• Front irako-syrien: religion et seconde révolution

    Front irako-syrien: 

    religion et seconde révolution

     

    Le peuple garde la main de la révolution de mars 2011

    Nouvelle année, nouvelles difficultés, nouveaux défis. Voilà plus de 1000 jours que le Moyen-Orient vit au rythme du conflit syrien qui a connu cette année des bouleversements majeurs. On ne cesse de le répéter, le premier de ces changements est la partition devenue "énorme" entre front de lutte populaire syrienne représentée par l'ASL et le CNS et les fronts djihâdistes qui ont eu le toupet en fin d'année 2013 de revendiquer officiellement un détachement des organes de révolution modérées. Mais un autre changement non moins important et pour le coup, beaucoup plus encourageant est la prise de conscience populaire de l'aliénation de la révolution aux groupes islamistes. Cette prise de conscience semblait bien timide fin 2013; ce début d'année 2014 commence en pétard pour les djihâdistes dont plusieurs centaines ont été arrêtés et exécutés pour certains par l'ASL et la population au nord du pays, hier le vendredi 03 janvier. Les slogans et la multiplication de manifestations massives organisées par des organes civiques dans certaines villes montrent que la détermination de la population syrienne à faire face à cette montée de "da'ech", acronyme péjoratif pour désigner EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant). "Nous ne nous sommes pas révoltés contre qui nous tyrannisait au nom de la résistance, pour nous laisser faire au nom de la religion! Da'ech dehors!" peut-on lire sur les pancartes arborées sans scrupule dans les villes et bourgs libérés.

    Bilan: le peuple syrien (entendons-nous bien sur cette notion de peuple pour ne pas nous laisser aller à soutenir n'importe qui) représenté par l'ASL a encore les moyens de résister et de braver les forces armées du président Assad et les milices de terreur djihâdistes. Cette remobilisation semble d'autant plus encourageante alors même que les pays occidentaux poursuivent leur attitude attentiste qui a fait de leur chancellerie la risée de tous. Le mot d'ordre reste donc de ne pas baisser les bras, pourtant pris en étau entre les pressions militaires et géostratégiques de plus en plus importantes du régime et les principes extrémistes religieux conduisant aux exécutions sommaires des fronts al-Nostra et EIIL. Le peuple continue donc avec fierté à rejeter toutes les formes de radicalisme.

    Cela se traduit par de multiples campagnes de communication et de prévention. La dernière en date qui a réussi à créer un certain émule est celle menée contre les "encagoulés". Cela paraît peut-être anecdotique mais les civils et organismes civiques des zones libérées ne cessent de devoir lutter contre ces hommes cagoulés profitant de l'imbrolgio politique et militaire pour commettre pillages, saccages, enlèvements, exécutions et répandre une terreur non nécessaire sur des zones censées être libres. Cette notion de liberté justement va à l'encontre de la notion d'anonymat que rien ne justifie. L'organisation civile semble lutter tant bien que mal en créant des milices armées avec des hommes appartenant à l'ASL ou des comités de justice pour traquer et punir ces hommes.

    Cette campagne menée sous les slogans "Nous ne voulons pas d'encagoulés chez nous" a connu un franc succès auprès des populations mais n'a en rien calmé les ardeurs de groupes djihâdistes...bien au contraire! Se sentant comme visés, ces derniers ont multiplié les actes de provocation durant les derniers jours de 2013 en faisant des journalistes indépendants une cible de choix. En réalité, les pouvoirs de ces groupes sont si importants dans les zones qu'ils tiennent qu'ils ont conscience qu'ils ne seront guère inquiétés par les comités juridiques civils encore bien faibles et fragiles. 

    Mais les civils tiennent et se construisent une réputation déjà bien solide après près de trois ans de contestation. La ville d'Alep est bien connue pour sa mentalité très frondeuse et les populations civiles n'ont pas reculé devant les menaces islamistes et la multiplication des enlèvements. Les manifestions ont eu lieu et...sans foulard cette fois-ci. 

     

    La Syrie, extension révolutionnaire et djihâdiste d'Irak

    Les deux fronts syriens islamistes les plus actifs mais aussi les plus extrémistes sont EIIL et le front al-Nostra. En revanche, ce qui nous paraît être des fronts de création ex-nihilo syriens ne sont en réalité que des organes d'extansion d'al-Qaïda en Irak. 

    Le retrait américain d'Irak en décembre 2011 a ouvert une voie idéale à al-Qaïda pour affirmer son pouvoir et consolider des arrières. La mouvance salafo-djihâdiste n'a cessé de faire planer la terreur sur la terre irakienne et sur les minorités chiites. Les violences ont d'ailleurs repris ce début d'année. Les hommes de l'EIIL contrôlent depuis jeudi plusieurs secteurs de Ramadi (100 kilomètres à l'ouest de Bagdad) et Fallouja. La ville a été déclarée « Etat islamique » immédiatement après sa prise.

    Les affrontements ont débuté lundi à Ramadi, après la destruction d'un camp de protestataires antigouvernementaux présentés par le gouvernement comme un "repaire d'Al-Qaïda". Les violences se ont ensuite gagné à la ville de Fallouja, proche de Ramadi. Les insurgés de l'EIIL avaient profité de l'abandon par des policiers de leurs postes à Fallouja et Ramadi mercredi après des attaques, ainsi que des combats entre des soldats et des membres de tribus opposés au démantèlement du camp, pour prendre le contrôle de secteurs des deux villes. La province d'Al-Anbar est, depuis plus d'un an, un haut lieu de la contestation contre le premier ministre Maliki, accusé d'accaparer le pouvoir et demarginaliser les sunnites. Fallouja et Ramadi furent des bastions de l'insurrection ayant suivi l'invasion américaine de l'Irak en 2003.

    La contestation ne datant pas d'aujourd'hui, les milices de lutte anti-américaine et anti-pouvoir ne sont donc pas d'aujourd'hui non plus. La nouveauté de l'année 2013 et début 2014 est l'augmentation de violence dirigée contre la population kurde du nord de l'Irak. L'enclave de résidence de cette population est depuis 1990 préservée. Le but des djihâdistes est d'étendre la guerre sainte (djihâd) contre ce territoire dans une logique similaire à celle suivie en Syrie contre les Unités de protection populaires (YPG) qui sont le bras armé du Parti de l'Union Démocratique, (PYD).

    De fait, le front irako-syrien doit être dorénavant considéré comme le front privilégié d'al-Qaïda et comme un front unique d'un seul tenant. Cela s'est traduit justement par la modification du nom du mouvement: Etat Islamique en Irak et au Levant par le chef du groupe, Abou Bakr al-Baghdadi alias Abou Dua (laqab ou kunia). 

    Si la Syrie est maintenant considérée comme terre de djihâd c'est aussi en raison des différences géographiques et sociales d'avec les précédentes terres de combat (Pakistan, Afghanistan, Yémen, Mali, Somalie). Les conditions et la qualité de vie semble bien plus favorable. La traduction type de ces différences est la ville Atmeh, à la frontière avec la Turquie. On la surnomme "le Disneyland des djihâdistes". Cette ville a été transformée en un bazar à ciel ouvert d'arme et de contrebande financant l'achat matériel de "destruction humaine" tout en s'éloignant de l'ascétisme prôné par les Pères fondateurs et les oulémas d'al-Qaïda. 

    Ce sont ces organisations transitant entre Irak et Syrie qui sont aujourd'hui accusées par l'opposition d'être les suppôts du régime. Sans avoir de preuves d'une alliance entre al-Assad et EIIL, ce qui n'arrivera probablement pas compte tenu des rivalités idéologiques, ces organismes ont néanmoins travaillé à la crédibilité du président syrien. Se plaignant de lutter contre des terroristes djihâdistes, la preuve de leur existence en Syrie a confirmé les dires. 

    Actuellement, la situation pour l'ASL reste très critique. La seule représentante d'une partie du peuple syrien a perdu ses soutiens occidentaux et tente de se raccrocher à une légitimité en luttant dorénavant sur un nouveau front: les islamistes. Pourtant, des multiples groupuscules religieux se sont constitués dans l'unique but de contrer le seul organe représentatif de la contestation. On note bien sur EIIL et al-Nostra commandé par Abou Muhammad al-Julani mais aussi Abou Abdullah al-Hamawi du Front Islamique Syrien ralliant une dizaine de petites cellules alliées à EIIL. Se rajoute à cela Liwa al-Tawhid, Liwa al-Islam, les Brigades Suqur al-Cham, al-Fajr, la brigade al-Noor d'Alep, le Bataillon Noor al-Din al-Zawki (soutenu par Arabie Saoudite) ou encore Liwa al-Ansar. 

    Enfin, comptons aussi sur les brigades djihâdistes étrangères (2000 européens actuellement) mais surtout des Tchétchènes et des Caucasiens. La brigade Jaish al-Mujahireen wal Ansar gérée par Abou Omar Shishani (ancien membre des forces spéciales géorgiennes) inquiète beaucoup le pays mitoyen: la Russie. 

    Ces soldats de Dieu, des Arabes, des déçus du Printemps arabes voulant laisser aller leur folie délirante et fantasmagorique politico-religieuse parler au bout de leur canon montre le caractère d'aimant que représente le front irako-syrien...

    Qu'adviendra-t-il lorsque l'aimant cessera d'aimanter et que la multitude d'éléments libres retomberont libres et meurtiers dans leurs pays respectifs? 

     

    Questions d'Orient - Le 04 janvier 2014


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