• Tripoli:

    La chasse à l'homme a commencé

     

    Dans la ville de Tripoli, capitale nord du Liban, les effets de la crise syrienne commencent à prendre des proportions assez inquiétantes. En effet, la ville regroupe une majorité ethnique sunnite mais on y retrouve aussi une minorité alaouite, la branche du chiisme auquel est rattachée la famille Al-Assad. 

    Les violences ont pris une nouvelle tournure suite à l'agression punitive contre quatre fonctionaires alaouites qui ont été visé aux pieds par des membres d'un nouveau groupuscule connu sous le nom de "Comité Militaire des proches des martyrs des explosions de Tripoli". Ce groupe s'est créé en réponse au double attentat à la voiture piégée ayant fait au moins 42 morts le 23 août dernier devant deux mosquées de la ville. Les victimes étaient de confession sunnite. 

    Une nette volonté de se faire justice soi-même semble être à la mode puisque cette aggression n'est pas la première: il y a un mois environ, six alaouites avaient été abattus en rentrant à leur domicile. Les milices sunnites de la capitale agissent clairement sous le slogan: chasse aux alaouites et veulent éliminer tout alaouite "s'aventurant à mettre les pieds dans la ville". 

    Le blog libanais francophone L'Orient le Jour a recueilli les propos d'Abed. Il était chef d'une milice de Tebbané mais il est actuellement réfugié dans un pays européen après le meurtre de son neveu et des menaces de mort. "Nous continuerons de sévir tant que notre ennemi se trouve au cœur de notre ville », lance-t-il sans pour autant préciser s'il a un lien quelconque avec ledit « comité militaire ». Malgré son éloignement de Tripoli, sa détermination n'a pas été entamée dans son combat contre la minorité alaouite. Cet alaouite "doit payer pour les crimes commis par Rifaat Eid (le secrétaire général du Parti arabe démocrate) et son père". Et Abed d'ajouter que "tant qu'ils continuent à lever le drapeau syrien au lieu du drapeau libanais ces gens-là ne seront pas considérés comme citoyens de la ville". 

    Les miliciens semblent avoir conscience que ces persécutions visent des innocents qui ne coopèrent pas obligatoirement avec le PAD mais pour autant... "tous ceux qui ont morts dans les explosions, n'étaient-ils pas innocents ? Puisque Rifaat Eid revendique le leadership incontesté de la communauté alaouite, qu'il assume alors la souffrance de la population civile de Jabal Mohsen". 

     

    Pour faire face à ces menaces, une réunion et manifestation pacifique a eu lieu à Jabal Mohsen le 29 novembre. La mobilisation avait comme objectif de protester contre ces violences. Les slogans étaient clairs: c'est la dernière fois que nous faisons une manifestation pacifique. 

    Les habitants craignent tous un nouveau round de violence inter-ethnique vu comme imminent. « Les sunnites de Tripoli estiment que l'État n'a pas sévi au lendemain des accusations qui ont mis en cause la première fois Ali Eid (accusé d'avoir aidé un suspect à fuir après le double attentat de Tripoli) et la seconde fois son fils (qui a proféré des menaces de mort à l'encontre des membres du service des renseignements des FSI) », affirme Omar, qui explique que les milices sunnites de la ville ont décidé de prendre les choses en main eux-mêmes. Pour Omar, cette fois-ci semble être l'explosion générale et la généralisation des violences dans tout le pays, une nouvelle guerre civile pour résumer. 

    La colline de résidence de la communauté alaouite est devenue un ghetto fortifié et gardé par des combattants. La population redoute surtout des attaques à la voiture piégée. « Plus aucune voiture inconnue ne peut désormais passer », dit Mohammad, un combattant alaouite. Ce combattant fait parti du dispositif  de protection mis en place par les habitants. La technique est simple, explique un de ces habitants du quartier : « Les taxis qui ne sont pas du coin et tout véhicule en provenance de l'extérieur sont systématiquement détruits et leurs vitres brisées". 

     

     

    Pour les milices sunnites, la fin à atteindre est un jugement en bonne et due forme du secrétaire général du PAD et de son fils. 

    La logique voulant que ces milices aient été créée pour venger les victimes de l'attentat d'août, les familles ont néanmoins démenti toute liaison avec ces groupuscules. 

    Aujourd'hui même en début de soirée, des dizaines d'obus se sont abattus sur de multiples quartiers de la ville de Tripoli qui est le théâtre d'affrontements meurtriers entre les quartiers rivaux de Bab el-Tebbané (sunnite, anti-Assad) et de Jabal Mohsen (alaouite, pro-Assad).

    Selon l'Agence nationale d'information (ANI, officielle), des obus se sont abattus sur les quartiers de Mankoubine, Rifa, Biqar, Souk el-Kameh, Harat el-Baraniya, Mashrou' el-Hariri, el-Amricane et la rue de Syrie.

    Dans le même temps les échanges de tirs se poursuivaient entre Jabal Mohsen et Bab el-Tebbané.

     

    Questions d'Orient/ Le 01 décembre 2013


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