rebelles.

    Il s'agit de la cinquième amnistie générale depuis le début du conflit en Syrie. M. Assad avait décrété des amnisties le 31 mai et le 21 juin 2011 ainsi que le 15 janvier 2012 et le 16 avril 2013. Le régime syrien qui n'a jamais reconnu l'ampleur de la contestation depuis mars 2011, accuse les rebelles d'être des "terroristes à la solde de l'étranger" qui cherchent à semer le chaos dans le pays.

    Des groupes islamistes et djihadistes dont la majorité des membres sont venus de l'étranger, se sont ensuite infiltrés dans le pays pour aider la rébellion syrienne à tenter de faire tomber le régime selon certain, pour créer un État Islamiste dans les territoires désormais sous leur contrôle notamment entre l'Irak et l'est syrien.

     

    Question d'Orient - Le 10 juin 2014


    votre commentaire
  • Hamas / Syrie:

    jeux de pouvoir et alliances géopolitiques

     

    Dans un Moyen-Orient en feu avec les crises diplomatiques qui secouent des régions sensibles, la crise syrienne va-t-elle influencer les relations entre les différents courants de résistance palestiniens et Damas ?

    La réponse évidente est oui. Une telle crise, une telle guerre civile ne peut guère ne pas laisser des séquelles sur des relations diplomatiques sur quand elles contraignent le camp palestinien à "choisir" qui soutenir. Des séquelles, il y a en aura mais des séquelles il y a déjà. Déjà car il faut prendre en compte les 525 000 réfugiés palestiniens de la guerre syrienne parmi lesquels 2000 ont déjà trouvé la mort. Et il faut aussi compter sur les systèmes d'alliance qui font justement de ce monde arabe un lieu stratégique hautement instable. La crise va incontestablement va rendre très compliqué le maintien de ce réseau d'accords qui arabes et régionales qui avaient pu être mis en place entre les deux partis.

    Il faut dire que la Syrie a toujours été la première en scène dans la question palestinienne et elle s'est notamment rapidement orientée vers le "front du refus" comme on le nomme, dont elle aurait même pris la tête. Ce "front" se caractérise par un refus catégorique des résultats possibles des l'accords de Camp David (1978) et d'Oslo entre l'OLP d'Arafat et Israël en 1993.

    Cette position de ferme résistance à l'État sioniste de la part de la famille Assad a conduit le régime de Damas à faire jouer son jeu d'alliance pour accueillir en son sein des factions palestiniennes de gauche notamment en opposition avec la politique d'ouverture et de négociation prônée par l'OLP. Citons notamment le mouvement du Front Populaire de Libération de la Palestine (FLPL).

    Mais Damas a surtout assuré l'asile au Mouvement de la résistance Islamique: le Hamas créé pour contrebalancer le Fatah d'Arafat. Cet accueil était d'ailleurs totalement en contradiction avec la ligne politique syrienne, pays se disant laïc et avec la ligne religieuse prônée par la famille Assad farouchement opposée aux Frères Musulmans dont le Hamas constitue une branche. N'oublions pas la fameuse répression dans le sang du soulèvement de Hama au début des années 1980 mené initialement par la bourgeoisie sunnite et les Frères Musulmans de la ville syrienne. Mais il semblerait que l'alliance géostratégique ait dépassé les conflits d'intérêts communautaires et que la Syrie ait vu dans ce rapprochement la possibilité d'élargir sa marge de manoeuvre régionales et internationale et une voie pour renforcer son emprise sur le monde arabe et le Moyen-Orient.

     

    Le soulèvement populaire de mars 2011, réprimé par les armées de Bachar al-Assad ont largement changé la donne d'un point de vue géopolitique et a considérablement modifié les alliances.

    Les factions palestiniennes ont eu un choix à faire. Autant les factions de gauche n'ont guère hésité et ont clairement pris de le parti de Bachar en pointant la révolution du doigt et en dénonçant un complot occidental et sioniste pour mettre à mal la seule puissance largement menaçante pour Israël autant le Hamas a complètement retourné sa veste en se rangeant du coté de la rébellion armée.

    C'était une décision risquée et osée pour un parti alors enfermé dans la bande de Gaza et qui, mettant ainsi à mal l'alliance avec Damas mettait aussi à mal l'alliance avec Téhéran, allié de toujours de la Syrie chiite. C'était non seulement tout le bloc chiite du Moyen-Orient qui tournait subitement le dos au mouvement anti-sioniste mais c'était aussi 23 millions de dollars par mois, somme apportée par Téheran, qui n'abreuvaient plus les caisses du Hamas.

    Pourquoi prendre un tel pari ? Car la conjoncture géopolitique de l'époque lui permettait d'espérer un retournement de situation. Les calculs stratégiques du Hamas étaient fondés sur un changement d'alliances régionales en faveur des puissances montantes à l'époque (2011) à savoir les Frères Musulmans et le Qatar, principal soutien de la confrérie dans le monde arabe. Traduction immédiate du choix politique, le Hamas a transféré en décembre 2011 son quartier général de la capitale syrienne à Doha.

    A ce moment là aussi, l'émirat qatari, petit poucet du Proche Orient misait aussi sur l'ascension fulgurante des Fréristes en Égypte qui étaient sur le point de remporter la majorité aux premières élections législatives post-Moubarak.

    Finalement, c'est dans une réflexion globale que s'est situé le Hamas, misant sur une victoire générale des partis islamistes à l'issu des "Printemps Arabes". On en voyait déjà des prémices encourageants en Tunisie avec Ennahdha ou en Égypte avec Mohamed Morsi. Le parti de la résistance espérait alors que la Syrie et la Libye puissent passer à un pouvoir religieux. Les forces islamistes auraient ainsi pu dominer et se réapproprier les résultats de révolution donnant ainsi un solide atout au Hamas face au Fatah et à l'Autorité Palestinien de Mahmoud Abbas.

    Visiblement, Abbas a choisi, plus judicieusement semble-t-il, une attitude plus neutre vis-à-vis du conflit syrien bénéficiant ainsi d'une marge de manoeuvre plus importante sur les territoires sous son contrôle.

    En réalité ce sont des rapports assez froids qui ont toujours liés Damas et Abbas pour la simple et bonne raison que Damas soutient l'opposition hostile aux politiques de négociations avec Israël menées par l'OLP. Le Fatah, de son coté a toujours nourri de forts doutes quant aux intentions futures de Damas qui aurait pu facilement vouloir faire main basse sur la question palestinienne.

    Dans tous les cas, le mouvement de Cisjordanie s'est abstenu de tout soutien à la révolte armée qui a gagné le territoire syrien par peur de réactions hostiles de Damas mais aussi et surtout des factions palestiniennes sous son giron dans un moment où le parti entamait un processus de négociations très complexes avec Israël en vu d'un accord.

     

    Mais finalement, le Hamas a mal joué et ses calculs n'ont pas abouti. En juillet 2013, Morsi et toute la confrérie sont renversée par l'armée et le général (aujourd'hui futur président) Abdel Fattah al-Sissi et le Qatar a connu un très fort recul de son influence dans le monde arabe dans des conflits internes avec les autres pays membres du CCG (Conseil de Coopéraiton du Golfe). Dans le même temps, le nouveau régime dans le pays de Pharaon a entamé une véritable chasse aux sorcières contre les fréristes en réprimant les manifestations, en sanctuarisant la justice pour se permettre de condamner 523 personnes à mort et en pratiquant les arrestations massives. De facto, le mouvement du Hamas se vite retrouvé dans le collimateur de Sissi et de l'institution militaire égyptienne pour ses relations amicales avec les Frères Musulmans et pour sa proximité inquiètante avec les nouveaux mouvements terroristes du Sinaï (notamment Ansâr Beït al-Maqdess), le mont étant en contact direct avec la frontière de Gaza. Cela a entraîné une vaste campagne militaire en Égypte qui a conduit à la fermeture et à la destruction de plus de 90% des tunnels de contrebande d'armes entre l'Égypte et Gaza provoquant une chute massive et dramatique des revenus pour le Hamas.

    Totalement isolé sur le plan diplomatique et financier (en crise actuellement) le Hamas n'a eu d'autre choix que de chercher à se rapprocher de Téhéran à la fin de l'année 2013. Cela s'est traduit par quelques rencontres notamment une à Téhéran. Mais ce fut un rapprochement qui a laissé des marques dans l'idéologie deu Hamas, contraint de faire preuve d'indulgence vis-à-vis des groupes islamistes palestiniens plus radicaux, soutenus par l’Iran, comme le Djihad islamique, dans la bande de Gaza. Or, ces groupes défient ouvertement l’autorité du Hamas et affichent leur ambition de partager le gâteau du pouvoir avec lui. De plus en plus incontrôlables et enhardis par l’ascension des groupes djihadistes dans le conflit syrien, ces islamistes radicaux, dont plusieurs combattent aujourd’hui aux côtés de "l’Etat islamique en Iraq et au Levant" (EIIL), qui s’inspire d’Al-Qaïda, pourraient poser à l’avenir un sérieux défi au pouvoir de ce mouvement.

     

    Questions d'Orient - Le 23 avril 2014


    votre commentaire
  • Liban:

    les voeux des hauts placés libanais

     

    Les tribulations vont bon gré alors que le Liban s'apprête à élir un président pour succéder à Sleimar qui a assuré ne pas vouloir prolonger son mandat... Alors chacun fait ses voeux. Mais alors, qui peut actuellement prétendre sérieusement à prendre sa place ? Dans un Liban morcelé dans les différents courants réactionnaires, politiques et religieux, difficile actuellement d'y voir clair alors même que Samir Geagea n'exclut pas un vide présidentiel, terrible scénario pour le Liban en proie à une dérive sécuritaire plongeant le pays dans le chaos sur fond de guerre syrienne et de tensions communautaires.

    Le vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, le parti chiite pro-Assad, le cheikh Nabil Kaouk, a déclaré dimanche que son parti est partisan de l'élection d'un président qui serait "craint par Israël". Le mot important du message était le fait que le Hezbollah refuserait un président au Liban si ce dernier se posait en adversaire de la résistance et en adversaire de la Syrie baathiste et assadiste. N'oublions pas que cette déclaration envers l'allié syrien n'arrive pas au hasard: ce week-end, le parlement syrien a annoncé la date de l'élection présidentielle où Bachar al-Assad devrait être réélu.

    Mais ces déclarations interviennent aussi alors que les députés libanais sont convoqués le mercredi 23 avril pour un premier tour de scrutin dans la cadre de la présidentielle visant à élire un successeur à Michel Sleiman dont le mandat expire le 25 mai. "Nous cherchons à assurer l'élection d'un président fort qui serait craint par Israël et que l’État hébreu ne voudrait pas voir au palais de Baabda. Le Liban est à la veille d'un moment d'envergure nationale qui concerne tous les Libanais, et le Hezbollah est très préoccupé par le cours de cette élection présidentielle. Il n'est pas un simple spectateur", a rajouté cheikh Kaouk. Le vice-président de l'exécutif du parti de Dieu a aussi d'appelé ceux qui  "parient sur l'élection d'un président anti-résistance et anti-Syrie" à ne guère espérer de tels résultats d'une élection au Liban, soulignant que "le Liban ne peut tolérer un tel président".

    Cheikh Kaouk a défini le type de président qu'espérait son parti pour pouvoir tenir un Liban en proie aux affrontements:  "président fort" et étant "le plus solide au niveau national et dont l'élection représenterait un message de fermeté et d'invincibilité face à Israël et aux takfiristes".

     

    Cette élection arrive dans un moment de tension entre le président sortant, Michel Sleiman et le parti chiite au Liban notamment sur les questions des moyens de la résistance et sur l'ingérence et le soutien du parti aux troupes du président Assad en Syrie.  Le président a notamment qualifié, dans un discours début mars à l'Université Saint-Esprit de Kaslik, d'"équation en langue de bois", la formule "peuple-armée-résistance" prônée par le Hezbollah pour ces élections.

    Ce à quoi le parti chiite a répondu en me mâchant pas ses mots que M. Sleiman ne savait guère faire la "différence entre l'or et le bois" et requérait des "soins spéciaux". Depuis cette passe d'arme, le chef de l’État libanais multiplie les injonctions à un désengagement du parti chiite du conflit syrien et à la mise en place d'une stratégie de défense avec l'État comme autorité de référence. Ces déclaractions constituent une attaque directe contre les armes du Hezbollah qui sont actuellement placées hors de la tutelle de l’État.

    "Le Hezbollah a pris des positions inappropriées et j'ai fait des remarques que les responsables du parti n'ont pas appréciées", a indiqué dimanche M. Sleiman à l'issue d'une réunion à huis-clos avec le patriarche maronite Béchara Raï avant la messe de Pâques à Bkerké avant d'ajouter que "le président doit préserver la Constitution et la souveraineté du pays et il ne représente aucune partie en particulier", donnant ainsi un avant-goût de ses attentes pour ce changement de président.

     

    Tandis que les fractures idéologiques et politiques divisent et font craindre un vide présidentiel à l'issu des élections, Michel Sleiman a de nouveau rappelé dimanche qu'il refuserait toute tentative visant à prolonger son mandat: "L'extension du mandat de n'importe quel responsable n'est pas démocratique malgré la prorogation actuelle du mandat du parlement".

    Dans le même temps, M. Sleiman a dit souhaiter l'application du programme de Samir Geagea, chef des FL (Forces Libanaises) en affirmant que "le programme présidentiel de Samir Geagea était national et souverain, j'espère qu'il sera mis en œuvre". Par ailleurs, seul Samir Geagea a officiellement fait acte de candidature jusqu'à présent. Ce dernier a fait connaître son programme électoral mercredi.

     

    Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah a mis en garde vendredi dernier contre tout "aventurisme" dans les candidatures à l'élection présidentielle, tout en laissant ainsi entendre que celle du chef des Forces Libanaises pourrait retarder le déroulement de cette échéance.

    Le patriarche maronite Béchara Raï a aussi donné son avis sur la présidentielle, point de vue important sachant le rôle intermédiaire que jouent actuellement les chrétiens au Moyen Orient, souvent pris dans l'engrenage des conflits idéologiques entre sunnites et chiite. Pour sa part, il a exhorté dimanche les députés à se rendre aux séances parlementaires pour permettre l'élection un nouveau président libanais. "Les députés doivent jouer leur rôle et élire un nouveau président. C'est un honneur pour les députés d'élire le chef de l’État", a-t-il rappelé, rejetant toute possibilité d'un vide à la tête du pays lors de son sermon à Bkerké. Le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Monseigneur Élias Audi a lui aussi rappelé, lors de son sermon de Pâques en la cathédrale Saint-Georges, au centre-ville de Beyrouth, l'importance de l'élection d'un nouveau président dans les délais pour que le Liban puisse être remis sur la bonne voie, que les frontières soient sécurisées et que le pouvoir puisse mettre un solide cran d'arrêt à la dérive sécuritaire.

     

    "Le vide est possible si l'autre camp décide d'entraver le processus démocratique ou si les centristes ne veulent pas assumer leurs responsabilités" a déclaré quant à lui Geagea lors d'une interview à la chaîne quatarie al-Jazeera diffusé lundi soir. Le leader des FL estime toutefois que le vide présidentiel ne devrait pas engendrer une situation de chaos sécuritaire.

    Concernant le rapprochement entre le Courant du Futur et le Courant patriotique libre (CPL), M. Geagea a assuré soutenir "les discussions ouvertes entre tous les Libanais" tout en démentant par ailleurs, les informations selon lesquelles les puissances régionales et internationales pousseraient à l'élection du chef du CPL, le député Michel Aoun, en raison de sa proximité avec le Hezbollah qui pourrait permettre la conclusion d'un accord sur les armes du parti chiite. Soulignant ne pas avoir reçu d'indication en ce sens, il attribue ces informations à une campagne médiatique organisée par le parti du 8 Mars.

     

    Questions d'Orient - Le 22 avril 2014


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique