• Syrie: et si ce dossier des armes chimiques était un nouvel Irak

    Syrie:

    Et si ce dossier des armes chimiques était un nouvel "Irak"?

     

    On ne peut pas dire que les conjonctures syriennes actuelles soit au beau fixe pour les Etats-Unis. On peut même dire que Washington est en train de "pédaler dans la semoule" sur le dossier. Le président de l'OIAC, Ahmet Uzumcu a annoncé hier que les délais accordés pour retirer du pays tous les agents chimiques jugés les plus dangereux auraient du retard. L'accord avait fixé jusqu'à 31 décembre de cette année mais des "problèmes techniques" auraient retardé le déclenchement de l'opération. Malgré tout, le calendrier de destruction des armes défini par la Résolution 2118 du Conseil de Sécurité de l'ONU devrait être respecté. Celui-ci accorde jusqu'à mi-2014 pour achever les destructions. 

    C'est suite aux accusations d'une attaque au gaz sarin contre la banlieue est de Damas, la Ghouta, qui avait failli déclencher des raids armés américains contre le régime en place, que Bachar Al-Assad a accepté de livrer tout son arsenal. 

     

    Une attaque le 21 août dont les circonstances restent très floues et c'est à partir de là que le dossier devient franchement épineux pour les Etats-Unis. Les versions varient. 

    Quelques jours avant l'attaque, le 17 août, le Figaro rapportait que des rebelles syriens faisaient mouvement au sud. 300 rebelles auraient franchi la frontière jordano-syrienne dans la région de Deraa, tout cela épaulé par des commandos israëliens, jordaniens mais surtout, après avoir été entrainés plusieurs mois par des hommes de la CIA dans un camp jordanien. La poussée de ces groupes "d'élite" se serait rapidement fait sentir jusqu'en dans la Ghouta où des membres de l'ASL (Armée syrienne libre) étaient déjà l'oeuvre mais bien impuissants face à la concentration militaire de la ville gouvernementale. David Rigoulet-Roze, chercheur à l'IFAS (Institut Français d'Analyses Stratégiques) :"l'objectif de Washington serait ainsi d'entraîner des opposants pour faire changer le rapport de force face à Bachar al-Assad, sans pour autant intervenir directement, ni armer les rebelles en partie contrôlés par les islamistes radicaux".

    Face à une telle menace, Al-Assad, qui avait fait savoir quelques jours auparavant que face à toute intrusion étrangère dans le pays le régime pourrait face usage d'armes chimiques, aurait pu prendre peur et utiliser le gaz sarin dans cette zone stratégique de Damas. 

     

    Plan des banlieues de Damas

     

    Aucune suite concrète n'a été donnée à cette version. 

     

    Maintenant une autre version nettement plus embarassante pour les Etats-Unis a été livrée le 8 décembre dernier par le journaliste Seymour Hersh, grand vétéran du journalisme d'investigation américain. Il a reçu le prix Pulitzer en 1970 pour son action au Vietnâm et il a contribué, en 2004 a révelé les tortures dans la base américaine d'Abû Ghraïb. 

    Ce dernier a donc publié ce début de mois, un article dans la London Review of Books et autant dire que Washington en prend pour son grade! Le but de l'article est de reconstituer le déroulement des évenements lorsque les Etats-Unis et la France ont voulu intervenir suite à l'annonce d'une attaque chimique. L'affaire avait déjà été très floue notamment suite au retournement brutal du président Obama et sa décision d'attendre avant toute possiblité d'intervention. 

    Cette fois-ci, Washington est accusé d'avoir manipulé des pièces du dossier concernant la possible attaque aux armes chimiques du 21 août qui aurait fait 1400 morts dont une centaine d'enfants. Il semblerait donc qu'on ait voulu modifier ce dossier pour donner une possible légitimité à une intervention américaine contre al-Assad. 

    "Obama n'a pas raconté la totalité de l'histoire", car son administration a "délibérément manipulé les renseignements" en sa possession, assure Hersh. "Le mécanisme de sélection a été analogue à celui utilisé pour justifier la guerre en Irak". A la question qu'il a choisie pour titre de son article – "A qui appartient le sarin ? "–, le journaliste répond qu'il pourrait bien s'agir des rebelles. Il accuse Washington d'avoir "sélectionné les renseignements afin de justifier une frappe contre [le président syrien, Bachar] Al-Assad", reconstruisant a posteriori la conviction de la culpabilité du régime.

    Pour Hersh, ce qu'on aurait refusé de voir et cela découle d'un rapport secret de la CIA, c'est qu'al-Nostra détient totalement la capacité de produire du sarin via un de ses membres: Ziyyad Tarik Ahmed, un ancien soldat irakien grand connaisseur en armes chimiques. 

    Voilà ce qu'écrit Hersh en citant un haut consultant des services de renseignement: "L'administration Obama a transformé les informations en sa possession en termes de chronologie et d'enchaînement des faits, afin de permettre au président et à ses conseillers de faire croire que des renseignements recueillis plusieurs jours après l'attaque avaient été récoltés et analysés en temps réel, au moment même où l'attaque était perpétrée". 

    Après l'attaque, Washington avait affirmé avoir capté une conversation où deux membres du régime syrien interagissent et affirment avoir utilisé le gaz sarin. Etrange...surtout lorsque Snowden, traite des services secrets américains permet la publication le 29 août, d'un rapport secret indiquant que la NSA a perdu tout accès aux conversations entre les membres du régime al-Assad et les commandants militaires. A cela se greffe un autre problème: en décembre 2012, des "capteurs" américains avaient déjà averti de la présence de gaz sarin dans un entrepôt militaire de l'armée syrienne ce qui avait donné lieu à un premier avertissement du président Obama. Pourquoi alors n'ont-ils pas informé immédiatement de l'attaque chimique à la Ghouta? 

    En réalité Hersh indique que le président américain se serait basé sur des conversations enregistrées en décembre 2012 et analysées à postériori. En fait, les américains auraient réinventé l'histoire à partir d'éléments passés...

     

    Comme nous aurions pu nous y attendre, la thèse de Hersh a fait immédiatement l'objet d'une prise de parole à Washington, prise de parole pour démentir cette thèse peu flatteuse pour la première puissance mondiale.

    Qui a raison, qui a tort? Autant de questions historiques qui resteront peut-être sans réponse jusqu'au dénouement de la crise et plus si affinité...

     

    Questions d'Orient/ Le 11 décembre 2013


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