• Égypte: dans le chemin pour un retour à un État policier?

    Égypte:

    dans le chemin pour un retour à un État policier?

     

    Dans une Égypte en crise sous tous points de vue, l'appareil militaire, seul pôle de stabilité ne cesse de renforcer sa puissance. Et les agissements autoritaires du ministère de l'Intérieur sous la coupe du ministre de la Defense, le général Sissi, fait craindre le retour à un État policier. 

    Trois figures de la révolte contre l'ancien dictateur, M. Moubarak, ont été arrêtés et condamnés à la prison, accusés de manifestions illégales. Ce sont Ahmad Maher, Mohammed Abdel et Ahmad Douma. Leur condamnation qui paraît injustifiée fait craindre le retour d'un État brutal et comparable à celui d'Hosni Moubarak. Ce sont les premiers manifestants non islamistes arrêtés depuis la destitution du président islamiste M. Morsi, le 3 juillet de cette année. 

    Cela paraît d'autant plus injustifié et injuste que les jugements interviennent au lendemain de l'acquittement des deux fils Moubarak et de Ahmad Chafiq dans des affaires de corruption. Chafiq a été le dernier Premier ministre de Moubarak, candidat au second tour de la présidentielle contre Morsi puis défait par ce dernier. 

    14 ONG égyptiennes craignent l'anéantissement des progrès et des promesses de l'armée depuis la destitution de Morsi et voient le retour d'un "État policier plus brutal de jamais". Pour nombre de militants des premières heures, ce nouveau pouvoir est comparable à  « l'avant-révolution ». « Il est clair que le pouvoir laisse désormais la responsabilité exclusive du dossier de l'activisme politique et public à l'appareil sécuritaire, comme cela était le cas » du temps de M. Moubarak, accuse ainsi le communiqué des 14 ONG égyptiennes. Rapporté par l'Orient-Le-Jour, M. Dorsey,chercheur à l'École d'études internationales S. Rajaratnam de Singapour déclare que "Dans les faits, (le régime) conserve un pouvoir autocratique. Si l'on ajoute à cela la loi sur les manifestations, il n'y a plus qu'un espace extrêmement réduit pour la contestation".

    Il faut dire que le texte adopté début décembre et qui doit passer en référendum les 14 et 15 janvier prochains n'a cessé d'alerter les militants éclairés. Cette constitution nouvelle consolide la toute puissance de l'appareil militaire dans le processus de "transition démocratique" promis par l'armée au lendemain de la destitution de Morsi. 

    Ne serait-ce que d'un point de vue historique, il faut aussi voir que l'armée en pays d'Égypte a toujours eu un poids considérable, toujours présente lors des changements politiques importants, parfois en tant qu'actrice principale. En 1952, c'est l'armée qui met fin à la monarchie puis prend le pouvoir après l'évincement de Moubarak puis c'est encore elle qui destitue Morsi. Beaucoup d'intérêts sont donc en jeu pour cette institution et par le texte de Constitution ce sont des privilèges de six décennies qui sont maintenus tout cela en parallèle avec une augmentation du poids de l'institution sur la vie politique. 

    Depuis le début de la crise, l'armée est encore la seule institution comme je le disais au départ "pôle de stabilité" dans le sens où jamais l'appareil militaire n'a été réellement inquiété. Encore actuellement, dans un pays en crise profonde, l'armée est parvenue à conserver une indépendance totale, et une immunité légale. Cela se traduit par exemple par l'absence de droit de regard du Parlement sur le budget de l'institution. D'autre part, dans les décisions de transition en cours, l'armée a réussi un coup de maitre en s'emparant avec brio d'une partie de l'exécutif: dorénavant la nomination d'un nouveau ministre de la Défense (qui devra obligatoirement être un militaire) doit recevoir l'accord de l'institution armée. Cette nouvelle mainmise sur le pôle exécutif n'est pas sans conséquence sur la vie politique égyptienne. Cité par l'Orient-Le-Jour début décembre, le politologue Hassan Nafaa voit dans ces dispositions nouvelles "un sujet d'inquiétude", surtout si le général Abdel Fattah al-Sissi, commandant en chef de l'armée, actuel ministre de la Défense, vice-Premier ministre et véritable homme fort du pays, décide de ne pas se présenter à l'élection présidentielle. "Quelle sera alors la relation entre le président élu et le Premier ministre, d'une part, et leur ministre de la Défense, d'autre part, qui ne se sentira pas subordonné à leur autorité". A juste titre cela pourrait déboucher sur un "pouvoir à trois têtes vecteur d'instabilité".

     

    Questions d'Orient/ Le 24 décembre 2013


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