• Syrie:

    le Kremlin accuse Assad de faire monter la pression par des déclarations ambigües

     

    Si cela s'avère réel, ça n'est pas très malin de la part du président syrien. Son allié traditionnel, Moscou accusait hier le président al-Assad de provoquer volontairement l'opposition syrienne en déclarant tout bonnement sa possible candidature aux éléctions présidentielles de 2014 dans le pays. 

    Le Kremlin a fait remarquer que ce type de déclaration ne faisait qu'exacerber les tensions entre les deux camps alors même que nous nous situons à un mois de la conférence de paix de Genève 2 et que l'opposition a placé comme conditions sine qua non l'assurance du départ du président syrien pour entamer les négociations. "De tels propos ne font que faire monter la tension et ne calment guère la situation", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov dans une interview à l'agence Interfax, paroles rapportées dans le quotidien libanais francophone l'Orient-Le-Jour. 

    Mais le régime garde la tête froide et a encore affirmé que nul ne pouvait empêcher le président Assad d'être candidat voir reconduit à l'éléction présidentielle. Très démocratiquement, le ministre des Affaires étrangères syrien a déclaré: "Nous voulons qu'à la fin (des discussions), les urnes décident qui dirigera le pays". Ce dernier n'a pas non plus manqué de jouer sur les mots et a fait un clin d'oeil fourbe au président Hollande: "le président Assad jouit d'une très grande majorité, contrairement au président (français) François Hollande qui n'a que 15 % d'opinions favorables dans son pays". Fayçal Moqdad a rajouté que "Personne n'a la droit d'interférer et de dire s'il doit être candidat ou pas. C'est une décision qui doit être prise par le président lui-même avec le soutien du peuple syrien". 

    Et comme prévu, ça coince. Il fallait s'en douter, les rebelles ont opposé un refus catégorique à ce projet. Après, il y a les deux camps chez les rebelles: modérés et islamistes. Al-Nostra, front islamiste rattaché à Al-Qaïda a déjà refusé tous les résultats qui pourraient émerger de la conférence de Genève 2. Dans la première interview qu'a accordé le groupe dorénavant indépendant, son chef Abou Mohammad al-Joulani a déclaré à al-Jazira que: "Les participants ne représentent pas les gens qui se sont sacrifiés et ont versé leur sang" pour lutter contre le régime Assad. 

    Un mois avant Genève 2 l'opposition n'a jamais été autant divisée. Le minorité kurde a fait savoir qu'elle souhaitait disposer d'une délégation indépendante de celle de l'opposition et du régime. 

     

    Parallèlement à ces déclarations, l'émissaire international, Lakhdar Brahimi a fait une intervention pour dénoncer les enlèvements de quatre militants de l'opposition. Il a exigé leur libération. Que qui s'agit-il? Les noms de Raza Zeitouneh, Waël Hamada, Samira Khalid et Nazed al-Hamadi ont été mentionnés par les Comités Locaux de Coordination (LCC) et rapportés par l'Orient-Le-Jour. Ces hommes auraient enlevé près de Damas le 10 décembre par des inconnus dans un secteur rebelle. Ces enlèvements font suite à celui de Rajaa Nasser, un opposant appartenant au parti d'opposition modéré et toléré par le régime du CCCND (Comité de Coordination pour le Changement National et Démocratique). 

     

    A Alep, dans les banlieues de la ville et les villages voisins, l'armée de l'air syrienne a continué à pilonner les zones rebelles. Cela fait maintenant cinq jours que le régime et les avions militaires bombardent en larguant des barils de TNT faisant plus de 160 morts, tandis que Médecins sans frontières déclarait que ce serait plus 189 morts. "Après quatre jours de largage de barils d'explosifs sur Alep, le régime (...) a frappé Tall Alam", un village au sud-est de la deuxième ville du pays, a indiqué sur Facebook le "centre médiatique d'Alep", un réseau de militants. D'autres groupes de réseaux sociaux (Shahba Press) ont ausi déclaré avoir subi des raids aériens à Daret Ezza, Marea, Minbej et Anadane, des villages et localités au nord d'Alep et tenus fermement depuis plus d'un an par l'opposition.

    "Il sera difficile, voire impossible, que l'armée avance dans les quartiers rebelles d'Alep, mais je pense que le régime tente de monter la population contre les rebelles", a déclaré Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

    13 soldats syriens ont été tués hier dans des combats avec des jihadistes dans la ville de Deir ez-Zor, à l'est du pays selon OSDH.

     

    Questions d'Orient Le 20 décembre 2013


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  • Syrie: 

    les atrocités djihâdistes reconnues par Amnesty International

     

    Enlèvements, tortures, exécutions par décapitations, fouets, isolements dans des conditions sanitaires terribles. Voilà que Amnesty International, qui n'avait encore jamais déclaré quoique ce soit sur les atrocités syriennes qui sont aussi le fait des groupes djihâdistes, accuse ouvertement les groupuscules en forte augmentation actuellement. C'est EIIL que l'ONG vise particulièrement. Etat Islamisque en Irak et au Levant est un groupe islamiste parmi les plus puissants actuellement en lutte contre le régime de Damais...mais aussi contre ASL (Armée Syrienne Libre) ou encore contre les citoyens syriens qui fument...

    D'autant que ce ne sont pas les vidéos à l'appui qui manque pour prouver la nature de la plupart de ces groupes islamistes, qui ont récemment pris leur indépendance vis-à-vis le l'Etat-major du CNS et de l'ASL. 

    Les exactions auraient lieu dans sept prisons secrètes sur le territoire syrien encore contrôlé par l'opposition islamiste. L'ONG a aussi révélé que parmi les prisonniers se trouvaient des enfants de huit ans voir moins. Ces derniers, comme tous les mineurs seraient soumis au fouet et à des conditions "cruelles et inhumaines". 

    Les scènes décrites par des prisonniers sont incroyables. On parle d'un juge (on pourrait dire bourreau je pense) jugeant avec une ceinture d'explosif à la taille dans un cadre de "procès grotesquement inique". Les peines seraient déclamées en quelques minutes. 

    Parce que bien sûr ce n'est pas tout d'emprisonner. Les terroristes bafouent aussi les règles de la justice en créant localement leur idéal (qu'ils veulent imposer à tout le pays par la suite): le tribunal islamiste régit par la charia, la loi islamiste. La solution est simple: on tranche la tête ou un décapte le dos à coup de fouet (ou de cables d'après des prisonniers). 

    Alors qui sont les victimes? L'ONG l'a clairement fait comprendre en accusant EIIL "de piétiner impitoyablement les droits des habitants locaux". Les victimes sont de tout type: des meurtriers, des gens qui auraient fumé, des gens qui auraient eu des relations sexuelles or mariage ou...encore mieux qui seraient en lutte contre le régime mais dans d'autres organisations. Des dizaines de militants, de journalistes citoyens ou de journalistes étrangers ont aussi disparu ces derniers mois dans les grandes villes syriennes."Après avoir souffert des années de la brutalité du régime [du président Bachar al-Assad], les habitants de Raqqa et d'Alep souffrent maintenant de la tyrannie imposée par l'EIIL". Ce sont les paroles de Philip Luther, le responsable d'Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord rapportées dans France 24 ce jeudi 19 décembre. 

    Amnesty a aussi demandé à la Turquie et aux pays du Golfe de contrôler leurs livraisons d'armes et d'éviter que ces dernières parviennent dans les mains des djihâdistes ce qui était arrivé durant la crise libyenne...même si on peut se demander si les mauvaises livraisons aux mauvaises adresses n'étaient pas volontaires...petite erreur de courier. Peut-être rien à moyen terme mais à long terme?? 

     

    Questions d'Orient/ Le 19 décembre 2013


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  • Syrie:

    relents gépolitiques gaziers autour de la crise

     

    Et si la crise en Syrie était en fait un problème de géopolitique énergétique? C'est ce qu'affirme l'expert en énergie Sami Nader au quotidien libanais francophone L'Orient-le-Jour.   

    Il affirme en effet que le conflit pourrait s'avérer avoir un fond de conflit sur l'exportations de gaz de l'Orient ver l'Occident. Cela transcendrait les explications confessionnelles (qui sans nul doute sont les raisons des combats aux échelles locales) et la guerre entre sunnites et chiites. 

    Quels seraient alors les pays concernés? Il s'agirait de la Syrie, de l'Arabie Saoudite, du Qatar, de la Russie et...de la Turquie qui, même si le pays ne dit rien, ne joue pas moins un rôle prépondérant dans le soutien à l'opposition et aux islamistes. 

    Bien sûr ces raisons semblent moins évidentes et moins claires que celles fournies par les médias, les blogs ou les politologues dans le monde mais cela pourrait expliquer l'engagement acharné des russes aux cotés d'al-Assad et le soutien financier et en armement qu'accordent la Turquie et l'Arabie Saoudite à l'ASL. 

     

    Replacons les évènements dans le contexte. Un quart du gaz importé en Europe provient de Russie. Le pays de Poutine possède donc une suprématie totale en la matière, suprématie qu'elle n'a pas envie de laisser couler aux mains d'autres pays orientaux; car lorsqu'il s'agit d'énergie, tout le monde est prêt à tout.

    Considérant ce monopole, considérons en parallèle les deux projets en cours dans l'Europe orientale, prévoyant tous deux la construction de gazoducs vers l'Europe. 

    -> Il y a d'abord le projet Southtream, projet paneuropéen qui devrait émerger en 2015. Ce dernier est très favorable à la Russie puisqu'il prévoit de relier l'Europe occidentale tout en évitant les pays turcs et l'Azerbaïdjan mais aussi les anciennes républiques soviétiques. 

    -> Et puis il y a Nabucco. C'est un projet qui a conquit à sa cause les Etats-Unis et l'Union Européenne. Il est prévu pour 2017 et n'est pas favorable du temps à la Russie puisqu'il prévoit un gazoduc pour diversifier les sources énergétiques ce qui permettrait dans le même temps de réduire la dépendance à la Russie de pays comme la Hongrie. Le pays dépend à 80% du gaz russe. 

    Et en parallèle, il y a un projet sur lequel la Turquie et le Qatar oeuvreraient ensemble depuis quelques années. Ce projet de gazoduc viserait à rallier Nabucco mais en passant par l'Arabie Saoudite, la Syrie pour finir sa course en Turquie tout en prenant sa source au Qatar. Tout cela semble une initiative purement orientale mais un intru bouscule les objectifs: le régime syrien. Depuis 2009, le président al-Assad refuse de signer ce projet en prétexant une possible rupture des relations diplomatiques et économiques avec le Kremlin, un solide allié de Damas. 

    D'après Nader, cela pourrait être une des motivations de la Turquie et du Qatar au soutien actif de la rébellion. D'autant qu'avec ce projet greffé sur Nabucco la Russie perdrait son rôle de grand N°1 et la diversification des sources provoquerait une baisse générale et logique des prix du gaz. 

    En 2012, Al-Assad a continué à faire des siennes en donnant son accord pour un projet énergétique d'ampleur: un gazoduc devant relié Irak et Iran et desservir sur son passage la Syrie, et le Liban. Cela a d'ailleurs agacé la Russie. Explications de M. Nader: "Jamais les Russes ne pourront accepter une Syrie ayant une frontière (gazière) directe avec l'Irak" L'expert a aussi affirmé que ce projet était au cœur des discussions entre le responsable saoudien Bandar ben Sultan et des responsables russes depuis quelques mois.

    Les volontés d'hégémonie en matière de gaz russe ont été aussi mises en avant suite à la découverte maritime de gaz naturel dans le bassin est de la Méditerranée, souligne Sami Nader, Cela pourrait aussi expliquer le conflit historique Israël-Hezbollah pour ce qui est de la définition des eaux territoriales de chacun des pays Irsaël et Liban. Cela explique la position médiane et d'interlocteur commun que tend à prendre la Turquie depuis des années. 


    En grand diplomate, M. Nader préconise des solutions « diplomatiques et transparentes », sinon c'est toute la région qui risquerait d'être entraînée dans des guerres de façade sans précédent. En faisant un habile parallèle avec la CECA (Communauté Européenne du Charbon et d'Acier) qui avait sauvé l'Europe de conflits sectaires et intéressés, Nader suggère que les pourparlers soient axés sur les problèmes énergétiques de gaz alors même que la communauté internationale se prépare à la grande conférence de paix de Genève 2 en janvier 2014. 

     

    Il est difficile de savoir quelle solution pourrait être la meilleure mais même si des conflits à l'échelle internationale tel que celui sur le gaz pourraient avoir entraînés des soutiens et alliances diverses il est clair que le facteur idéologique ne sera pas résolu ainsi que maintenant que chiites et sunnites ont trouvé le terrain d'affrontement et se tapent perpétuellement dessus ce n'est pas un traité géopolitico-gazier qui, de toute façon ne les concernent en rien (voir pire: favorisera l'Occident), qui calmera les ardeurs. 

     

    Questions d'Orient/ Le 19 décembre 2013


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  • Syrie:

    l'appareil militaire et sécuritaire doit rester aux alaouites

     

    Vous êtes prévenus, la transition à Genève en janvier ne pourra s'envisager sans le président Assad.

    C'est le message et la ligne rouge clairement défini par Washington et les puissances européennes ces derniers jours à propos des négociations qui pourraient réunir les deux camps en janvier. Quel paradoxe quelques mois après l'armement des avions pour aller frapper les troupes du président alaouite! En réalité, il semblerait que l'Occident ayant pris une sérieuse décharge après la prise d'une zone de caches d'armes de l'ASL mais aussi de matériel occidental au nord de la Syrie par le Front Islamiste, la semaine dernière. 

    Le message a été transmis aux membres du CNS (Conseil National Syrien) mardi lors d'une conférence à Londres avec les Amis de la Syrie. Cette organisation informelle regroupe les puissances occidentales, arabes mais aussi la Turquie, acteur prenant une place considérable dans le transfert et le transit de combattants islamistes vers la Syrie. 

    Cela n'a pas été sans réveillé les ardeurs des membres du CNS. "Nos amis occidentaux ont clairement dit à Londres qu'on ne pouvait pas laisser Assad partir maintenant parce qu'ils pensent que cela déboucherait sur du chaos et une prise de contrôle par les activistes islamistes", a déclaré à l'Agence Reuters un membre du CNS, proche de responsables saoudiens. L'idée que le régime réorganise une éléction présidentielle à la fin du mandat officiel d'al-Assad à l'horizon 2014 anime quelques ardeurs patriotiques qui ne manquent pas de rappeler quelques épisodes flous du conflit: "Certains ne semblent même pas se soucier du fait qu'il puisse se représenter l'année prochaine, en oubliant qu'il a gazé son propre peuple." D'autant que si la situation d'une éléction se présentait, il n'est pas exclu que le président al-Assad soit reconduit tout à fait légitimement grâce à l'addition des minorités qui pèsent lourd: coptes, alaouites, commerçants, syriens désemparés par la montée d'islamistes ou tout simplement fidèles d'Al-Assad. 

    Le message envoyé par les puissances occidentales et notamment par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis traduit clairement un changement de perspective dans la gérance géopolitique du conflit. L'évincement diplomatique ou militaire du président a été rapidement relégué au second rang et les présidents occidentaux semblent avoir punaisés un post it: il faut entamer une chasse aux groupes islamistes auxquels nous avons laissé la voie (et la voix) libre en choisissant de ne pas intervenir. 

    Ces décisions divisent profondément la communauté internationale affectée par la crise syrienne. Cela pourrait conduire à un rapprochement avec la Russie mais laisse les Turcs et les Saoudiens fâchés. Voilà 43 ans que l'Arabie Saoudite sunnite doit supporter ce neutron alaouite installé dans la ville par excellence des sunnites après l'historique passage des Omeyyades de Damas. En revanche, les islamistes et la propagation de ces groupes au Proche-Orient ne semble pas réellement être un grand problème pour la monarchie wahhabite et Istanbul. L'Arabie Saoudite voit aussi d'un très mauvais oeil le rapprochement entre Washington et l'Iran, le grand ennemi chiite malgré les dernières propositions d'ouverture du premier ministre Zarif au CCG. 

    Ce mécontentement, l'Arabie n'a pas hésité à le manifester ouvertement: aux Amis de la Syrie elle n'a envoyé qu'un diplomate de second rang et mardi via le par le New York Times, l'ambassadeur saoudien à Londres Mohammed ben Nawaf ben Abdel Aziz al-Saoud, apostrophe ses "amis et partenaires occidentaux". Sans passer par des chemins dérivés il écrit que les relations du royaume wahhabite avec ses partenaires "ont été mises à l'épreuve principalement en raison de différends sur l'Iran et la Syrie".

    Ryad n'hésite plus à revendiquer son statut de "cavalier seul","n'a d'autre choix que d'agir avec davantage de détermination dans les affaires internationales", "avec ou sans le soutien de nos partenaires occidentaux". Et l'ambassadeur de rajouter devant l'argument de l'augmentation de l'influence djihâdite qu'il est "trop facile pour certains d'utiliser la menace des actes terroristes d'el-Qaëda comme excuse à l'hésitation et à l'inaction."

    Aziz al-Saoud a aussi assuré du soutien de l'Arabie Saoudite à l'ASL, chose que ne remettent toutefois pas en question les Etats-Unis puisque la semaine dernière encore, John Kerry, secrétaire d'Etat avait assuré du même soutien. Ne confondons pas ASL et rébellion syrienne...

    "Le moyen de prévenir l'avènement de l'extrémisme en Syrie est de soutenir les hérauts de la modération: financièrement, matériellement et, oui, militairement si nécessaire", juge le diplomate saoudien. 

     

    Concernant des mesures de rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie, elles semblent en fait plus avancées que ce que l'on pourrait croire. Selon un membre de l'opposition qui a des contacts aux Etats-Unis, les deux pays pourraient être en train d'engager un travail diplomatique visant à définir à définir un cadre pour la transition étatique. 

    Les déclarations restent les mêmes: les alaouites doivent garder le contrôle de l'armée. Cela permettrait sûrement d'éviter nombre de vengeances contre les familles chiites mais aussi la création d'un corps d'union contre la menace réelle: al-Qaïda. Pour cela, les deux pays pourraient envisager l'intégration directe au corps d'armée syrien, des certaines milices rebelles actuelles parmis les plus modérées. Il faut rappeler que nombres de milices des premiers jours sont en lutte acharnée contre d'autres milices djihâdistes...l'objectif premier se perd de vue. "Même si Assad est mis de côté et qu'un sunnite est placé à la tête d'une autorité de transition, ce dernier n'aura aucun pouvoir car ni Washington ni Moscou ne semblent vouloir la fin du contrôle alaouite sur l'armée et l'appareil de sécurité", dit ce syrien, résistant des premières heures. 

     

    Aurait-on trouvé la solution? Pas sur qu'elle soit acceptée de tous les syriens. D'autant qu'il faudrait aussi trouver l'homme de l'après, l'homme qui hériterait du poste de président pour le gouvernement de transition. Les USA et la Russie auraient aussi commencer à examiner des listes de potentiels successeurs. 

    Afak Ahmad, un ancien officier des services secrets syriens ayant rompu en 2011, estime que Moscou pose cette condition de la présence alaouite comme une condition sine qua non.

    Il a déclaré que "La Russie ne s'accroche pas à Assad mais la ligne rouge pour Moscou, c'est la préservation de l'armée syrienne". "Elle juge que, avec une expérience de 50 ans au sein de l'armée et de l'appareil de sécurité, les alaouites sont les mieux placés pour combattre les activistes islamistes."."La solution politique doit être progressive et impliquer une direction collégiale", poursuit-il. "Si les alaouites ont la garantie qu'il n'y aura pas de représailles contre leurs vies et leurs biens, ils accepteront qu'Assad et le premier cercle de ses collaborateurs s'en aillent."

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    Il semble néanmoins certain que les discussions qui se rapprochent et qui auront probablement lieu à Genève à partir du 22 janvier 2014, seront centrées sur le rôle à venir de la minorité alaouite. Un diplomate aurait suggéré au CNS d'adopter une attitude plus "créative" sans forcément revenir sur le fait que le conseil exige le départ d'al-Assad. Mais il n'a pas manqué encore de rappeler la ligne de conduite au CNS: "Si l'opposition rejette un tel accord, elle perdra la plupart des pays occidentaux et n'aura plus que l'Arabie saoudite, la Libye et la Turquie à ses côtés". 

    Autant dire qu'avec toutes ces déclarations ces jours, le CNS se retrouve face à un sérieux dilemme, sous la pression et sûrement contraint de revoir ses plans.

     

    Questions d'Orient Le 18 décembre 2013


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  • Le leader états-unien face à de nouvelles problématiques

     

    La fin de la Guerre Froide, soldée par la victoire états-unienne face au bloc communiste, a marqué, selon certains, la « fin de l’histoire ». Mais, au lieu de fin de l’Histoire, s’en est plutôt une autre qui commence, celle d’un Etat qui fait face à un monde multipolaire et à un foisonnement de nouvelles problématiques, mettant son statut de leader à l’épreuve. Dans le contexte de la mondialisation, la politique intérieure et la politique extérieure des Etats-Unis se voient profondément réorientées, redéfinissant la place des USA dans l’ordre mondial.

     

    Politique intérieure et immigration aux Etats-Unis

    Le statut particulier des immigrants

                Selon les observateurs, les Etats-Unis compteraient 11 millions d’immigrants illégaux (undocumented aliens) résidants sur le territoire américain (soit plus de 3.5 % de la population totale), dont 2/3 seraient hispaniques selon le Census Bureau. Il a été également démontré que l’immense majorité de ces immigrants illégaux travaille et paye des impôts (sur le revenu, sur les achats, sur la propriété). Cette situation semble, pour nous Français, paradoxale : comment des résidents en situation irrégulière peuvent-ils payer des impôts ?  A la différence de la France, les taxes aux USA sont appliquées à la source, c’est-à-dire directement sur le salaire avant qu’il ne soit versé par l’employeur.

                Le sujet devient problématique lorsque l’on aborde la question des contrôles d’identité. L’assemblée de l’Arizona, Etat du Sud très conservateur, a voté la mise en place de dispositions afin d’établir un profilage de l’immigré illégal. Ont notamment été retenus comme critères le style de vêtement, la fréquentation de certains magasins, la gastronomie, et les pick-up noirs roulant à grande vitesse. Les individus remplissant ces conditions sont susceptibles d’être appréhendés et contrôlés. L’assemblée de l’Arizona a ainsi délégué à la police de l’Etat le pouvoir de contrôler les individus suspectés. Or, la Constitution fédérale interdit ce genre de vérification : ne peut être contrôlé qu’un individu suspecté d’un délit ou d’un crime autre que le franchissement illégal de la frontière.

                En somme, les immigrés clandestins aux USA sont dans une situation tout à fait originale : ils travaillent, payent des impôts, ont un permis automobile, des enfants qui vont à l’école, mais ils ne peuvent légalement pas être contrôlés, à moins que quelqu’un les dénonce ou qu’ils soient suspectés d’avoir participé à un crime ou délit. Cependant, ils n’ont pas le droit de vote.

     

    Le poids électoral de la communauté hispanique

                La communauté hispanique aux USA, de 53 millions d’individus, soit 17 % de la population, a un impact électoral très important, notamment parce qu’elle est implantée dans des Etats d’importance politique majeure tel que la Californie, qui compte 55 grands électeurs sur 538 (1/10ème). Néanmoins, contrairement aux afro-américains qui ont un comportement électoral prévisible (90 % votaient pour Obama en 2012), le vote hispanique est particulièrement volatile, et ce pour 2 raisons :

    -la communauté hispanique est très peu inscrite sur les listes électorales, elle constitue donc une nouvelle ressource d’électeurs potentiels.

    -une enquête sociologique s’est efforcée de montrer que le premier vote est déterminant en termes d’orientation politique pour les élections futures.

    Pour ces raisons, les hispaniques constituent un enjeu électoral majeur pour les candidats aux élections qui peuvent « puiser » dans cette nouvelle ressource de primo-électeurs qui, une fois leur premier vote acquis, seront des appuis fidèles.

                Par ailleurs, le vote hispanique est confronté à un dilemme moral et économique. Il est souvent orienté démocrate, puisque, appartenant majoritairement à la classe socio-économique la plus basse, les hispaniques souhaitent bénéficier au maximum des aides de l’Etat-Providence. Ce facteur économique, associé à la stigmatisation des hispaniques par les Républicains, qui apparaissent réellement comme le parti « ennemi » des hispaniques, contribuent à orienter leur vote vers le Parti Démocrate. Toutefois, ce vote est susceptible de désalignement et de réalignement en raison du fort conservatisme de ces mêmes hispaniques en termes de mœurs. En effet, les familles hispaniques, souvent très catholiques et conservatrices dans les moeurs, s’identifient de ce point de vue au Parti Républicain. La communauté hispanique se trouve donc face à un dilemme original entre un vote démocrate motivé par leurs intérêts économiques, et un vote républicain influencé par la morale et les croyances personnelles.

     

    Projets de loi et réformes structurelles

                Les dernières réformes structurelles en matière d’immigration datent du début du XXème. Le National Origin Act, de 1924, stipule que les populations étrangères ne peuvent immigrer sur le territoire états-unien qu’au nombre maximum du quart de la nationalité ou ethnie déjà présente à cette date.

    La dernière réforme est celle de 1964, relative aux droits civils. Aujourd’hui, c’est le DREAM Act qui est discuté aux USA : il souhaite régulariser les individus entrés illégalement sur le territoire lorsqu’ils avaient strictement moins de 16 ans. Ce projet de loi, qualifié de « path to citizenship », concernerait tous les individus remplissant cette première condition ainsi que les suivantes : payer des impôts, posséder un diplôme du lycée, avoir suivi des études supérieures pendant au moins 2 ans ou avoir servi 2 ans au moins dans l’armée américaine, ne pas être impliqué dans un crime. Les individus remplissant l’ensemble de ces conditions obtiendraient une carte de séjour temporaire, qui, après 6 ans, si les 2 années supplémentaires d’enseignement supérieures ont été effectuées (ou 2 ans d’armée supplémentaires), se transformerait en une carte verte, octroyant le droit à son possesseur d’acquérir à terme la citoyenneté américaine, le droit de résidence à vie, le droit de vote, ainsi que la possibilité d’un regroupement familial. Ce projet a cependant été rejeté en 2010. Obama avait alors émis un executive order visant à bloquer la possible reconduite à la frontière d’immigrants illégaux.

                De plus, les USA appliquent un droit du sol strict. En Virginie par exemple, qui possède des universités publiques d’excellence (University of Houston, University of Virginia), les individus in-state payent leur enseignement à la hauteur de 8 000 $ tandis que les out-state, les résidents illégaux, payent eux 32 000 $. C’est pourquoi l’Etat a accordé le droit aux immigrants qui ont toujours vécus aux USA et qui y ont fait toutes les études d’obtenir la citoyenneté américaine et donc d’accéder à des coûts scolaires moindres.

                Cependant, Le DREAM Act ne concerne qu’une petite minorité d’individus, c’est pourquoi certains politiques demandent son intégration dans une réforme de plus grande ampleur. Cette réforme, c’est le Border Security Economic Opportunity Immigration and Modernisation Act, qui est passée au Sénat (à majorité démocrate) mais est restée bloquée à la chambre des représentants (à majorité républicaine) jusqu’au 27 juin 2013. Son adoption définitive n’est cependant pas encore actée. Elle a vocation à redéfinir la place des immigrants illégaux aux USA et à repenser l’immigration selon le renforcement de la surveillance des frontières. Elle ne remettrait pas en cause l’interdiction de reconduire des individus à la frontière (sauf pour certains individus traversant sans arrêt la frontière mexicano-américaine en fonction du climat et des récoltes) mais donnerait la possibilité de délivrer des visas temporaires pour certains travailleurs (dans l’agriculture notamment) et mettrait en place un système d’immigration choisie, comme cela est le cas avec le reste du monde. En d’autres termes, les USA auraient la possibilité d’ouvrir grand leurs portes aux travailleurs très qualifiés ou rares et de la fermer aux travailleurs possédant moins de compétences.

                Enfin, cette réforme prévoit également le financement du système informatique E-verify, qui faciliterait la vérification, pour les employeurs, du statut légal ou non de leurs employés. Cela rendrait donc les entreprises responsables, ce qu’elles ne veulent pas, et cela aurait pour conséquence finale la hausse du coût du travail et in fine du coût de la vie. On peut ainsi prendre l’exemple de l’Arkansas, dont l’économie repose essentiellement sur les entreprises d’abattage de poulets. Or il a été montré que moins de 1 % des individus employés dans ces usines sont blancs. Les entreprises devront donc augmenter les salaires des ouvriers en situation illégale, très souvent traités inégalement en termes de salaire.

     

     

    Les inflexions de la politique extérieure des Etats-Unis

    Le dossier épineux de Guantanamo

                Guantanamo est une prison située dans une base militaire américaine à Cuba. Implantée dans une zone louée par les USA (bail emphytéotique), elle accueille environ 160 prisonniers, anciens membres d’organisations terroristes. On peut distinguer plusieurs raisons de leur détention dans cette prison, pouvant s’entrecroiser :

    - aucun pays n’a voulu les accueillir

    - un pays souhaite en accueillir certains pour les juger et souvent pour les exécuter

    - les informations révélées par les prisonniers sous la torture ne sont pas légalement recevables.

    Guantanamo étant située dans une base militaire, elle est sous la juridiction des tribunaux militaires américains. Il est impossible de juger ces individus devant un tribunal civil en l’absence de preuves obtenues légalement, car cela reviendrait à révéler des secrets d’Etat ou à compromettre certains services de renseignement.

    Par ailleurs, le Congrès a refusé à plusieurs reprises de voter les crédits nécessaires à la construction d’une prison de haute sécurité sur le territoire américain dans le but d’accueillir les prisonniers de Guantanamo, malgré la demande d’Obama qui souhaite que des procès soient conduits par des cours civiles. Obama est en fait juridiquement dans l’impasse. Les prisonniers de Guantanamo ne peuvent pas être transférés sur le sol américain en raison de l’absence de prisons spécialisées et de, et seraient, si c’était le cas, sûrement relâchés au vu de l’inexistence de preuves légales. Enfin, on peut se demander si le Congrès n’a pas dans cette affaire un intérêt caché, en maintenant les prisonniers sur un territoire considéré par les américains comme cubain, où les droits juridiques sont bien moindres. Les juristes internationaux sont aujourd’hui dans l’incapacité de définir le statut de ces prisonniers qui apparaissent comme de véritables Objets Juridiques Non-Identifiés.

     

    La politique extérieure et le cas particulier de l’Amérique Latine 

                Le récent accord sur le nucléaire iranien est absolument historique, lorsque l’on sait que le dernier accord entre l’Iran et les USA date de 1979. Cet accord, associé au projet de retrait complet des militaires américains en Afghanistan en 2014, marque en quelque sorte la fin de l’unilatéralisme rigide des USA, qui se désengagent progressivement du Moyen-Orient. Cependant, cette inflexion de la politique extérieure américaine n’induit pas un réalignement sur les problématiques de l’Amérique Latine. Deux dossiers majeurs mériteraient pourtant que les USA usent de leur capital politique :

    -Cuba et la question de l’embargo. Faut-il lever ou non ? Le gouvernement américain semble à priori axée sur une réponse négative, considérant l’embargo comme un facteur de stabilité politique. De plus, lever l’embargo serait une reconnaissance explicite de l’inefficacité de cette arme pour faire tomber le gouvernement cubain actuel. A la fois, les USA espèrent, et ce depuis sa mise en place en 1962, que l’embargo va faire imploser le régime cubain et à la fois ils constatent avec plaisir qu’il est un facteur de stabilité politique, et donc n’est plus réellement un problème. Pourtant, le régime de Cuba utilise cet embargo comme ciment politique : il mobilise la population autour d’une politique anti-américaine et anti-impérialiste.

    -Le Mexique et l’ALENA. Le Mexique représente 1 000 milliards de $ dans le cadre des échanges de l’ALENA (USA, Mexique, Canada). La transition économique vers la co-production (maquiladoras notamment) qui est en cours entre les USA et le Mexique est toutefois retardée par l’impossibilité du Mexique de stabiliser sa société civile. En effet, les cartels sévissent dans le pays et font chaque année quelque 11 000 morts. Les USA auraient ainsi intérêt à adopter une politique d’aide économique massive (crise) ainsi que d’aides pour la lutte contre les cartels, mais ils n’en ont ni les moyens ni la volonté politique. Cela pourrait passer notamment par l’intensification de la lutte contre le trafic de stupéfiants  en provenance d’Amérique Latine et particulièrement du Mexique.

                En outre, la politique extérieure américaine se désengage peu-à-peu du Moyen-Orient et adopte la stratégie du Light Footprint suite à l’engagement en Afghanistan en 2001 qui constitue la guerre la plus longue menée par les USA (suivie par l’engagement en Irak). Cette stratégie consiste à refuser ou éviter l’engagement militaire massif et au recours à des techniques plus « subtiles » telles que les drones, la cyber-guerre et les forces spéciales. Parallèlement, depuis une quinzaine d’années, les pays asiatiques se sont tant développés et ont pris une place si importante dans le commerce et la stratégie mondiale que la politique extérieure américaine s’est repositionnée en fonction de ce nouveau pivot (Asia rebalancing). Par ailleurs, les analystes prévoient l’indépendance énergétique des USA d’ici 2 à 3 ans, et même la capacité d’exporter des hydrocarbures à l’étranger. Ce point est essentiel pour expliquer le désengagement des USA du Moyen-Orient, et mériterait d’être plus amplement approfondi.

     

     

    CONCLUSION

    Tandis qu’en matière de politique extérieure, le Président américain semble tout-puissant, à l’intérieur du pays il n’arrive pas à concilier la problématique de l’immigration et de l’Etat-providence avec le National Security State, remplacé en 2001 par le Patriot Act. L’immobilisme états-unien en ce qui concerne les questions relatives à l’Amérique Latine s’explique par la focalisation alternée des USA sur l’Europe, l’Asie, ou le Moyen-Orient, suivant le cours des événements, ce qui relègue continuellement l’Amérique du Sud au second plan de ses préoccupations.

     

    T. Blanc

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    Questions d'Orient - Le 18 décembre 2013


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