• Liban: terre neutre pour les déclarations iraniennes ?

    Liban:

    terre neutre pour les déclarations iraniennes ?

    Consdiérations sur la question syrienne, iranienne, saoudienne et libanaise suite aux déclarations de l'ambassadeur iranien à Beyrouth, M Abadi.

     

    Début janvier 2014.

    L’arrestation de Maged al-Maged par l’armée libanaise est un coup d’éclat salué de tous, un rayon de soleil pour une armée dans un pays en pleine dérive sécuritaire. L’homme, djihadistes saoudien bien connu et émir des Brigades Abdallah Azzam avait déjà accumulé à son compteur plusieurs attaques au Liban et dans les pays voisins. En arrêtant un tel personnage, le but était clair : aller à la rencontre d’une mine-trésor de renseignements notamment sur une attaque au centre de toutes les discussions : l’explosion à Bir al-Abed contre l’ambassade iranienne. Ce n’était donc pas un petit morceau que le Liban venait d’attraper dans son filet mais voilà…un djihadistes c’est imprévisible. Alors que le pays commençait déjà à être soumis à une pression des pays arabes et de la République islamique d’Iran pour pouvoir bénéficier d’une délégation sécuritaire, l’état physique de l’homme s’est dégradé pour cause d’insuffisance rénane et son cœur à même fini par s’arrêter. Il a surpris tout le monde : personne n’a eu le temps de l’interroger, personne n’a pu ouvrir le coffre au trésor pour comprendre des attaques, en prévoir d’autres et peut-être en empêcher. Le ministère des Affaires étrangères du Liban n’a pas tardé à ce recevoir un message du ministre iranien de la Justice Moustapha Bor Hamdi à son homologue libanais Chakib Cortbaoui, pour demander une présence iranienne dans l'enquête, "étant donné que l'attentat de Bir el-Abed a visé un territoire iranien à Beyrouth". Dans la continuité du message, le ministre iranien des Affaires étrangères a contacté son homologue libanais Adnane Mansour pour féliciter les autorités libanaises de l'exploit sécuritaire que consistait l’arrestation de Maged, lui rappelant la requête iranienne de participer à l'enquête. La requête a été prise en compte par Adnane Mansour qui a pourtant appelé les Iraniens à attendre la décision du ministère de la Justice et du parquet à ce sujet. En Arabie, on ne s’est pas pressé aux portes pour récupérer le corps si bien que le Liban estime que le terroriste devait être enterré sur son sol. En parallèle à l’arrestation, les forces armées libanaises ont été prévenues : les Brigades Azzam n’hésiteront pas à prendre leur revanche. D’autant que nous étions alors au lendemain de l’attentat de Haret Hreik clairement tourné vers le Hezbollah et quelques mois après l’attentat de Bir al-Abed visant l’Iran.

     

    Alors pourquoi terrain d’affrontement entre l’Arabie Saoudite ? Sur fond de conflit syrien, l’Arabie et son collègue qatari sont clairement visés comme étant des soutiens puissants aux groupes rebelles syriens (ASL) voire même aux groupes djihadistes du Jabhat Nusra ou EIIL. Dans un maillage d’alliances complexes dont une partie nous échappe probablement, l’Iran est donc directement en conflit sur la terre syrienne, soutenant financièrement et sûrement militairement via les Pasdarans, le régime d’Assad. Le Liban devient donc le pays où les bombes sont encore la façon modérée de s’exprimer et où la parole diplomatique conserve un poids relatif. Syrie : affrontement direct entre Hezbollah et djihadistes ; Liban : affrontement indirect mais enfin via des attentats que chaque camp voit comme une attaque directe de l’autre. L’Iran, après l’explosion devant son ambassade a immédiatement pointé du doigt l’Arabie Saoudite ce qui a semble-t-il contraint la monarchie wahhabite à abandonner son bébé, sa création syrienne djihadistes : EIIL. M’enfin, le groupe terroriste n’a pas de souci à se faire puisqu’il a su tirer profit dans le temps qui lui était imparti du soutien wahhabite pour être assez puissant maintenant qu’il se trouve seul en scène.    

    Selon les responsables, la lutte contre le terrorisme grandissant à Beyrouth et au Liban (les jurd avec la Syrie étant le lieu de tractations guerrières et d’affrontements meurtriers) nécessite une collaboration avec les services de renseignements des États arabes, de Moscou et de Washington aussi, la Russie et les États-Unis étant déjà engagés dans cette lutte. Les relations étant déjà tellement tendues entre la Russie / l’Iran (soutiens d’Assad) et les monarchies du Golfe (soutiens de la rébellion et sunnites) qu’une telle coopération prête presque à sourire. Nous serions prêts à nous esclaffer : avant de coopérer, il faudrait déjà parler ensemble, à la même table ; de telles discussions sont tout l’enjeu des conférences de négociations sur la Syrie à Montreux. "Le Liban est bel et bien devenu le terrain du combat tacite entre l'Iran et l'Arabie saoudite, ou encore une variante de la crise syrienne", la phrase de ce diplomate résume bien la situation.

     

    Néanmoins, pourrions nous concevoir un moment, un évènement pour une possible ouverture à un dialogue ? Oui ! Et le moment est tout trouvé, c’était aujourd’hui, 35ème anniversaire de la révolution islamique d’Iran ayant amené au pouvoir l’imam Khomeini qui avait au préalable chassé le shah d’Iran.

    Pour célébrer le 35e anniversaire de la révolution iranienne, l'ambassade d'Iran à Beyrouth a organisé une rencontre entre l'ambassadeur Ghadanfar Rokon Abadi et la presse. Une occasion pour les représentants des médias de se rendre à la chancellerie, après le double attentat terroriste qui l'a visée en novembre 2013.

    Les lieux sont devenus une véritable forteresse. Pour reprendre le parallèle énoncé précédemment, cette conférence intervient alors que les pourparlers de Genève II (2ème cession) viennent de reprendre. C’est sur ce sujet brûlant pour un Iran réintroduit dans les relations internationales suite à l’accord P5+1 mais immédiatement stigmatisé par le militantisme anti-Assad et mis sous pression par les puissances occidentales pour savoir l’étendue de son aide à Bachar, que la discussion débute. L'ambassadeur Abadi admet lui-même qu'il ne faut rien attendre des négociations de Genève 2 car même s'il y a un accord, la délégation de l'opposition n'est pas en mesure de l'exécuter sur le terrain qu'elle ne contrôle pas. Bien sûr ces propos, de par leur manque d’objection sont à relativiser néanmoins, ils sont bien la traduction de la mentalité qui règne autour de cette conférence où chacun sait bien que c’est "juste pour la photo" mais où chacun se dit : et si… ?


    Les questions fusent et se murmurent de partout, d'autant que l'ambassade iranienne a été ces derniers temps le théâtre de multiples rencontres entre diplomates iraniens et acteurs majeurs du Moyen-Orient libanais : l'ancien président de la République Amine Gemayel, le leader druze Walid Joumblatt et même l'ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense Élias Murr. Ces rencontres, aussi à voir dans leur dimension de médiatisation servent parfaitement l’image de Téhéran et de son ambassadeur qui ne manque pas de rappeler ainsi que le pays perse établit une parole avec toutes les parties libanaises se posant ainsi comme agent neutre dans un Liban chaotique, ambassade iranienne terre où chacun peut se rendre sans se soucier d’une quelconque appartenance politique. "Nous considérons que le seul ennemi est l'entité israélienne car elle viole les droits des Palestiniens et elle est basée sur l'injustice. Mais nous n'avons pas de problèmes avec toutes les autres parties qui peuvent être nos alliés". Dans un discours axé sur des principes d’ouvertures, Rokon Abadi tient tête fièrement face aux journalistes aux questions pièges sur les relations avec « l’ennemi » wahhabite. Le diplomate se montre aussi fier représentant de son État, un État aux principes inchangés dit-il depuis 35 ans : une république qui continue de ne pas intervenir dans les affaires internes des autres pays et son souci est d'assurer la justice, dans le cadre de solutions politiques. C'était donc sa position depuis le début au sujet de la crise syrienne et elle avait même proposé un plan en six points qui prévoyait un cessez-le feu, une réconciliation nationale, un gouvernement de transition, une nouvelle Constitution, des élections présidentielle et législatives. À ce moment-là, ce plan avait été refusé mais plus tard, le secrétaire général des Nations unies avait sollicité l'aide de l'Iran dans le dossier syrien, et la République islamique avait répondu présente pour participer à l’établissement d’une transition politique dans un pays en ruine où se croise les intérêts de presque tous les voisins mais aussi les intérêts de groupes ou États bien au-delà du Proche ou Moyen Orient. "En même temps, notre position était claire.. Il faut cesser d'armer les factions de l'opposition, notamment les takfiristes, et cesser d'envoyer des combattants en Syrie".

    L'ambassadeur n’a pas oublié de rappeler l’exclusion de l’Iran quelques heures avant le début de Genève II, exclusion justifiée par la non-reconnaissance de Genève I alors même que la République islamique n’avait guère participé à cette réunion. "Nul n'a le droit de se comporter ainsi avec nous. Malgré cela, nous avons déclaré notre appui au processus, même si nous ne sommes pas invités à y participer. Car pour nous, il s'agit d'une question de principes, non d'intérêts. Toute notre politique est décidée en fonction des principes sur lesquels est fondée la République islamique. Notre Constitution prévoit ainsi le soutien aux opprimés. Ni au Liban, ni en Syrie, ni ailleurs nous ne cherchons à imposer quoi que ce soit, car ce serait violer les principes de notre Constitution. Mais nous souhaitons aider" a déclaré Abadi.

    Dans son interlocution, il faut relever que toutes les interrogations et précisions apportées par M. Abadi tournaient autour de la question syrienne. Posé en médiateur, ou du moins c’est la position qu’aimerait adopter l’Iran, la question syrienne n’est autre que le voile de la question cruciale : l’Arabie Saoudite et la guerre presque ouverte dont nous avons parlé plus haut, déclarée officieusement par les groupes djihadistes que l’Arabie soutiendrait et le Hezbollah, du moins sa branche armée au Liban. Abadi rappelle que son pays souhaite les meilleures relations avec la maison des Saouds, d'autant qu'elles auraient des conséquences positives pour l'ensemble de la région notamment si Zarif et la monarchie saoudienne parvenait à s’entendre à propos des aides fournit par chacun des deux camps aux camps adversaires en Syrie. C'est vrai que pour l'instant, les appels de l'Iran n'ont pas eu réellement des échos en Arabie, mais la République islamique ne désespère pas d'avoir un jour des réponses positives, pouvant mettre fin à l’aporie des confrontations entre ASL, EIIL, le jabhat nusra et l’armée syrienne arabe. Abadi croit d'ailleurs que ces réponses ne devraient plus trop tarder car il y a déjà des changements, et son pays appelle constamment à la sagesse et à l'adoption de positions rationnelles. "Bien entendu, il faut aussi attendre la visite du président américain à Riyad...". "Au sujet de la déclaration du ministre iranien des AE sur le fait que tous les combattants étrangers doivent se retirer de Syrie qui a été comprise comme une injonction au Hezbollah ", l'ambassadeur répond qu'au contraire "l'idée du Dr Zarif était de se demander pourquoi on insiste sur la présence du Hezbollah, alors qu'on oublie les autres groupes armés qui, selon les rapports de l'ONU, seraient au nombre de 2 000. De plus, la question est la suivante : si le Hezbollah retire ses combattants de Syrie, la crise dans ce pays sera-t-elle terminée ?". Il est très probable que non étant donné les simples animosités et les différences de représentation sur la forme de pouvoir à venir entre les djihadistes irakiens et syriens (EIIL et Nusra) et l’ASL qui prône une transition laïque et démocratique.


    La question qui est bien sûr dans tous les esprits pour l’instant et dont la réponse pourrait tout changer aux tractations de Genève et aux opérations militaires en Syrie : est-il possible qu'un jour l'Iran lâche le président Assad ou le Hezbollah pour les besoins d'un grand compromis international ? La réponse d’Abadi est classique et assez lapidaire : "c'est l'habitude des États-Uni, de lâcher leurs alliés, pas celle de la République islamique. En 35 ans, où l'a-t-elle fait ?". Mais alors pourquoi Téhéran est-il si attaché au pouvoir de celui qui est vu comme le dernier dictateur survivant aux printemps arabes ? La réponse est encore une fois on ne peut plus rationnelle : "Bachar al-Assad est un président élu et une grande partie de son peuple continue à l'appuyer. Lorsque Jeffrey Feltman est venu en Iran (en tant qu'émissaire de l'ONU), il a demandé aux responsables iraniens d'empêcher le président Assad de se présenter à l'élection présidentielle de 2014, et à la question iranienne de savoir pourquoi, il a répondu : parce que, selon nos études, s'il se présente, il sera élu. Comment peut-on dire qu'on est avec la démocratie et empêcher la population de choisir son président ? Enfin, imaginons un peu la Syrie sans Bachar al-Assad. Dans le contexte actuel, ce serait une catastrophe...". Bien sûr, si la réponse est rationnelle et semble convaincante, elle n’en est pas moins discutable et les réseaux sociaux se font bien le relais de cette haine syrienne envers Téhéran et ses paroles tellement rationnelles qu’elles pourraient presque convaincre l’Occident.


    Le mot de la fin M. Abadi ? "Contrairement aux révolutions actuelles, n'a pas vieilli en 35 ans ni dévié de la ligne tracée, et continue d'offrir un modèle islamique rayonnant basé sur les principes". Ne dérogeons pas aux principes qui marchent, la propagande certes légitime comme toute propagande étatique, reste solide mais doit, comme toute propagande fait l’objet d’une vive mise à distance au risque de tomber dans le panneau : non, tout ne va pas bien au Moyen-Orient.

     

    Questions d'Orient - Le 11 février 2014


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