• Liban:

    l'aide militaire et financière de l'Arabie Saoudite via la France...c'est parti

     

    En visite officielle chez le roi Abdallah d'Arabie Saoudite le 29 et 30 décembre dernier, le président français, M. Hollande a renoué avec la monarchie wahhabite, vue comme un pôle de stabilité économique et militaire parmis les pays du Golfe. Alors que sous le quinquénnat de M. Sarkozy, le Qatar était vu comme l'allié de marque la diplomatie française, c'est aujourd'hui en l'Arabie Saoudite que notre président place tous ses espoirs, espoirs surtout économique en raison de multiples contrats devant être négociés. Et celui sur le Liban en fait parti. La convergence de point de vue à Riyad a été immédiate et s'est soldée par un cadeau intermédiaire de la France au Liban avec l'achat pour 3 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) par le roi wahhabite pour supporter l'effort sécuritaire de l'armée libanaise. 

    Acteur de premier plan dans la crise syrienne qui touche le pays de plein fouet avec les flots de réfugiés passant la frontière ou avec l'instabilité politique et sécuritaire du aux appartenances idéologiques, le Liban doit faire face à un certain déchirement entre partis politiques dans lequel la guerre psychologique et parfois meurtière s'affirme de plus en plus. 

    D'après une source proche de l'enquête citée par le quotidien libanais francophone L'Orient-Le Jour, l'accord entre Arabie Saoudite et Liban tendrait à se concrétiser dans les jours à venir. Malgré les vastes critiques notamment dans le parti du 8 Mars, aucun mouvement politique n'a refusé ou condamné clairement l'aide accordée. 

    Ce qui laisse croire que l'accord se concrétise, ce sont les incessants mouvements du général en chef de l'armée libanaise, Jean Kahwan qui revient tout juste de France. En cours d'évalution des besoins militaires de son armée, il n'y a pas de doutes que la France contrôle et joue son rôle dans la transaction précise des pièces. Notre CEMA (chef d'État major des armées françaises) doit quant à lui se rendre dans les jours qui viennent à Beyrouth. 

    Néanmoins, le projet semble peu structuré ou du moins il paraît peu structuré. Aucun plan chronologique, aucun calendrier n'a été fourni mais selon la source de OLJ, les puissances entretiennent la volonté d'un plan mis en application rapidement ce qui explique sûrement les mouvements des hauts responsables militaires. Aucun plan d'attribution non plus n'a été donné, aucune condition idéologique, politique. Les Libanais sont mis ainsi devant leurs responsabilités et l'armée doit évaluer d'elle-même ses besoins pour être efficace dans ses demandes. 

    Ce qui paraît plus taquiner la presse locale est aussi l'absence de procédures formelles établissant les destinataires des cargaisons. On le sait, le Moyen et Proche Orient sont des régions instables où les réseaux font beaucoup le jeu politique et il est arrivé à de multiples reprises que le facteur se trompe de boites aux lettres (en Libye notamment). Il n'y aurait donc aucune disposition spéciale et le gouvernement semble à même de se prendre en charge pour éviter la dispersion des armes et le fait qu'elles viennent nourrir des mouvements sur la liste des organisations terroristes occidentales comme la branche armée du "Hezb". 

    Pour reprendre les mots du président Hollande lors de sa visite, la France ne s'établit pas contre une force quelconque au Moyen-Orient, mais bien pour "l'État libanais, pour tous les Libanais". 

    La mobilisation internationale autour du pays voisin de la Syrie et acteur semi-direct suite à l'implication de certains groupes dans les combats ou suite aux attentats qui ont frappé des fiefs de mouvements politiques ou confessionnels est pleine aux Nations-Unies. L'aide doit se répartir en trois points: 

    -> assistance au pays dans la gestion du flot de réfugiés syriens et dans l'organisation de camps

    -> le soutien direct à l'économie libanaise 

    -> l'aide directe aussi à l'armée pour endiguer le mouvement de dérive sécuritaire qui fait de certaines villes des villes empreintes de psychose. 

     

    Questions d'Orient - Le 15 janvier 2014


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  • Syrie / Irak:

    Da'ech, l'incarnation de l'internationalisation du djihad

     

    Da'ech encore appelé EIIL (État Islamiste en Irak et au Levant) est une création irakienne. Présent depuis le preintemps 2013 sur le théâtre syrien, l'organisation lutte dans une violence extrême aux rebelles de l'ASL. Si l'organisation fait tant parler d'elle ces temps, c'est que ce groupe local au départ est aujourd'hui en mesure d'arborder des intentions de conquête sur tout le Blad al-Cham (territoire de Syrie Palestine). 

    Mardi dernier, EIIL a fait passer un communiqué dans lequel le groupe se promettait d'exterminer tous les noyaux de résistance rebelle pour instaurer un État islamiste, un califat, régit par la charia (la loi islamiste). 

    Actuellement, Da'ech (Dawla islamiyya fi Iraq waChaam => se dit Da'ich en arabe) a réussi à imposer sa tutuelle sur des zones frontalières du pays en crise notamment au nord, devenu une zone de violence et de danger permanent (cf article du 11 janvier 2014). Ce qui a fait la triste renommé des djihadistes de Da'ech c'est leur hyper violence mais c'est aussi la capacité qu'ils ont eu à redonner un élan considérable au groupe, un groupe affaibli depuis 2010 et contenu dans les régions désertiques et rurales d'Irak. Cet élan a été permis par l'internationalisation d'un djihad mineur contre les toutes formes d'impiété (allant des relations sexuelles hors mariage à la consommation de tabac). 

    Le groupe fait aussi parler de lui en Irak actuellement puisque ses milices tiennent depuis le 3 janvier les villes de Ramadi et de Fallouja et mènent des opérations kamikazes contre des postes de police, gouvernementaux ou civils. Da'ech a aussi étendu son aire d'influence au Liban, pays gagné par les conflits idéologiques suite à l'afflux constant de réfugiés du pays voisin. Le 1er janvier, le groupe a réussi son premier attentat dans le pays contre un fief du Hezbollah, parti de lutte libanais chiite combattant aux coté d'al-Assad. 

     

    Mais revenu un petit peu sur l'histoire même du groupe. Sa création est actée du 9 avril 2003. C'est en tous cas à cette date qu'un jordanien, Abou Moussab al-Zarkaoui fonde la branche mésopotamienne d'al-Qaïda. C'est dans un contexte d'insurréction anti-américaine que son groupe se fait un solide nom en Irak et bénéficie d'aides d'Arabie Saoudite, du Yémen, de Jordanie, d'Égypte ou de Libye. 

    Zarkaoui se taille vite une réputation de terreur dans tout le pays ce qui lui vaut un conflit avec le commandement centralisé d'al-Qaïda dont il dépend. Dominique Thomas, spécialiste des mouvements djihadistes à l'EHESS, cité par le Monde explique que son numéro 2, Ayman Al-Zawahiri "remet en cause la stratégie du chaos de Zarkaoui en Irak" en 2006.

    En juin 2006, après que Zarkaoui ait été tué dans un bombardement américain, le groupe passe sous les ordres de Abou Omar al-Baghadi et renomme l'organisation EII (État islamiste en Irak). M. Thomas explique que "Le groupe s'est repositionné sur des bases et un commandement irakien et a connu son apogée en 2008-2009, prenant pied sur l'ensemble du territoire irakien et jusqu'au cœur de la capitale, Bagdad". 

    Et pourtant, grâce à l'armée irakienne soutenue par l'armée US et les milices sunnites sahwas que les États-Unis ont parvenu à rallier au mouvement anti-djihadistes, les moujahidines sont repoussés et en mai 2010, leur commandant est tué dans un bombardement. Comme c'est la caractéristique de ces groupes, l'hydre de Lerne gagne immédiatement une nouvelle tête toujours aussi accueillante: Abou Bakr al-Baghdadi. 

    Suite à la mort en mai 2010 de leur leader, les combattants ont largement perdu du terrain et se sont cantonnés au contrôle partiel de provinces frontalières rurales ou désertiques. C'est dans ce contexte que la guerre en Syrie est rapidement devenue un puissant allié pour se refaire une petite santé extrémiste. 

     

    La guerre contre le dirigeant syrien a permis un afflux sans précédent de combattants vers le groupe. Néanmois, voilà que la cellule Jabhat al-Nostra voit aussi le jour en Syrie en 2012. On pourrait penser que, joint par une idéologique extrémiste, les deux groupes pourraient s'entendre...hé bien non ! Al-Nostra a prêté allégeance dès le printemps 2013 à al-Qaïda devant les ambitions de contrôle de la branche syrienne de La Base par EII. Al-Jolani, le chef d'al-Nostra a rapidement été reconnu par le commandement centralisé d'al-Qaïda comme la branche syrienne car composé majoritairement de syriens et ce même commandement a voulu séparer distinctement EII (Irak) et al-Nostra. "Il y avait un conflit de personnes, de pouvoirs mais aussi d'agenda. Jabhat Al-Nosra voulait conserver un agenda clairement syrien et rester dans la stratégie souterraine de dissimulation du projet d'Etat islamique" note M. Thomas

    Malgré les directives établies par al-Zawihiri, numéro 1 d'al-Qaïda depuis la mort de Ben Laden en 2011, EII ne s'est pas arrêté là et à immédiatement envoyé des hommes armés dans le nord de la Syrie grâce à son contrôle des zones frontalières et à un regain de puissance. La mutualisation des terrains de djihad a donc été très bien exploité par EII et cela s'est traduit par son nouveau nom: État Islamiste en Irak et au Levant. "L'ancrage syrien offre à l'EIIL un accès à la frontière turque, important pour les ravitaillements, et lui permet de mettre la main sur les ressources énergétiques de cette région pétrolière". 

    Abou Mohammed al-Jolani, irakien en charge de la branche syrienne d'EIIL a développé grâce à la terrible guerre civile syrienne une véritable économie de guerre et à bénéficier de financements étrangers... Comprenons par financements étrangers: Arabie Saoudite, Qatar...que les pays occidentaux financent à foison en les déclarant nos meilleurs amis...mais ça il  ne faut pas trop le dire! Toujours est-il que le groupe naissant a internationalisé le djihad et se trouve maintenant en position de force par rapport à al-Nostra avec 5 à 6000 combattants. 

    Alors pourquoi un tel emballement ces derniers temps avec l'ASL? Dans un premier temps, les combattants islamistes ont usé à bon escient de la démagogie avec la population: rations, surêté etc. Bien vite, se sentant pousser des ailes, al-Jolani a prouvé son incapacité à tirer profits des anciennes erreurs et s'est engagé dans une politique de terreur en commettant rapts, exécutions publiques, exactions, pillages, évincements de chefs rebelles reconnus. La population ne pouvait plus se reconnaitre dans la cellule terroriste et depuis janvier, l'ASL combat fermement cette branche devenue pire encore que le régime suite aux exécutions d'enfants de quinze ans sur une place publique pour avoir refusé une tasse de thé gratuite. 

    Le second front actuel est bien sûr l'Irak. Les djihadistes ont profité de la vague de contestation sunnite contre Maliki, le premier ministre, vague partie du démantèlement d'un camp de réfugiés qui servait de base arrière aux organisations terroristes. Grâce aux alliances locales notamment de tribus sunnites, EIIL n'a eu aucun mal à prendre le dessus sur l'armée et les forces gouvernementales et à arracher Ramadi et Fallouja pour déclarer les villes État islamiste. Pourtant, "les combattants de l'EIIL et les tribus locales ne partagent pas la même vision de l'Etat ou de la société. Il y a entre elles une adhésion par pure solidarité contre un même ennemi. Ce sont des allégeances volatiles" explique Dominique Thomas dans le Monde. Et donc c'est ce ancrage local, travaillé depuis la guérilla contre les États-Unis en 2003-2004 que ces villes resteront État islamiste. Les ancrages sont donc fragiles dans leurs bases mais restent détenteurs du pouvoir et de la psychose s'intallant progressivement dans le Blad al-Cham...

     

    Questions d'Orient - Le 12 janvier 2014


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  • Syrie (nord): 

    "Club Med" pour djihadistes

     

    On le dit peut-être pas assez mais le nord du pays en ruine et en guerre civile est sûrement devenu un des lieux les plus dangereux pour les journalistes. Avec l'augmentation des katibas islamistes et des groupes de brigands et mercenaires djihadistes, ces lieux deviennent des pièges terribles dont très peu sont encore ressortis. 

    C'est le cas de Matthew Schrier, un jeune américain de 34 ans. Après avoir étudié le cinéma sans résultat, il a décidé de tenter sa chance comme beaucoup en se faisant photographe de guerre pour vendre ses clichés à des agences américaines. Et pour cela, on lui a proposé de joindre Alep depuis la Turquie. La ville syrienne en ruine se situe à environ une centaine de kilomètre d'une frontière totalement ouverte où transitent tous les combattants de l'ASL mais aussi beaucoup de djihadistes venus du monde entier pour rejoindre des katiba islamistes. Toujours est-il qu'après dix-huit jours dans une cellule locale de résistance, il décide rentrer en Turquie mais son chauffeur se fait attendre et le 31 décembre approchant, il décide de prendre le premier guide venu. A la sortie de la ville rebelle, des hommes dont les visages ont recouvert de foulards noirs l'arrêtent et l'invite à les suivre sur un ton amical pour une vérification. Le jeune homme vient de disparaître du paysage syrien et de tomber dans ce que le journaliste italien Domenico Quirico relâché après cinq mois décrira comme "Le pays du mal". 

    Le cas du jeune homme n'est pas isolé. On peut citer l'enlèvement des journalistes français Edouard Elias ou Dider François aussi enlevés à Alep le 6 juin 2013 ou Nicolas Hénin et Pierre Torres disparu le 22 juin à Rakka. 

    Le cas est alarmant dans la mesure où depuis leur disparition, les ravisseurs n'ont donné aucun signe. Aucun visage, aucune voix, aucun lieux, aucune preuve à mettre sur ces enlèvements, aucune rançon. Aux cris désarmés familiaux ne répond qu'un silence laissant planer toutes les éventualités... 

    La Syrie est devenu le premier conflit où les terres en guerre étaient aussi risqués pour les hommes de l'information. Mais c'est aussi la première fois que les ravisseurs agissent la sorte. 

    Devant cette situation dramatique pour le journalisme de terrain et de guerre, 13 Agences de presse mondiales (dont AFP) ont signé une courrier destiné aux groupes armés où ils s'accordent à dire que le pays est devenu trop dangereux pour envoyer des hommes pour couvrir les jours de guerre. La situation est par ailleurs assez néfaste aux rebelles laics qui ne peuvent que difficilement se faire entendre par les Agences journalistiques ou afficher les revendications et leurs actions. Alors que Genève 2 se rapproche, l'OSDH a arrêté de compter les morts de la guerre, l'imbroglio étant beaucoup trop important sur le terrain pour faire un décompte sérieux. 

    Mais ce sont aussi les humanitaires qui sont touchés (Acted, MSF, CICR), les religieux chrétiens (le père Paolo Dall'Oglio ou les évêques Boulos Yazigi et Yohanna Ibrahim), des milliers de syriens, des soldats gouvernementaux qui sont gardés au chaud pour un futur échange de prisonniers, des notables locaux, des activistes ou des citoyens pour un mauvais regard, un mot dit un peu trop fort ou une cigarette... 

    Le témoignage de Schrier reste majeur pour comprendre l'organisation de ces cellules. Il a été enfermé dans une usine à otage où il s'est trouvé avec vingt-deux autres hommes dans le même cas que lui. La prison avait été sectorialisée suivant les professions, les rôles. Les prisonniers avaient le droit à une minute par jour pour faire les besoins. La minute passée, les hommes étaient battus. C'est ce que Matthew Schrier a appelé le "Club Med" des terroristes. Il a mentionné parmis ses ravisseurs, un jeune garçon de douze ans dont la passion était l'électrocution des prisonniers avec un taser. Trois autres étaient des canadiens anglophones. Les terroristes ont profité de leur état de supériorité pour dévaliser les comptes du jeune homme en achetant sur Ebay, des pièces de voiture ou des smartphones. 

     

    En réalité, derrière tout ces rapts il y a un but économique: un marché de vente en pleine prolifération. Les prisonniers (essentiellement les journalistes) sont revendus. Ils auront déjà été vendus (trahis) par leur chauffeur contre une somme. Si les évasions ont été rares (trois seulement dont Matthew Schrier), les libérations ont été monneyées. On compte ces libérations au nombre de trois, nombre infiniment petit. Il s'agit de l'italien Domenico Quirico, de Pierre Piccinin et de Jonathan Alpeyrie. Les autorités ont divulgé la somme de sa libération: 450 000 dollars selon Le Monde. Alpeyrie s'est d'ailleurs lamenté que la somme était divulguée, déclarant que c'était une incitation aux rapts sachant les sommes engagées, très importantes pour des katibas locales qui ont compris comment bâtir un petit royaume de terreur. 

    L'histoire de Jonathan est aussi édifiante sur la mentalité et l'imbroglio qui règne au sein de ces groupes. L'homme a été capturé à Yabroud le 29 avril de l'année passée par une cellule de brigands djihadistes. Il a été successivement attaché à un lit pendant trois semaines puis attaché à une fenêtre puis on lui a proposé de se convertir à l'islam et les terroristes ont simulé une mise à mort. Soudainement calmés, ces derniers lui ont demandé gentiment des explications sur le fonctionnement d'un apparail détécteur de métaux. En discutant avec ses geôliers, il leur a expliqué qu'il pratiquait le water-polo. Visiblement passionné, le chef lui a demandé de lui apprendre à nager. Le journaliste s'est retrouvé à sauver de la noyade un petit homme dans une eau glacée. Puis on lui a annoncé sa libération, il a été embarqué, s'est retrouvé dans une maison d'un cheikh puis transporté chez un homme d'affaire proche du régime à Damas. Ce dernier l'a enfourné dans un coffre de voiture et l'a transporté à Beyrouth avant de le lâcher devant l'ambassade française de la ville libanaise. Ce qu'il s'est passé en réalité c'est que cet homme, sur les listes noires des occidentaux a racheté le journaliste aux djihadistes. 

    Ces transactions malsaines et étranges transcendent totalement les logiques guerrières et les appartenances guerrières. L'argent fait le tout et des hommes de Damas se trouvent à racheter des prisonniers à des opposants....l'argent servira probablement à acheter quelques kalachnikov. 

    Ce que le Monde décrit comme de "troublants mimétismes" entre les camps sont beaucoup plus concrets qu'on ne le pense. Durant sa capture par Jabhat al-Nostra (le nom fait le reste...) Matthew Schreier a subi le supplice de la falaqa pour avoir essayer de creuser un trou dans sa porte. Le supplice est connu pour être le favori des moukhabarat, les services secrets d'al-Assad et consiste à recevoir 115 coups de cables métalliques sur les pieds. On assiste donc à un transfert des tortures peut-être subies au départ des contestations sur les prisonniers plus faibles. 

     

    Finalement ce qui reste le plus inquiétant est l'imbroglio qui règne dans le pays. Il apparaît que les groupes ne communiquent pas avec les ambassades ou les familles pour des rançons ou pour donner des preuves de vie mais les preneurs d’otages ne parlent pas non plus entre eux. Les questions qui demeurent c'est pourquoi toutes ces absences ou ces mises en scène humiliantes? Peut-être ne savent-ils pas quoi faire de ces centaines de prisonniers qui s'accumulent dans des conditions d'hygiènes effroyables, peut-être travaillent-ils sur la psychose, devenus des créateurs de peur à temps perdu... Décourager les journalistes de venir? Pas très astucieux dans un pays où les preuves journalistiques non intéressées restent les principales preuves concrètes des diverses exactions et revendications... 

    Cette psychose, cette création de groupes dont l'image ternie chaque la rébellion à cause de la férocité déployée est une grande victoire stratégique, politique et géopolitique d'al-Assad. Ces groupes sont à l'image de certaines exactions de son régime donc tout autant condamnable ce qui place l'ASL mais aussi les occidentaux dans une situation de malaise profond quant à un interventionisme ou à une prise d'opinion.

     

    Questions d'Orient - Le 11 janvier 2014


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  • Liban:

    des bombes à la guerre psychologique

     

    Les récents attentats à la bombe qui ont secoué le pays libanais fin décembre, tuant notamment le proche conseil de Saad Hariri ont répandu une psychose dans la population. Une psychose guerrière qu'ont récupéré les réseaux sociaux pour la transformer en une psychose virtuelle, infondée mais bien présente dans les rues de Beyrouth. Comme souvent, les artisans de ces articles à rumeurs maitrisent parfaitement leur sujet et attendent avec patience leur tour pour récupérer les bénéfices de la crainte populaire. 

    Rien de bien créatif là-dedans, beaucoup de déjà vu: l'objectif est de pousser l'ennemi dans une position où il se sent acculé au mur et dans une position de faiblesse qui peut être réelle ou construite de toutes pièces. 

    Si cette psychose et les attentats qui ont ensanglanté le pays fin 2013 sont sans aucun doute liés à la dérive sécuritaire du pays voisin, la Syrie en pleine guerre civile et à l'engagement du Hezbollah aux côtés de Bachar, les dégradations sécuritaires sont incontestablement liées aussi à la crise ministérielle que traverse le pays. Les questions politiques sont animées par la formation d'un cabinet politique ou neutre en cas de non accord des parties (la difficulté étant de faire coexister le Hezbollah et le 14 Mars). 

    De fait, et comme dans beaucoup de guerres qu'elles soient virtuelles ou physiques, les artisans des parties sont toujours plus audacieux et plus forts pour trouver les bons moyens...jusqu'à "hacker" et à pervertir un message transmis sur le compte Twitter de l'ambassade américaine de Beyrouth. Ce dernier incitait les ressortissants américains au Liban à prendre les mesures nécessaires face aux dangers du pays...mais ne laissait en aucun cas planer d'ambiguité sur la question. Récupéré astucieusement, un compte falsifié se faisant passer pour l'ambassade américaine a déclaré: "Messages claiming to be from @usembassybeirutwarning Americans to “avoid crowded places tonight & tomorrow” were NOT issued by the Embassy.", si traduction: ne pas sortir de chez soi pendant deux jours. Ce semblant de glauques prévisions n'a pas tardé à circuler par le bouche-à-oreille, par les "retweet" etc. et l'ambassade américaine a beau eu assurer que ce n'était qu'un hacking, la psychose populaire avait déjà fait son effet.

    Rattaché à l'affaire syrienne des "encagoulés" (cf article du blog à ce sujet), un ingénieux auteur de blog a monté un véritable roman policier à intrigue palpitante déclarant que des miliciens rattachés à al-Qaïda investissent chaque nuit les rues de Beyrouth, transformant l'ambiance de la ville libanaise en une ambiance de ville pakistanaise. Ces blogs, rapidement relayés grâce aux différents contacts et lieux sont issus du parti du "Hezb" (Hezbollah) et n'hésitent pas à prétendre que ces miliciens sont rattachés au Parti du Courant du Futur dirigé par le sunnite Saad Hariri et faisant parti de la mouvance du 14 Mars. 

    Ces incriminations contre les sunnites ou al-Qaïda sont aussi palpables dans les médias qui ont annoncé avant même les expertises, que l'incident ayant ravagé une très vieille bibliothèque à Tripoli il y a une semaine ne peuvent être du qu'à la Qaïda...étant donné que la bibliothèque appartenait à un prêtre chrétien. 

    Aucun résultat n'est clair pour l'instant et il n'est peut-être pas décalé que d'annoncer qu'un tel acte peut être dû à La Base mais ce que les quotidiens libanais et moyen-orientaux reprochent à ce type d'accusations directes est qu'elles agissent telle une souflerie sur un petit foyer de braises dans un contexte de grand incendie politique et confessionnel.

    Attirés par des titres alléchants et des mails envoyés par dizaines de milliers, ce type d'écrits ne peut pas réellement être endiguer lorsqu'il a fait son effet. Les FSI peuvent toujours se démener pour appeler les citoyens à ne pas prêter garde aux rumeurs sur des voitures piégées ou de ne pas "croire" des communiqués officiels, rien n'y fera...déjà parce qu'il est dur dans un pays aussi chaotique de ne pas se référer à des instances officielles comme les comptes twitter accrédités d'un petit V ... ...

    D'une réaction normale, les citoyens semblent donc se laisser impressioner pendant que les artistes attendent de récolter les fruits bien murs d'une population terrorisées qui pourra se mettre entre les mains de n'importe quel protecteur.

    Il suffirait pourtant que notre "blogeur fou" prennent sa retraite en tant qu'écrivain de best seller pour 2014...

     

    Questions d'Orient - Le 09 janvier 2014


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  • Afghanistan / États-Unis:

    un "Book of Memory" qui risque de faire jaser

     

    Le Républicain, Robert Gates, général Secrétaire à la Défense américaine de 2006 à 2011 vient de publier ses Mémoires: 'Duty: Memoirs of a Secretary of War". Le livre ne sort que le 14 janvier mais le Washington Post et le New York Times ont eu quelques exclusivités sur des passages des Mémoires. En fait, jusque là, rien d'extraordinaire. C'est un petit peu une tradition pour les hauts fonctionnaires de la Défense que d'écrire les Mémoires après leur passage au gouvernement. 

    Ce qui rend le livre plus problématique pour l'administration Obama ce sont les critiques sensibles dont Gates ne se prive pas...c'est le moins qu'on puisse dire. La grande révélation du général est le manque de confiance du président américain dans sa stratégie en Afghanistan. On peut lire notamment que "il (le président Obama) était sceptique sinon totalement convaincu que (sa stratégie) allait échouer". L'objectif premier de l'administration Obama était la sortie le plus vite possible de l'enlisement des vallées afghanes. 

    Gates, qui décrit Obama comme un homme "intègre" reconnait néanmois que le chef américain a su prendre de bonnes décisions en Afghanistan mais qu'il était très mal à l'aise devant ces guerres (Irak et Afghanistan) directement héritées de l'administration Bush. Ses doutes portaient aussi sur les généraux et leurs capacités à lui soumettre l'intégralité des possiblités géostratégiques. De cette manière, Robert Gates mentionne une réunion, courant mars 2011, où il lui semblait que le président Obama avait la certitude que la stratégie choisie et appliquées dix-huit mois plus tôt et consistant à l'envoie de 30 000 hommes supplémentaires sur le terrain était un échec et où il doutait des capacités du général Petraeus, chef des opérations afghanes: "J'étais assis là, je me suis dit : le président ne fait pas confiance à son commandant (militaire), ne peut pas supporter (le président afghan Hamid) Karzaï, ne croit pas en sa propre stratégie et ne considère pas cette guerre comme la sienne. Pour lui, il s'agit juste de se retirer". 

    L'ancien chef ne manque pas non plus de régler quelques comptes avec des collègues. Il est néanmoins à noter que Gates est un républicain, un des hommes qui a accepté la "cohabitation" avec l'administration Obama et par conséquent de rester en poste. Ses différents doivent donc être sûrement interprétés comme des désaccords politiques. Il se montre particulièrement critique vis-à-vis de Joe Biden (le vice-président) et du conseiller à la sécurité nationale, Tom Donillon. Les deux hommes étaient partisans de l'envoi d'un nombre beaucoup moins importants de troupes en terres afghanes: "Il s'est trompé sur quasiment toute décision majeure de politique étrangère et de sécurité nationale ces quatre dernières décennies", déclare-t-il à propos de Joe Biden, qu'il considère toutefois comme un "homme intègre".

    Mais en chef militaire, Gates ne manque pas non plus de concevoir ses erreurs: il avait déconseillé l'envoi de la Team Six des Seals à Abbottadad au Pakistan pour l'arrestation de Ben Laden, une décision qui sera finalement prise par le président Obama."C'était l'une des décisions les plus courageuses que j'aie jamais pu voir à la Maison Blanche", admet M. Gates et autant dire qu'il a de l'expérience en ce qui concerne les présidents: il a servit sous huit de ces hommes à divers postes d'État-major. D'après le Washington Post, Gates admet aussi qu'il n'a pas recherché la confrontation avec le président alors que ce dernier avait décidé de centraliser à la Maison blanche tous les aspects de la politique de sécurité et de défense. Gates assure que "la Maison blanche (l'administration du président Obama) était, et de loin, la plus centralisée et exerçant le plus grand contrôle en matière de sécurité nationale depuis Richard Nixon et Henry Kissinger". 

     

    La Maison Blanche de son côté a réagi aux déclarations non sans certaines petits contestations...

    "De son rôle dans les Balkans lorsqu'il était au Sénat à ses efforts pour mettre fin à la guerre en Irak, Joe Biden a été l'un des hommes d'Etat majeurs de son époque et a contribué à faire progresser le leadership américain dans le monde", a déclaré la Maison Blanche, tout en déclarant la position de désaccord de M. Obama avec les déclarations de l'ex-secrétaire à la Défense.

    Néanmoins, l'administration Obama et le Conseil national de sécurité ont nuancé les désaccords en indiquant qu'Obama "appréciait grandement" le travail accompli par Gates durant ses années à la tête du Pentagone et qu'il "acceptait volontiers les divergences de vues au sein de son équipe de sécurité nationale qui lui permettent d'élargir ses options". "Les réflexions sur notre politique afghane ont été largement portées à la connaissance du public tout au long de ces années, et on sait bien que le président était engagé à mener à terme la mission d'interrompre, de démanteler et de vaincre al-Qaïda tout en faisant en sorte que nous ayons un plan clair pour mettre fin à cette guerre, qui s'achèvera à la fin de cette année". 

     

    Autant dire que si ce types de déclarations ne sont pas réellement une surprise pour l'opinion publique, il se pourrait qu'elles influent sur les options à venir dans la politique du président américain. 

     

    Questions d'Orient - Le 08 janvier 2014


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