• Liban:

    l'assassinat de Chatah; la bombe à retardement d'un conflit civil? 

     

    L'attentat a défrayé la chronique hier, Mohammad Chatah, haut responsable de mouvement modéré du 14 Mars au coté de Saad Hariri a été assassiné lors d'un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. L'explosion a fait sept morts et plus de 70 blessés. 

    L'homme touché n'étant pas des moindres, le ballet diplomatique d'accusation et les tensions ont immédiatement été ressenties dans les rues libanaises et à l'échelle internationale. Le Hezbollah, responsable avéré de la mort en 2005 de Rafic Hariri, grand premier ministre libanais, est encore pointé du doigt avec son voisin, le régime syrien. "Les meurtriers (...) sont ceux-là mêmes qui ont tué et continuent de tuer les Syriens à Qousseir, Qalamoun, Ghouta, Alep, Homs et Idleb", a indiqué dans un communiqué le Conseil national syrien (CNS). "Les meurtriers sont sans aucun doute l'alliance entre les régimes iranien et syrien et leurs agents au Liban et à leur tête la milice sectaire et fanatique du Hezbollah".

    Damas et le Hezbollah ont démenti fermement ces accusations, l'ambassadeur syrien à Beyrouth a même pointé du doigt l'Arabie Saoudite. "Ces accusations arbitraires et sans discernement émanent de haines politiques", s'est exclamé le ministre syrien de l'Information, Omrane al-Zohbi, cité par l'agence SANA. "Certaines personnalités au Liban n'ont jamais cessé d'accuser (le pouvoir à Damas) à chaque fois qu'un assassinat douloureux se produit dans le pays frère qu'est le Liban", a poursuivi le ministre, en allusion à la coalition du 14 Mars qui combat par le discours politique les organisations du Hezbollah et les très ingénieux services secrets syriens manipulant habillement des groupuscules. (Propos rapportés par l'Orient-Le-Jour le 28 décembre 2013)

    La coalition du 14 Mars est menée par l'ex premier ministre Saad Hariri et Chatah était un proche conseiller de Hariri. Ce dernier est tout de même la neuvième personnalité politique assassinée depuis 2005 et qui était en lutte contre le régime de Damas et le Hezbollah libanais. Comme par prémonition, quelques minutes avant l'explosion, Chatah tweet en accusant le groupuscule terroriste libanais de vouloir se construire une mainmise en termes de politique extérieure mais aussi intérieure sur le pays libanais comme a peu le faire le régime de Bachar al-Assad jusqu'en 2005. 

    Alors qu'une revendication ne fait surface, les questions sont surtout portées sur la signification qui a voulu être transmise à travers l'assassinat. C'est avant tout l'élimination d'un symbole d'un pays, un symbole de modération et un symbole d'un homme politique influent et militant. Ses proches et collaborateurs ont estimé qu'il s'agissait bien d'une grande pensée politique. 

    Chatah a occupé de hauts postes durant sa carrière: ancien ambassadeur, ministre de la finance...cet économistre libéral de gauche s'était tissé de nombreux liens, de nombreuses amitiés au cours de ses démarches dans les grandes enseignes politiques internationales. 

    Assassiné à quelques centaines de mètres de là où l'a été Rafic Hariri en 2005 et à quelques centaines de mètres de la maison de Saad Hariri, le jeu des messages a commencé pour les libanais toujours plus forts dans ce type de démarche. 

    De nombreux quotidiens y voient en premier lieu, un message fort envoyé à Hariri en proie à un mouvement de mobilisation sécuritaire général. En frappant ainsi, les terroristes montrent qu'en aucun cas leur rayon d'action n'est handicapé. Ils sont en mesure d'assassiner un membre éminent de son entourage au coin de sa rue... Peut-être une disuasion pour un retour au pays? 

    Toujours est-il que le choix de l'emplacement et de la cible est très symbolique et cela ne laisse pas planer l'ombre d'un doute au sujet des assassins. C'est ce que déplore le mouvement du 14 Mars tandis que le régime syrien et le Hezbollah se sont montrés sur le défensif immédiatement: "Attendons que la police ait analysé les caméras de surveillance, qui ont dû filmer l'arrivée et le départ des assassins, a-t-il fait valoir. C'est avec des arguments modérés qu'on doit défendre l'homme de la modérationa déclaré dans un communiqué Hikmat Dib. 

     

    Dans tous les cas, si le but était d'envenimer les animosités sunnites/chiites au Liban sur toile de crise syrienne, le pari est réussi. L'Orient-Le-Jour et son correspond sur place rapportaient aujourd'hui que l'ambiance urbaine était à la pression et que les tensions idéologiques et confessionnelles entretenaient un "climat malsein" à Beyrouth. Le quotidien libanais francophone estime que cela pourrait jouer en faveur d'une désintégration de la population libanaise. M. Sleiman, le président libanais y a vu une volonté claire de ranimer le brasier qui a jadis fait flamber en guerre civile le pays. 

    Au lendemain de l'attaque, l'imprévu sécuritaire reste le mot d'ordre qu'a laissé la bombe. Des bombes, il peut y en avoir partout et ce message est bien la signature de ce type d'acte. Le Hezbollah, qui se veut faire face à la formation possible d'un gouvernement visant à éliminer l'organisation ne veut pas laisser sa part; tous les moyens étant bons pour se faire entendre. 

    Une autre source qui a fait passer son messager par une chaine de télévision locale a estimé que Chatah était un "agent des américains et des sionistes" justifiant ainsi qu'il puisse avoir un nombre non négligeable d'ennemis au pays. 

    Contre la Syrie cette fois-ci, des preuves sont formelles, la voiture utilisée pour la bombe a été volée avec une autre à Saadiyate en novembre 2012. L'autre voiture volée aurait été retrouvée à Aïn al-Héloué aux mains d'un groupusucle récupéré et manipulépar le régime Al-Assad, Fateh al-Islam.

    Enfin le dernier message envoyé est lui envoyé à l'institution de La Haye qu'est le TSL (Tribunal Spécial Libanais) qui doit jugé dans moins de vingt jours, le 16 janvier, cinq membres du Hezbollah accusés de complicité ou meurtre dans l'assassinat d'Hariri. Intimidation, provocation? 

    Ce type d'attentat semble tirer la sonnette d'alarme du retour à un état d'insécurité étatique, forçant les membres politiques modérés en opposition aux groupes terroristes à mener une vie clandestine dans un soucis de sécurité. 

     

    Questions d'Orient/ Le 28 décembre 2013


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  • Syrie / Russie:

    prospection, exploitation, guerre

     

    C'est dans un contexte d'enlisement profond de la guerre civile en Syrie que le régime du président Bachar al-Assad a signé hier, un traité de prospection de ses réserves de gaz et pétrole avec la Russie. 

    C'est l'allié traditionnel qui s'y colle d'autant qu'un tel accord permet un engagement à long terme et une assurance de relations stables car acceptées pour 25 ans. Car oui, c'est pour 25 ans que viennent de s'engager les deux puissances, ce qui traduit un mépris et une ignorance totale de la guerre qui ravage le pays. En acceptant un tel contrat sur une telle durée il faut y voir de la part de la Russie, une marque de très grande confiance en l'échec de la rébellion et une assurance du maintien de Bachar (du moins des alaouites) au pouvoir pendant un certain temps. 

    Pour ce qui est concrètement de l'accord, il doit prospecter ce qui apparaît actuellement comme la réserve la plus importante de la Méditerranée et s'affiche comme le premier accord de prospection gazière et pétrolière dans les eaux territoriales syriennes. 

    "Il s'agit du premier accord jamais signé portant sur une exploration de gaz et de pétrole dans les eaux syriennes", a indiqué mercredi le directeur général de la Compagnie générale syrienne du pétrole Ali Abbas. Il a été pensé et conçu au siège du ministère du Pétrole et des ressources minières à Damas par le ministre syrien du Pétrole, Sleimane Abbas, la Compagnie générale syrienne du Pétrole et l'entreprise russe Soyuzneftegaz company.

    Alors même que l'imbroglio total règne sur les villes détruites de Syrie et que les voisins, occidentaux et ONG interviennent à bon ou mauvais escient, cette récente découverte d'un tel potentiel offshore pour un pays en crise dans une région en crise n'a pas fini d'exciter les voisins, alliés ou non. C'est la Syrie, le Liban, Israël et Chypre qui vont avoir à entamer leur ballet diplomatique pour jouer leurs cartes. Inutile de penser que cela va déclencher de "nouveaux conflits", Liban et Syrie sont déjà "officiellement' en guerre contre Israël. 

    Le coût de la prospection a été estimé à 100 millions de dollars sur une surface de 2190 km² et devra s'effectuer sur plusieurs phases. Mais "le jeu en vaut la chandelle"! Les évalutions portent à 38 000 milliards de pieds cube de gaz les réserves fraichement découvertes. 

    D'après la revue Oil and Gaz Journal, la Syrie possède déjà des réserves bien supérieures à ses voisins (Irak exclu) avec 2.5 milliards de barils. Fin 2012, les réserves prouvées étaient de 8.500 milliards de pieds en gaz.

    Mais le régime al-Assad a aussi "payé" son engagement répressif contre le soulèvement populaire et les sanctions internationales multiples depuis mars 2011 ont fait chuter de 90% la production pétrolière syrienne. Au premier semestre, la production gazière est passée de 30 millions de mà 16.7 millions. Pour ce qui est du pétrole, aux 380 000 barils extraits par jour ont succédé des chiffres beaucoup faibles de 39 000 barils par jour. 

    Alors même que le Kremlin vient d'annoncer que Genève 2 serait difficile à maintenir le 22 janvier en raison des conjonctures géopolitiques et diplomatiques, la signature de ce contrat intervenue après "plusieurs mois de longues négociations" entre les alliés syriens et russes, "constitue un défi", a déclaré le ministre syrien mais c'est aussi "la preuve de la poursuite de la coopération entre les deux peuples et gouvernements syrien et russe"; petit détail qui risque fort de ne pas satisfaire l'opposition. 

    La Coalition de l'opposition a estimé jeudi nul l'accord venant d'être passé entre les deux camps tout en brandissant la voix de refus du "peuple syrien tout entier". "La Coalition condamne cette signature qui vise à donner les richesses de notre sous-sol contre des armes russes destinées à tuer le peuple syrien", écrit le mouvement dans un communiqué. "La signature par la société russe d'un des plus importants contrats dans la région avec le régime criminel, alors que les combats se poursuivent sans répit, met en évidence le fait que le gouvernement russe a signé un accord pour fournir au régime des armes supplémentaires pour tuer le peuple syrien", n'a pas manqué d'ajouter l'opposition.

    La Russie a aussitôt été accusée de crimes en alliance avec le régime puisque la guerre...ça ne se fait pas sans les sous !

     

    Questions d'Orient/ Le 26 décembre 2013


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  •  

    Je souhaite de très bonnes fêtes de Noël à tous les visiteurs du blog, toujours plus nombreux!

    Merci d'avoir donné un vrai élan au blog! 

    Une pensée pour les militaires français dans des contrées lointaines en guerre, ce soir, loins de leurs familles. 

     

    E. Baptiste, administrateur du blog. 


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  • Égypte:

    dans le chemin pour un retour à un État policier?

     

    Dans une Égypte en crise sous tous points de vue, l'appareil militaire, seul pôle de stabilité ne cesse de renforcer sa puissance. Et les agissements autoritaires du ministère de l'Intérieur sous la coupe du ministre de la Defense, le général Sissi, fait craindre le retour à un État policier. 

    Trois figures de la révolte contre l'ancien dictateur, M. Moubarak, ont été arrêtés et condamnés à la prison, accusés de manifestions illégales. Ce sont Ahmad Maher, Mohammed Abdel et Ahmad Douma. Leur condamnation qui paraît injustifiée fait craindre le retour d'un État brutal et comparable à celui d'Hosni Moubarak. Ce sont les premiers manifestants non islamistes arrêtés depuis la destitution du président islamiste M. Morsi, le 3 juillet de cette année. 

    Cela paraît d'autant plus injustifié et injuste que les jugements interviennent au lendemain de l'acquittement des deux fils Moubarak et de Ahmad Chafiq dans des affaires de corruption. Chafiq a été le dernier Premier ministre de Moubarak, candidat au second tour de la présidentielle contre Morsi puis défait par ce dernier. 

    14 ONG égyptiennes craignent l'anéantissement des progrès et des promesses de l'armée depuis la destitution de Morsi et voient le retour d'un "État policier plus brutal de jamais". Pour nombre de militants des premières heures, ce nouveau pouvoir est comparable à  « l'avant-révolution ». « Il est clair que le pouvoir laisse désormais la responsabilité exclusive du dossier de l'activisme politique et public à l'appareil sécuritaire, comme cela était le cas » du temps de M. Moubarak, accuse ainsi le communiqué des 14 ONG égyptiennes. Rapporté par l'Orient-Le-Jour, M. Dorsey,chercheur à l'École d'études internationales S. Rajaratnam de Singapour déclare que "Dans les faits, (le régime) conserve un pouvoir autocratique. Si l'on ajoute à cela la loi sur les manifestations, il n'y a plus qu'un espace extrêmement réduit pour la contestation".

    Il faut dire que le texte adopté début décembre et qui doit passer en référendum les 14 et 15 janvier prochains n'a cessé d'alerter les militants éclairés. Cette constitution nouvelle consolide la toute puissance de l'appareil militaire dans le processus de "transition démocratique" promis par l'armée au lendemain de la destitution de Morsi. 

    Ne serait-ce que d'un point de vue historique, il faut aussi voir que l'armée en pays d'Égypte a toujours eu un poids considérable, toujours présente lors des changements politiques importants, parfois en tant qu'actrice principale. En 1952, c'est l'armée qui met fin à la monarchie puis prend le pouvoir après l'évincement de Moubarak puis c'est encore elle qui destitue Morsi. Beaucoup d'intérêts sont donc en jeu pour cette institution et par le texte de Constitution ce sont des privilèges de six décennies qui sont maintenus tout cela en parallèle avec une augmentation du poids de l'institution sur la vie politique. 

    Depuis le début de la crise, l'armée est encore la seule institution comme je le disais au départ "pôle de stabilité" dans le sens où jamais l'appareil militaire n'a été réellement inquiété. Encore actuellement, dans un pays en crise profonde, l'armée est parvenue à conserver une indépendance totale, et une immunité légale. Cela se traduit par exemple par l'absence de droit de regard du Parlement sur le budget de l'institution. D'autre part, dans les décisions de transition en cours, l'armée a réussi un coup de maitre en s'emparant avec brio d'une partie de l'exécutif: dorénavant la nomination d'un nouveau ministre de la Défense (qui devra obligatoirement être un militaire) doit recevoir l'accord de l'institution armée. Cette nouvelle mainmise sur le pôle exécutif n'est pas sans conséquence sur la vie politique égyptienne. Cité par l'Orient-Le-Jour début décembre, le politologue Hassan Nafaa voit dans ces dispositions nouvelles "un sujet d'inquiétude", surtout si le général Abdel Fattah al-Sissi, commandant en chef de l'armée, actuel ministre de la Défense, vice-Premier ministre et véritable homme fort du pays, décide de ne pas se présenter à l'élection présidentielle. "Quelle sera alors la relation entre le président élu et le Premier ministre, d'une part, et leur ministre de la Défense, d'autre part, qui ne se sentira pas subordonné à leur autorité". A juste titre cela pourrait déboucher sur un "pouvoir à trois têtes vecteur d'instabilité".

     

    Questions d'Orient/ Le 24 décembre 2013


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  • Moyen-Orient:

    et si la sociologie orientale des révoltes sonnait le glas des relations orient/occident?

     

    Et si l'Occident était en passe de s'humilier sur fond de crise syrienne? Et si nos pays, hier gendarmes de l'Orient, devenaient la risée des pays arabes et perdaient toute crédibilité auprès de ces derniers? 

    C'est en tous cas ce que semble redouter Aurélien Pialou dans son article du Monde paru mi-décembre. En fait, les révoltes auraient mis en avant une faille monstrueuse de la diplomatie occidentale: son incapacité à prendre des décisions et à trancher en faveur d'aides ou de prise de parti précises. 

    En s'attardant sur le cas de la crise syrienne, on va voir que au-délà des facades larmoyantes de que nous lisons chaque jour dans les médias, les indécisions européennes coutent des vies, décrédibilisent les puissances occidentales et sont facteur d'incompréhensions socio-idéologiques. 

    Si l'on regarde de près les contestations arabes des trois années qui viennent de s'écouler, révoltes que nous avons appelé Printemps Arabes, l'édification des luttes armées a été progressive et le résultat actuel dans un pays comme la Syrie est le reflet des tendances de fond dessinant les mondes arabes actuellement. 

    Alors justement, comment ces révolutions sont-elles nées? Au-délà de la rupture de la faille politique entre gouvernés et gouvernant et des régimes autoritaires en vigueur lors de la montée des contestations, l'édification et la construction des luttes armées est assez rationnelle. Il a fallu ce que l'on appelle "un processus réactif" c'est-à-dire un élément qui soulève une ferveur populaire car il touche l'émotionnel de chacun. En Syrie, cela a commencé avec la rumeur des tortures d'enfants. Puis aux mouvements de contestations pacifiques s'est rajouté le bombardement de Homs. C'est l'élément déclencheur du mouvement armée. Le processus a été très progressif: peu à peu les révolutionnaires ont saisi le jeu que menait le régime en face. Celui qui refusait publiquement le régime, par les réseaux sociaux, par des actes visibles avait fait son choix; un choix sur lequel il ne lui était plus possible de revenir. Nous le savons tous, les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur surtout durant les deux premières années de la contestation syrienne et les services secrets connus pour le professionnalisme ont pu ficher les opposants peu à peu sans problème. Beaucoup ont été pris au piège et sont aujourd'hui pris au piège entre islamistes et régime. 

    L'enchainement a donc été rapide et rationnel. Des unités armées se sont constituées et ces processus sociaux de résistance ont organisé peu à peu  le territoire syrien. Chaque clan avait son territoire. Au départ, chacun travaillait main dans la main avec son voisin...mais ça c'est du passé. 

     

    Et puis, il y a eu les Occidentaux... En effet, parallèlement aux mouvements de rue, les diplomates occidentaux observaient l'évolution avec beaucoup d'attention. La révolution syrienne a, on peut le dire, apporter une révolution diplomatique européenne. Le bourbier était pourtant flairable de loin...mais très rapidement, devant les répressions assez impitoyables sur les civils, l'émotionnel a pris le dessus dans les chancelleries occidentales et les mots ont été très durs, sévères et malheureusement, eux non plus ne proposaient aucun retour en arrière possible. Attaqué de toutes parts, sans réellement maitriser les situations des premiers mois, le président Assad s'est vite replié sur lui-même et il devenu intraitable, il était impossible de discuter avec lui alors même qu'il était le seul "représentatif" car le seul à avoir une emprise sur le pays et à avoir les clefs du conflit dans sa poche... L'Occident avait son choix.

    Mais le paradoxe n'est pas là. Le paradoxe il est dans l'attitude rapidement adoptée vis-à-vis des rebelles. Aux soutiens émotionnels et réactifs ont succédé les palabres incessantes, les bouches se sont assez vite tues et les paroles se sont mitigées. 

    En fait, le problème était double pour les chancelleries européennes et américaines. D'abord, c'était un soucis de "représentativité". Il est clairement difficile voit impossible d'aider et de fournir un soutien ciblé à une opposition composée de groupuscules et ne présentant aucune unité. Aucun leader n'est réellement identifiable, excepté peut-être le chef du CNS qui n'est pas sur le territoire syrien et qui n'a réellement aucune aura sur son infanterie de première ligne. Le deuxième problème vient des héritages diplomatiques historiques: les relations entretenues entre les diplomaties européennes et des dirigeants sécuritaires arabes ont toujours été assez bonnes dans le passé: Sarkozy recevant Kadhafi à l'Elysée restant l'image la plus célèbre. Les attentats du 11 septembre, la Syrie de la famille Assad s'est toujours montrée très coopérante pour lutter contre la propagation du terrorisme islamiste. Grâce au génie de ses services secrets, le pays a souvent marché sur la crête en soutenant doucement des mouvements islamistes puis en assurant les arrêter. Ce système, faisant la Syrie un pays en recherche de solutions pour lutter contre le terrorisme lui a valu une reconnaissance officielle de plusieurs pays. 

     

    De fait, les sympathies créées, il est difficile d'adopter une ligne stable et convaincue face aux révoltes sans prendre un parti peut-être moralement condamnable car trop exhaustif. Et voilà justement nos pays divisés par les bons sentiments, les amitiés et les sentiments de compassion. C'est ce qui explique l'incapacité flagrante des présidents occidentaux à prendre une décision ferme sans devoir reculer, pédaler dans le vide et faire des déclarations floues. 

    Dans un premier temps, le soutien verbal a été de mise. Cela n'est pas spécifique à la Syrie, on a pu l'observer en Libye, en Egypte ou en Tunisie. Mais comme souligné précédemment, difficile de soutenir une organisation qui n'est pas représentative d'elle-même. Alors il a fallu donner une idée de représentativité à l'opposition sans avoir la moindre d'idée de ce qu'est l'idéal de représentativité d'une opposition civile. 

    Toujours est-il que les soutiens n'ont jamais été vraiment crédibles car ils n'ont jamais été concrets. On a exigé un mouvement de transition représenté par un gouvernement provisoire...mais sans le moindre "coup de main". Un pays au plus profond de la crise et guerre civile, dont plus de la moitié du territoire est aux mains de cellules djihâdistes doit désormais répondre à une injonction européenne: entendez-vous avec votre président pour un gouvernement de transition. Pas évident, nous sommes d'accord!

    Comme la géopolitique c'est aussi préparer "l'après", et que cet "après" effraie facilement les populations orientales mais aussi occidentales, les chancelleries européennes ont aussi fourni de précis critères tout cela dans une ébauche de constitution. Comment cela? Il faut équilibrer les poids sociaux des différentes minorités pour éviter des règlements de comptes à venir. Alors cela part d'un principe louable lorsqu'on sait la mosaïque ethnique que représente la Syrie actuellement et ce que risquent de subir les minorités alaouites si le pays tombait entièrement aux mains des sunnites. Mais encore une fois, sans aide manifeste la tâche est ardue, alors même que les rebelles se battent même entre eux. 

    Dans cet éparpillement diplomatique, cela fait longtemps que les vraies redevendication du peuple syrien, victime actuellement des exactions djihâdistes autant que des dommages collatéraux et de la brutalité des milices pro al-Assad, se sont perdues. Ces revendications elles concernaient la justice, la qualité de vie, la sécurité... Il faut dire aussi que les revendications relatives à la qualité de vie du peuple n'ont jamais vraiment beaucoup intéressé les diplomates occidentaux. Ils se préfèrent à traiter de notions telles que "acteurs pertinants", "partenaires de dialogue"... Cela est plus édifiant et à long terme logiquement plus utile. 

     

    D'aucuns se plaisent à condamner les agissements "immoraux" qui consistent en un rapprochement entre diplomates européens et hommes de Damas. Il faut dire que les Occidentaux ont pour le moins changer leur fusil d'épaule ces derniers jours. En affirmant que le président al-Assad devait jouer un rôle dans la transition et que les alaouites devaient conserver le pouvoir militaire, les diplomaties occidentales ont pris un sérieux parti et annoncent par la même, les couleurs pour les discussions à venir le 22 janvier à Genève. Le rapprochement Russie-Etats-Unis et leur travail commun dans la recherche d'une transition dans les meilleures conditions est un ciel d'azur pour le président al-Assad. 

    Il reste néanmoins à espérer que Genève 2.0 ait lieu et que les rébellions islamistes qui pullulent soient écrasées par les troupes et milices pour laisser place au Conseil modéré du CNS. 

     

    Questions d'Orient/ Le 22 décembre 2013


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